“Ah ! Si au lieu de narrer une triste réalité, j’écrivais un roman, je laisserais mon imagination parcourir toutes les contrées.” Ce sont là les mots laissés par le défunt Amar Imache - l’un des pères fondateurs de l’Étoile nord-africaine créée en 1926 –, père de notre auteur Chabane Imache.
Mais vu les circonstances vécues à son époque, ce père ne pouvait se laisser aller à la romance, mais s’occupait plutôt de rédiger notes et articles relatifs à la lutte pour l’indépendance de l’Algérie que Chabane, le fils, s’attellera à publier en 2012 en une compilation intitulée L’Algérie au carrefour, une manière de lui rendre hommage et de le sortir de cet oubli trop ingrat. Puis l’hommage du fils à son père s’est voulu autre en écrivant cette fois-ci un roman, mais sans pour autant prétendre, nous dira-t-il, pouvoir égaler la plume du défunt. Mais ce sera aussi une “triste réalité” que ce roman. Car dans La mort du chêne (éditions l’Odyssée), l’auteur “relate une histoire imaginaire, inspirée de faits réels et d’anecdotes vraies, qui se sont produits en Kabylie, il y a longtemps pour certains, et pour d’autres seulement ces dernières années”. Et le lecteur saura sans doute déceler le réel de l’imaginaire et le passé du présent.
Mais il saura aussi que l’inimaginable peut devenir réalité dans une société qui, peu à peu, perd ses repères lorsque son vieux chêne meurt. Et le vieux père Ahmed vient de mourir en laissant sa veuve Taous et ses enfants seuls.
Le temps va passer, et la stabilité du foyer va peu à peu chavirer ; le vice de l’égoïsme et l’amour de l’argent plus que les principes vont prendre le dessus sur l’un de ses enfants, en l’occurrence Saïd, qui va, sous l’influence de beaucoup de facteurs externes néfastes, chambouler un quotidien qui aurait pu être plus serein malgré les difficultés de la vie.
Mais que faire face à une société qui s’engouffre dans des méandres sinueux jusque-là inconnus. Comment faire quand le sage n’est plus là pour guider son troupeau et l’empêcher de dévier du droit chemin ? Le lecteur de ce “petit roman”, comme aime à l’appeler Chabane Imache, saura aussi lire entre les lignes, car, en plus de rappeler explicitement le mode de vie rural, les us et coutumes, les relations familiales, le bon voisinage, l’entraide, bref, le quotidien d’un village kabyle à l’aspect tranquille, qui tient à ses valeurs ancestrales, cet écrit dévoile aussi, subrepticement, les travers qui s’y sont installés sournoisement, pour ébranler son édifice et vouloir coûte que coûte le détruire. Il sera question de jalousie, de mensonges, de trafic, d’abus de confiance, de malhonnêteté, de discordes entre frères, de mendicité, de migration, de harraga…
En somme, les maux de la société d’aujourd’hui, ou plutôt les fléaux de toute l’humanité que le défunt vieux Ahmed, ou même le militant de la cause nationale Amar Imache, n’ont pas vécus, mais qu’ils doivent surement déplorer de là où ils sont car, leurs rêves n’ont-ils pas été quelque part brisés ?
La mort du vieux chêne - Les rêves brisés, de Chabane Imache.
Éditions l’Odyssée, 1er semestre 2017, 143 p. 300 DA
Posté Le : 13/04/2020
Posté par : kabyle15
Ecrit par : Samira Bendris-Oulebsir
Source : Liberte-algerie.com le 22-07-2017