Les définitions du syntagme politique linguistique sont
nombreuses, mais elles font toujours référence à des pratiques et à des
actants, pratiques qui concernent l'intervention sur la forme des
langues, sur les rapports entre les langues, leur place dans la société,
etc., et actants qui relèvent d’instances étatiques ou militantes. Or
nous sommes ici dans un colloque scientifique, nous ne faisons pas de
politiques linguistiques, nous en parlons, nous tentons de les classer,
d’en faire une typologie, d’analyser la place des langues dans la loi,
les différents types d’intervention sur les langues, etc.... Notre
approche relève donc de ce que je propose d'appeller la politologie
linguistique, c'est-à-dire la volonté d'analyse scientifique des textes
législatifs, des actions, de la promotion ou de la défense des langues,
en bref le discours scientifique qui prendrait en charge l’ensemble des
politiques linguistiques et de leur traductions pratiques. Lorsque nous
parlons par exemple de politique linguistique “ volontariste”2,
“ dirigiste ”, “ libérale ”, etc., lorsque nous proposons une typologie
des politiques linguistiques, lorsque nous étudions les facteurs sociaux
et politiques qui influent sur les décisions de planification, ou les
rapports généraux entre les représentations linguistiques des locuteurs
et les choix des décideurs, nous sommes du côté de la politologie
linguistique qui est donc une science tandis que la politique
linguistique est une action, une intervention sur les situations par le
biais de ce qu'on appelle la planification ou l’aménagement
linguistique, ou sur le mode militant.
C’est donc en politologue linguistique que je voudrais tenter
d’analyser la situation des langues “ périphériques ”, adjectif que je
vais tout d’abord définir en présentant rapidement le modèle
gravitationnel qui me permet de rendre compte de la situation des
langues à l’heure de la mondialisation (Calvet 1999). Nous partirons
du principe que les langues sont reliées entre elles par des bilingues et
que le système des bilinguismes, leur étagement, eux-mêmes produits
par des rapports de force et par l'histoire, nous permet de présenter
leurs relations en termes gravitationnels. Ainsi, à Tizi Ouzou, un
bilingue kabyle/arabe a toutes les langues d’être de première langue
kabyle, tandis qu’à Alger un bilingue arabe/français a toutes les
chances d’être de première langue arabe. Ce fait statistique nous
montre que les systèmes de bilinguisme sont orientés, et ces systèmes
nous permettent de présenter les relations entre les langues du monde
de la façon suivante.
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Posté Le : 17/03/2024
Posté par : einstein
Ecrit par : - Calvet Louis-jean
Source : Iles d Imesli Volume 2, Numéro 1, Pages 45-55 2010-12-31