Algérie

Parution, Biographie de Kateb Yacine, Sur les traces du flamboyant



Sorti en septembre 2006 aux éditions Robert Laffont, Kateb Yacine le cœur entre les dents est préfacé par Gilles Perrault qui, d’emblée, signale la particularité de son écriture, difficilement indescriptible dans un genre établi : « On n’a jamais lu une biographie écrite de cette façon. Un essai ? Le mot est trop austère et trop étriqué pour s’appliquer ici. En vérité, par sa puissance créatrice, l’ouvrage de Benamar Mediene échappe à toutes les définitions ».

De ce point de vue, en renouvelant le genre et en produisant une sorte de biographie affective, l’auteur donne à lire aussi son écriture dont la sobriété le dispute à la somptuosité, la précision à l’évocation. Mais il a su également s’effacer suffisamment pour mettre en lumière la vie de Kateb Yacine, décédé en octobre 1989 dans un hôpital de Grenoble au pied des massifs du Vercors dont il disait « qu’ils étaient aussi fraternels que les Aurès de (ses) ancêtres », sans doute autant pour leur âpreté géologique que leur symbole de résistance. Le livre commence par la fin, ces moments poignants où l’auteur arrive à Grenoble, trop tard, trop durement. Certains passages se lisent comme un scénario de film. Scène de la morgue, intérieur jour : « Je porte à mon ami, rendu à son antique repos (…), mon dernier fraternel salut en posant sur son front une feuille tombée, que j’ai ramassée sous un platane du parc de l’hôpital ». Alors, commence à se dérouler le fil extraordinaire de Kateb Yacine, son enfance et la figure à la fois douce et impressionnante de sa mère, son adolescence, ses années de lycée à Sétif où surviennent les massacres du 8 mai 1945, son arrestation qui déterminera à jamais son engagement pour la libération du pays et, plus tard, ses autres prises de position. Les étapes de cette existence exceptionnelle sont racontées quasiment en vrac mais ce peu de respect de l’ordre chronologique diffuse paradoxalement une étonnement clarté sur le parcours de Kateb Yacine. Les feuilles de cette « biographie », tombées de la vie comme des feuilles de platane, finissent par constituer une fresque humaine foisonnante et superposée à celle de l’Algérie. Scène de l’enterrement, extérieur jour : le chapitre relate l’évènement, la foule. Il laisse surtout éclater ses colères contre l’unanimisme hypocrite de la classe politique, présente au complet au cimetière, y compris ceux qui avaient tout fait pour bâillonner le défunt. Mais, bien sûr, Kateb Yacine. Le cœur entre les dents ne se morfond pas dans les moments funèbres. Il est au contraire une véritable explosion de vie, un poème exubérant, une immense place publique parcourant le monde entier, agitée d’événements historiques comme des chroniques de quartiers, peuplée de personnages parfois truculents… Une véritable lecture vivante qui nous rapproche de l’intimité de Kateb Yacine et se lit comme un roman en arborescence. Exactement comme Nedjma fut écrit.




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