«Les Caisses
d'Epargne et les Banques Populaires, ensemble, vont devenir le deuxième groupe
bancaire français», a déclaré dernièrement sur Europe 1 au micro de Jean Pierre
Elkabbach, Mme Christine Lagarde, ministre de l'Economie, selon laquelle ce
mariage est «intelligent entre deux types d'établissements qui ont en commun
une culture mutualiste».
Objectif, selon
la ministre : donner « une taille stratégique » au groupe. Cette fusion qui
placera ainsi cette nouvelle entité tout juste derrière le Crédit agricole qui,
d'ailleurs, se rapproche de plus en plus de la Société générale, risque
d'amener une sérieuse redistribution des positions bancaires dans l'Hexagone.
Le mouvement
général, en ces temps de crise, veut que sur les grandes places financières
mondiales se crée une dynamique de regroupement des institutions bancaires et
financières. Ainsi, les principales banques européennes devront s'unir en
maintenant un équilibre entre les Etats. Il est donc fort à parier que
certaines banques, dans chaque pays européen, seront contraintes de disparaître
du paysage.
C'est sous cette
perspective qu'il faut lire ce rapprochement entre les Caisses d'Epargne et les
Banques Populaires favorisé par l'Elysée, qui va injecter 5 milliards dans la
dot de la mariée mettant ainsi cette structure hors de portée des «prédateurs»,
qui n'attendent qu'une occasion propice pour s'accaparer des banques qui
n'auront pas eu la possibilité, en se renforçant par mariages ou acquisition
avec d'autres, de se mettre, en raison de leur taille, hors de leur portée.
Une banque de
premier rang n'a pas encore réussi à atteindre cette taille qui la mettrait à
l'abri, pire, elle prête le flanc à de possibles actions de ses clients ce qui
l'affaiblirait davantage.
En effet, après
avoir perdu un procès devant le Tribunal de Grande Instance de Paris en février
dernier, intenté par l'un de ses clients, sans avoir pris réellement la mesure
des conséquences pouvant survenir en ces temps de crise, cette banque a choisi
la politique de l'autruche : d'abord en ne faisant pas appel de la première
décision, puis en faisant la sourde oreille aux appels de son adversaire pour
arrêter les poursuites. Il ne lui suffit pas de perdre plus de 69 % de la
valeur de son titre en trois ans, près de 23 % depuis le 1er janvier, de rater
le rachat d'une autre banque ce qui aurait pu la mettre hors d'atteinte, d'être
confrontée à des luttes intestines entres ses dirigeants, il lui faut également
maintenant peut-être affronter très certainement une avalanche de procédures
qui pourraient venir de ses clients. Le fond du jugement rendu à son enc ontre
porte sur une faute qu'il lui sera difficile, sinon impossible à corriger, car
il y a de fortes chances à parier que cette faute est, avant tout,
«structurelle» basée sur un défaut de son système informatique.
Après avoir alerté
son client sur un manque de provision pour honorer un chèque se présentant au
paiement, elle lui donne, comme la loi l'y oblige, un délai de 5 jours avec une
indication d'une heure limite qu'il ne doit pas dépasser. Le client, après
réception de la lettre, s'exécute dans les temps impartis et couvre son
découvert. Malgré cela, le chèque est rejeté donnant lieu à une inscription au
FCC de la Banque de France, c'est sur cette base de non-respect contractuel que
la banque fut condamnée et de manière incontestable avec une astreinte, un
article 700, à une provision pour le préjudice subi et les dépends.
Des milliers de
clients de la BNPPARIBAS, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, ont connu ces
déboires et se sont, malgré eux, retrouvés fichés chez la Banque de France. Ce
procès, faisant jurisprudence, leur ouvre, depuis, un boulevard légal important
pour demander réparation du préjudice que la légèreté de cette banque leur a
fait subir. Tous ceux d'entre eux qui ont connu et vécu cette situation
extrêmement désagréable et pénible n'auront de cesse de vouloir récupérer leur
«honneur» bafoué et leur intégrité tant morale que commerciale, car souvent, ce
sont des dépassements de toutes petites sommes qui les conduisent à se
retrouver, parfois sans le savoir, car de bonne foi ils ont régularisé dans les
temps leur position, face à des rejets de paiements avec leurs lots
d'humiliations et d'incompréhensions chez des commerçants, des fournisseurs...
qui les connaissent personnellement.
Il est très
probable, qu'en raison de ces frustrations, du ressentiment, du sentiment
d'injustice... une bonne partie de ces personnes ne prenne le chemin des cours
de justice pour faire valoir leurs droits et réclamer la juste réparation des
désagréments qu'ils ont ainsi dû supporter.
Le drame dans
cette affaire c'est, nous semble-t-il, qu'il risque déjà de coûter très cher à
la BNPPARIBAS qui a fait un mauvais choix dans son système informatique et
l'organisation structurelle de ses agences. Car, lorsqu'un chèque fait l'objet
d'un rejet pour insuffisance de provision, une lettre est immédiatement éditée
et adressée au client avec une information au conseiller chargé de la gestion
du compte. Cette lettre mentionne les délais légaux de régularisation en
poussant jusqu'à indiquer une heure précise pour s'exécuter. Là où les
événements se corsent, c'est que la plupart des agences aujourd'hui sont
équipées de robots qui enregistrent les dépôts de chèques en les compostant
avec une indication de date et d'heure. Ainsi, la remise de chèque se fait par
le client lui-même, en la glissant dans une boîte installée à cet effet,
cachetée sous enveloppe. Cette opération pouvant se faire de jour comme de
nuit.
Le matin,
l'employé de l'agence récupère les enveloppes, enregistre les chèques. Bien
entendu, il ne le fait pas toutes les dix minutes et le conseiller chargé du
compte n'est pas toujours devant son écran pour voir en instantané les
versements effectués et procéder à leur régularisation.
Ainsi, ce sont,
chaque mois, des milliers de cas similaires qui font l'objet de rejets de
paiement indus, car, matériellement et pratiquement, il est impossible de ne
pas rater des régularisations effectuées dans les temps.
C'est ce
cheminement et cette organisation du travail inadaptés qui peuvent faire,
aujourd'hui grâce à ce procès, l'objet d'une demande de réparation auprès des
tribunaux par des dizaines de milliers de clients.
Et même si la
BNPPARIBAS venait à corriger ce protocole, ce qui implique une refonte
importante de son système informatique, mais à quel coût ? Il restera encore
tous ceux qui ont déjà subi ce préjudice à qui il faudra bien payer des
réparations qui, selon nos calculs, en prenant la base suivante, à savoir qu'il
y avait en 2007 en France plus de 4 700 000 incidents de chèques, 39 700
agences bancaires et postales, dont 2 200 BNPPARIBAS, soit 5,54 % du parc. Sur
ces éléments nous pouvons déduire que ce pourcentage représente 260 380
dossiers imputables à cette banque.
Si nous retenons
seulement une part de 30 %, c'est-à-dire 78.114 cas qui entreraient dans le
cadre de cette jurisprudence, sur une durée de 10 ans, avec un coût moyen
(frais de justice compris) de 6 000 euros, nous aboutissons à un chiffre
colossal de 4 686 840 000 euros, soit presque l'équivalent de l'apport de
l'Etat français (5 milliards d'euros) ?
Pourtant, le
paysage bancaire actuel ne lui est pas favorable, au moment où, malgré ses
dénégations, elle risque bien de devoir recapitaliser ne serait-ce sa filiale
algérienne qui, probablement, sera contrainte comme les autres entreprises
étrangères de se mettre en conformité avec la circulaire du Premier ministre
Ahmed Ouyahia exigeant que ces sociétés fassent entrer des fonds algériens dans
leur capital social.
Il est à craindre
dans ce gigantesque tourbillon international de faillites de banques, de
rachats, d'alliances, d'absorptions, de refinancements étatiques... à des
niveaux historiques jamais atteints à ce jour, que tout élément, aussi infime
soit-il, sans probablement aucun effet en d'autres temps, ne produise des
dégâts dévastateurs pouvant conduire à une «mise à mort» de tout établissement
bancaire affichant une quelconque petite défaillance de sa structure.
Il semblerait que
nous soyons dans ce cas de figure avec ce procès perdu par la BNPPARIBAS qui,
bien entendu ne comptant pas que des amis sur les places financières, pourrait
devenir l'objet de convoitises qu'elle ne saurait contenir en raison du
probable «lynchage» que ne manqueraient pas de lancer, une fois qu'ils auront
connaissance de ce cas de jurisprudence, les différentes associations d'usagers
des banques, les syndicats socioprofessionnels, les organismes de conseils...,
assurés ainsi de faire prévaloir cette cause. Il est à craindre de les voir
donner une amplitude à l'information et coaliser leurs adhérents et clients,
pour multiplier les procédures à l'encontre de la BNPPARIBAS avec des
conséquences difficilement imaginables en ce moment. Cette banque au comportement
parfois sévère auprès de ses clients, leur tenant rigueur du moindre écart, est
maintenant à son tour sur la sellette et risque bien de payer bien cher ce
mauvais choix informatique, au moment où le secteur bancaire est devenu
incontrôlable et la moindre faute pouvant être fatale.
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Posté Le : 07/03/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Michel Arab
Source : www.lequotidien-oran.com