Algérie

PAS DE QUOI PAVOISER !


On aimerait, en toute sincérité et histoire de se rassurer, croire à la thèse évoquée par le ministre algérien de l'Intérieur selon laquelle le résultat du scrutin législatif qui rétablit l'hégémonie, formelle, du parti du FLN, est un plébiscite pour le président Bouteflika, «incarnation de la légitimité historique, garant de la sécurité actuelle et source de futures réformes et de changement».
Malheureusement, même en faisant des efforts et en essayant d'oublier une bonne partie des faits, têtus comme on dit, cela relève de l'impossible. Passons sur le fait que, théoriquement, selon le discours officiel à usage externe et accessoirement interne, on a cessé depuis longtemps de se référer à la légitimité historique. Son invocation, maladroite, démontre clairement que l'esprit de tutelle qui consiste à ne jamais s'arrêter de «transmettre le flambeau», et donc à bien le garder fermement des deux mains, reste de mise. Le mot de plébiscite (moubaya'a en arabe), déjà fortement connoté à l'unanimisme de contrainte des dictatures et des systèmes archaïques, n'est pas judicieux. S'il s'agit de souligner qu'il existe un soutien massif et franc, le mot est clairement inapproprié. Il relève d'une lecture terriblement biaisée et excessivement partiale du scrutin.
Quand, selon les chiffres officiels, plus de 57% des électeurs algériens ont choisi de s'abstenir de participer au vote, cela commande de la modestie en terme de triomphalisme. Il n'existe pas de plébiscite au sens d'adhésion massive quand plus de la moitié des électeurs ne participe pas au vote. Au lieu de verser dans l'autosatisfaction et dans la béatitude, la responsabilité commande de prendre acte du grave avertissement qui est transmis par ceux qui se sont abstenus de voter. La distance que les Algériens, en majorité les jeunes, ont marquée à l'égard du système politique en place ne nécessite pas un grand effort d'interprétation.
Le jeu politique factice qui est imposé aux Algériens depuis vingt ans a fini par lasser. Même des thèmes aussi sérieux que la souveraineté et la préservation de l'indépendance nationale ont fini par cesser d'avoir du sens. La prédominance des personnes âgées parmi les votants - c'est-à-dire ceux qui ont «fait leur temps» ou sont en voie de le faire - devrait aussi interpeller tous ceux qui se disent soucieux de la sécurité du pays et de sa stabilité. Les jeunes Algériens ne constituent pas, c'est une évidence statistique, une minorité. Ils sont déjà l'Algérie et ils le seront encore plus à l'avenir. Or, ils sont manifestement en rupture avec un système politique qui tourne autour de lui-même et qui a verrouillé, en amont, toutes les possibilités de changement. La lassitude qui a envahi les plus âgés est devenue un rejet «dans le global et dans le détail» chez de très larges pans de la jeunesse algérienne. Parler dans ces conditions de plébiscite n'a pas de sens.
Le désengagement massif des électeurs a réduit fortement cette élection à un réaménagement du poids de chacun des partis du pouvoir. Cela fait peut-être du «sens» dans la cuisine interne du régime, cela n'en a pas pour une jeunesse algérienne livrée au désarroi ; et à une dépolitisation qui porte en elle de graves risques, si ce n'est pas pour le présent, du moins pour l'avenir.
Et quand on observe cette distance, la seule conclusion à tirer de cette élection, malgré la «victoire» du FLN, est qu'il n'y a pas de quoi pavoiser.


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