Algérie

Paroles de jeunes


Libération relève les propos de certains d?entre eux : « En attaquant la mosquée Bilal, on a touché à un lieu de culte : on ne pardonnera pas cet acte. C?est le summum. Et personne n?a rien dit ! Cela veut dire qu?on est des laissés-pour-compte. Tout ce qu?on demande, c?est qu?ils s?excusent. » Mounir et Patrice, « grands frères » à Sevran estiment : « Cette provocation de Sarkozy était voulue, pour remettre l?insécurité sur le tapis avant les élections de 2007. » Quant aux médias, ils ne font que suivre. « Dès le départ, les médias ont été les complices de Sarkozy. Ils l?ont accompagné partout, ce qui n?était pas le cas quand Villepin était ministre de l?Intérieur. Ils font trop d?amalgame sur les jeunes = voyous et cités = islamistes. Quand vous filmez les jeunes, c?est toujours la même caricature : ils sont en train d?aboyer, on ne comprend pas ce qu?ils disent. » Samir, de Clichy-sous-Bois, n?en peut plus de ces contrôles systématiques, toujours à deux doigts de déraper : « Les policiers provoquent les médiateurs aussi. Ils m?ont arrêté parce que je courais. Je courais pour ne pas prendre de lacrymogènes, et lorsque je leur ai dit que j?étais médiateur de la mairie, leur réponse a été : "Ta gueule, t?as rien à dire." On m?a mis par terre. On m?a fouillé. A aucun moment, on ne m?a demandé mes papiers. » « Ne nous traitez pas comme ça, on n?est pas vos chiens. » Amar Henni a été éducateur dans les cités durant vingt ans et forme aujourd?hui des travailleurs sociaux. Il est l?auteur de Cités hors la loi, la jeunesse invente ses règles (Editions Ramsay). Dans une interview à Libération, il relève : « Depuis vingt-cinq ans, les jeunes ont construit leur langage, leur lecture du monde. De génération en génération, ils se sont transmis des mots, des rites, des codes, des principes. De Lille à Marseille, ce langage existe dans les quartiers populaires. Si on ne part pas de ce postulat, on ne peut comprendre les cités. Il existe un fonctionnement autour de la réputation et de l?honneur. Ces deux notions organisent des vies dans la cité. A Clichy-sous-Bois, deux enfants sont morts et une bombe lacrymogène a atterri sur un lieu de prière. On a touché aux familles. D?où les incidents. Là-bas, les gens sont dans un processus de rappel, à la justice, à la dignité. Ils sont dans la question de l?honneur, pas de la réputation. Ils disent : Vous ne nous traitez pas comme ça, on n?est pas vos chiens.?? » « Ce volet de la réputation s?est joué depuis tous ces mois où Nicolas Sarkozy est venu dans les quartiers et a provoqué les jeunes en les assimilant tous à des voyous. Que quelques gens délirent, fassent du trafic, c?est un fait, mais mettre tous les jeunes dans le même sac, c?est une erreur énorme. Le ministre de l?Intérieur a défié les jeunes sur leur territoire, il a utilisé comme eux la joute verbale. Il les traite de "racaille", il fait venir les caméras. Il les défie sur un rapport de force. Défier Sarkozy, pour eux c?est un capital réputation important. Attaquer le bus, brûler un magasin, c?est faire parler d?eux. » Et Amar Henni de conclure : « Il faut aussi se poser la question du pourquoi. Il ne suffit pas de dire que ce sont des voyous. Il y a plein de ministres de l?Intérieur qui l?ont dit avant Sarkozy depuis vingt ans et ça n?a rien changé. » Un cri de révolte et de souffrance général Pour le sociologue Laurent Mucchielli « la théorie du complot défendue par le ministre de l?Intérieur est un leurre ». « Il n?y a là aucune organisation délinquante et aucune construction idéologique. » « Ce qui s?exprime, ce sont les sentiments de colère, d?injustice, d?exclusion et de ce que j?appelle la ?victimation collective?. » Pour Laurent Muchielli, la seule façon de calmer les esprits est de dire aux jeunes qu?« on les entend et que l?on comprend leur colère et leur humiliation ». « Cela ne veut pas dire que l?on excuse les actes délinquants de certains, mais que l?on prend au sérieux un cri de révolte et de souffrance général », estime-t-il. Pour sa part, le sociologue Michel Wieviorka estime que « la crise est totale (...) C?est un problème structurel que ni la droite ni la gauche n?ont su traiter depuis 25 ans. La France ne sait pas faire face à la dérive de son modèle républicain d?intégration ». Il prône de « repenser (le système) pour tenter de concilier justice sociale et efficacité économique ».
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