Algérie

Partis politiques : combien de divisions ?



Publié le 25.01.2024 dans le Quotidien d’Oran
par Cherif Ali

Lors d'une de ses entrevues périodiques, le président de la République avait tenu à préciser que la Loi relative aux partis politiques serait révisée, soulignant que les partis «sont libres de tracer leurs propres programmes politiques, mais doivent avoir pour dénominateur commun, l'unité nationale et la Déclaration du 1er Novembre, qui appelle à l'édification d'un Etat démocratique et social».

Evoquant quelques points de divergence avec des partis politiques concernant des questions sur lesquelles, a-t-il dit, « il ne peut être d'accord», comme l'appel de certaines formations politiques à la libération des personnes impliquées dans des affaires de dilapidation et de détournement de derniers publics vers l'étranger si elles coopèrent pour leur récupération, le Président Tebboune a usé de cette formulation : « Celui qui a volé doit payer» ! Pour lui, le volet social est également un autre point de désaccord avec certains partis, allant jusqu'à dire : «nous avons réalisé beaucoup de choses que personne n'avait pourtant revendiqué, et ce, partant de notre souci de redistribuer les richesses du pays aux citoyens équitablement» !

Est-il nécessaire de dire que l'action gouvernementale qui exécute le programme du président de la République avec sa feuille de route contenue dans ses « 54 engagements», n'a laissé aucune place à l'activité partisane et aux formations politiques embourbées dans leurs luttes intestines ? Force aussi de relever qu'à défaut de peser sur les choix politiques et économiques du pays, les partis politiques dans nos contrées d'ici-bas, ne règlent leurs horloges que sur les échéances électorales ! Ils n'ont cure du nombre de leurs adhérents qui est descendu à un étiage historique, depuis l'avènement du Hirak qui les a mis «au ban de la société», si on peut le dire ainsi, dès lors que ces derniers ont soutenu sans joie et milité sans conviction pour la plupart. Ces reproches sont adressés à tous les partis, sans exception ! Du FLN au RND jusqu'au FFS qui n'est plus que l'ombre de lui-même depuis la disparition de son charismatique et historique président Hocine Ait Ahmed. Et le Parti des travailleurs n'est pas en reste avec sa présidente aux 7 mandats. Que dire des Partis classés dans la catégorie islamiste qui n'ont plus « le vent en poupe». Seul signe d'activités, ces derniers temps, après une longue hibernation, voire une absence totale du paysage politique, le mouvement de dissidence dit Coordination nationale de «redressement» pour barrer la route au président du Front El Moustakbal, Abdelaziz Belaïd à briguer un 3ème mandat.

Le clanisme, le clientélisme, le népotisme et le consensus politicien qui caractérisent toutes ces formations politiques ne sont pas compatibles avec une politique d'ouverture qui se fonde sur l'alternative de gouvernance et sur les compétences nationales.

Évidemment non ! La classe politique actuelle n'a pas l'envergure de cette politique. Encore moins le FLN qui aurait dû mener ce combat dès le lendemain de l'Indépendance.

Ses hommes ne se sont-ils pas succédé au pouvoir depuis 1962, sans pour autant se battre pour l'alternance ? Ou pour la démocratie ?

Il fallut attendre le 5 octobre 1988, et le non moins fameux «chahut de gamins» pour voir la parole libérée et apercevoir un semblant d'ouverture du champ politique et médiatique.

Au final, on a obtenu une foultitude de «partillons» faire-valoir du pouvoir qui ressurgissent à la veille de chaque élection.

L'appel de la mangeoire, ont ironisé certains !

Le FLN était réduit à la stricte dimension d'appareil ; il servait, surtout, de tremplin à ceux qui aspiraient à une ascension politique. Quant au RND, le «bébé né avec des moustaches», dire que c'était le parti de l'administration résume tout le poids que certains voulaient bien lui donner.

Aussi impuissants l'un et l'autre, à empêcher la montée des partis islamistes, englués l'un que l'autre, dans leurs incohérences internes, les deux partis du gouvernement devraient s'interroger : pourquoi ne pas faire exploser, une fois pour toutes leur prétendue unité ?

Entrer au musée pour le premier et se faire harakiri pour le second !

Mais comment se fait-il aussi que des dirigeants politiques qui se donnent en spectacle à longueur d'année, allant jusqu'à décrédibiliser et discréditer la notion même de gouvernance, pensent encore à se présenter, aujourd'hui, au suffrage populaire ?

En rédempteurs ? Pour changer l'ordre des choses ? Promouvoir les libertés, toutes les libertés et donner à «l'Algérie nouvelle», la relève qu'elle mérite ?

Promesses toutefois qui n'engagent pas leurs auteurs, encore moins la classe politique de laquelle ils relèvent.

Sans alternative sérieuse et structurée, on va assister et tout le monde est d'accord là-dessus, à une reconduction du même personnel politique, à l'occasion des échéances à venir avec peut-être «une chkara» moins ostentatoire !

Et cela ne changera guère le constat : il y a un vrai échec sur le plan du renouveau de la classe politique.

Ce constat amer est d'autant plus problématique lorsque l'on note le désintéressement de la population de la chose politique: à peine 23,7% du taux de participation lors du référendum constitutionnel.

Un micro-trottoir a laissé apparaître, par ailleurs, une méconnaissance totale des partis ; un citoyen sur cinq en ignore les appellations. Et aussi les contours des visages de leurs dirigeants dont certains sont aux manettes depuis des lustres !

Les raisons sont multiples : leur absence sur le terrain, un discours politique imprégné de langue de bois, voire démagogique et populiste, ainsi que l'absence d'un programme et d'un projet de société.

La plupart des partis politiques n'ont pas réussi à sortir des réflexes des appartenances idéologiques.

Le sentiment général chez les Algériens, est que le premier souci chez les politiques est de faire carrière !

Or, pour être crédible politiquement, il faut d'abord peser socialement. Il faut aussi et obligatoirement montrer une capacité de mobilisation populaire conséquente pour obliger le gouvernement à s'assoir à une table de dialogue. Aucun parti ne peut se prévaloir de ces qualités !

Pour le moment, le gouvernement ignore superbement les partis politiques et tous ceux qui s'en revendiquent. Et c'est Abdelmadjid Tebboune qui a montré la voix en constitutionnalisant « la Société civile» sur laquelle il dit s'appuyer dorénavant ! Un antipartisme qui ne dit pas son nom? Rappelons, selon la définition qui en été donnée, que l'antipartisme politique, est le refus de l'existence de parti politique au sein d'un système démocratique.

Selon la revue française de Sciences politiques, il existerait deux formes d'antipartisme : un antipartisme culturel marqué par des expériences socialisatrices communes négatives et un antipartisme réactif lié aux réactions critiques et conjoncturelles des citoyens.

Ceci étant dit, les pouvoirs publics ne cherchent plus à créer l'émulation et former la relève. Celle-ci et c'est clair maintenant, ne semble pas avoir été aussi programmée par le FLN, le RND, le MSP, le FFS et consorts, plus enclins à reprendre les mêmes, nonobstant leurs échecs patents.

Encore moins par le Parti des Travailleurs de Louisa Hanoune décidée plus que jamais à rester aux commandes tout comme ses pairs des autres formations politiques qui se refusent à passer le témoin ! Politique à courte vue, fausses solutions qui tout au plus accordent un répit.

Certes, on peine à voir le grand dessin. On va, à l'approche des élections à venir, entendre les mêmes éléments de langage prédigérés, les mêmes arguments si usés que l'on voit la trame au travers. Et aussi les ambitions des uns et des autres. Et les militants des partis vont soutenir sans illusions, militer sans joie, relayer sans convictions. Et l'argent dans tout ça ? La loi s'y oppose, tout comme Abdelmadjid Tebboune !

Il n'empêche et il faut le dire : c'est bien le mur de l'argent qui se dressera devant les partis politiques en lice pour les élections prochaines ; qu'ils persistent à vouloir l'ébranler comme ils le soutiennent et l'opinion, finalement, leur en saura gré, peut-être même par un vote d'adhésion qu'ils renoncent ou donnent simplement le sentiment de flancher devant l'obstacle et ils prendront ce mur de plein fouet

Pour autant, avaient-ils une autre alternative que celle-là pour exister ? Pour survivre ?

Pour l'heure, confinés à la prudence par un manque de visibilité politique et économique, les partis politiques sont en mode «stand-by», Covid-19 oblige!

Quelques uns se sont contentés de «saluer les efforts de l'Etat dans la lutte contre le nouveau Coronavirus, appelant à contribuer aux efforts nationaux visant à réduire les répercussions de cette crise sanitaire que traverse le pays à l'instar des autres pays du monde».

D'autres ont «pondu» des communiqués minimalistes condamnant la résolution du Parlement européen, l'invasion de Guergarate par le Maroc et sa normalisation avec l'Etat sioniste ou plus proche de nous la guerre à Ghaza, manière comme une autre de se manifester à l'opinion publique.

Comme, le FLN qui, à l'occasion, a appelé tous ses élus locaux et cadres à renforcer le front interne. On reconnait là, le style «langue de bois» du vieux parti !

Sur les réseaux sociaux, on continue encore de s'interroger sur la léthargie des partis. Le virus n'explique pas tout ! Ils disent posséder en leur sein des élites universitaires, des intellectuels et autres militants rompus aux causes humanitaires : la Covid-19 les a démasqués. Ils n'ont apporté aucune réponse sur la manière de surpasser cette crise ; des questions- interpellations reviennent en boucle sur les réseaux sociaux :

Où sont ces partis ? Où sont leurs dirigeants ? Où sont leurs militants ? Vont-ils réapparaître après cette éclipse qui n'a que trop duré ou vont-ils céder le terrain à la Société civile ?

Et cette interrogation qui vaut son pesant : la Société civile peut-elle redessiner le paysage politique alors qu'elle n'est qu'une courroie de transmission entre les élus et les pouvoirs publics ? Peut-elle, vraiment, se substituer aux partis politiques ou bâtir la démocratie à leur place ?



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