Au sud-est de la ville de Tlemcen, adossé à une colline, se trouve le quartier d’El-Eubbad.
Paisible et odorant grâce à ses magnifiques jardins. Sauf que sa quiétude est quelquefois troublée par les «zyarates» (pèlerinages) faits au tombeau du Wali Sidi Boumediene, symbole de la ville de Tlemcen.
Pourtant, Sidi Boumediene n’est pas fils du pays.
De son vrai nom : Choâïb Ibn Al-Hussain Al-Andaloussi, il est né vers 1126 à Cantillana au nord-est de Séville, en Andalousie.
Sa famille était de condition modeste et lui, apprend vite un métier pour l’aider. Il est pour quelques années seulement tisserand, car il est alors poussé par un irrésistible penchant vers l’étude et la science.
Il étudie le Coran et la théologie. Et pour approfondir ses connaissances, il quitte sa famille et sa ville pour le Maghreb.
Il s’installe à Fès, au Maroc, et devient l’élève de professeurs réputés pour leur grande piété et leur ascétisme, tels : Abou Yaâzza Al-Hazmiri, ou Ali Ibn Hirzihim, ou Addaquaq. Il est initié au soufisme, mais à ses yeux, ses connaissances étaient encore insuffisantes. Il quitte se maîtres du Maghreb et part pour l’Orient, pour la Mekke.
Là-bas, il étudie auprès de grands professeurs. Il complète aussi sa pratique «soufie» auprès du célèbre Abdelkader Al-Djilani, initiateur de la Tariqua Quadiriya. Il revient par la suite au Maghreb et s’installe à Bejaia, où il enseigne à son tour. Il est entouré d’élèves qu’il initie au soufisme. Mais, un soufisme adapté à la mentalité maghrébine. Car en Orient, le soufisme était plutôt réservé à une élite de lettrés.
Mais, qu’est-ce que le soufisme me diriez-vous ?
Le soufisme tire son nom du mot arabe «çouf», la laine dont se revêtaient les pratiquants de l’ascétisme, c'est-à-dire le renoncement aux vanités du monde et à ses richesses. En se réservant exclusivement à la dévotion de Dieu, le Tout Puissant. Et ils empruntaient la Voie, la «Tariqua» de la vérité et de la bonne direction pour vivifier la foi et rechercher la vie éternelle (après la mort, évidemment).
Le soufisme n’est pas une doctrine. Les soufis peuvent être de la Chi’â, comme de la Sunna, ils peuvent être pratiquants des différents rites : malékite, hanbalite, etc. Le soufisme est une méthode d’adoration de Dieu, pour essayer de s’en rapprocher et saisir le sens de la vérité. C’est l’association de la foi rationnelle (dans le Coran et la Sunna) et de la foi sentimentale, celle du cœur, grâce à la pratique du «Dhikr» l’invocation des noms d’Allah, du «Wird» la lecture du Coran, et de la prière.
Le soufisme était au départ, vers le 8ème siècle, une pratique individuelle. Il est devenu au fur et à mesure des époques, une pratique collective. Des groupes se sont constitué et ont formé des confréries. En Algérie, nous en connaissons plusieurs d’entre elles, selon les différentes voies, il y a la Tariqua Quadiriya, la Rahmaniya, la Khelwatiya, la Tidjaniya, la Chadhliya, et d’autres encore.
Sidi Boumediene est connu pour avoir répandu la pratique soufie dans toute l’Afrique du nord. Il était d’une grande humilité et modestie. Mais aussi d’une grande intelligence et d’une éloquence telle qu’il avait réussi à s’entourer de foules nombreuses lors de ses prêches. Il forçait l’admiration et le respect jusqu’à être surnommé «Cheikh Achouyoukh». Ce qui lui vaut d’être convoqué à Marrakech par le sultan almohade, Abou Youssef Yakoub Al-Mansour. Et ce n’était pas une convocation amicale…
Car la doctrine almohade prônait un rigorisme religieux pur, mais aussi le recours à un Imam, chef incontesté de la communauté. Le soufisme que Sidi Boumediene prônait, pouvait se passer du recours à cet Imam. Ce qui mettait en danger le pouvoir Almohade, qui n’appréciait pas la popularité de Sidi Boumediene.
Mais ce dernier ne refuse pas la convocation.
Il quitte Bejaia et entreprend le voyage pour Marrakech. Il a 71 ans et le voyage le fatigue.
Arrivé à El-Eubbad près de Tlemcen, il déclare à ses compagnons :
«Que ce lieu est propice pour y dormir en paix de l’éternel sommeil!».
Il tombe alors malade et décède quelques jours plus tard. Ses compagnons l’enterrent dans le cimetière du village d’El-Eubbad.
Mais, c’est longtemps après sa mort, qu’il devient «El-Ghout» le recours des affligés, le sauveur, l’intercesseur entre le demandeur et Dieu. Les populations lui ont voué un semblant de culte, lui ont attribué une baraka et ont organisé des pèlerinages à son tombeau.
La mosquée, la qoubba et la medersa de Sidi Boumediene datent elles du 14ème siècle. C’est le sultan mérinide Ali Abou Al-Hassan qui en a ordonné la construction. Ce sont de très beaux édifices qui marquent l’architecture de l’époque. La porte de la mosquée à elle seule est un chef-d’œuvre.
Un andalou adopté par un petit village d’Algérie. Un homme devenu symbole d’une ville. Voilà l’histoire de Sidi Boumediene, lui qui disait : «Le principe de l’amour Divin, c’est d’invoquer en toute circonstance le nom de Dieu, d’employer toute son âme à Le connaître et de n’avoir jamais en vue que Lui seul».
Source : http://tlemcen.e-monsite.com
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Posté Le : 20/11/2016
Posté par : soufisafi
Photographié par : Hichem BEKHTI
Source : Tlemcen - Journées d’étude internationales sur "Sidi Boumediene: Pôle de l’Occident musulman