C'était presque trop beau, cette annonce de la diffusion par Interpol de
mandats d'arrêts internationaux de la justice française contre quatre
responsables marocains - dont deux généraux - qui auraient des choses à dire -
et à se reprocher - dans l'enlèvement et l'assassinat de Mehdi Ben Barka, en
1965.
La justice française, après avoir
donné jeudi son autorisation pour que l'Organisation internationale de police
criminelle, Interpol, émette les mandats, est revenue, vendredi soir, sur sa
décision. Le Parquet de Paris a demandé la «suspension de l'émission de ces
mandats dans l'attente de précisions» demandées par le juge d'instruction.
Selon un communiqué du parquet de
Paris, «Interpol a demandé ces précisions afin de rendre les mandats d'arrêt exécutables.
Sans ces précisions, ils sont inexécutables». Des précisions censées permettre
l'identification des personnes. «Interpol pointe des insuffisances dans ces
mandats d'arrêt et demande que ces insuffisances soient complétées», a déclaré
le porte-parole du ministère de la Justice, Guillaume Didier. «Dans l'attente,
le parquet demande la suspension de leur diffusion». Un argument - prétexte ? -
technique qui suspend la procédure et permet au général Hosni Benslimane,
actuel chef de la gendarmerie royale marocaine, le général Abdelhak Kadiri,
l'ancien chef des services de renseignement, Miloud Tounzi et Abdelhak
Achaachi, deux anciens agents des services secrets marocains, de pouvoir
voyager «sans risque».
On peut dire que les choses
reviennent à la «normale» de la gestion du dossier par les autorités françaises
depuis des décennies. A défaut de pouvoir enterrer un dossier, on louvoie et on
tergiverse. C'est le déblocage, jeudi, du dossier qui était une «surprise»,
désormais la démarche classique est rétablie. Le coup de théâtre de la
«suspension» des mandats - jusqu'à quand ? - remet l'affaire dans la stratégie
d'étouffement mise en oeuvre depuis des décennies pour cause de raison d'État.
«Fausses bonnes annonces»
Certes, les démarches en direction d'Interpol doivent nécessairement
obéir à des règles formelles. Ce constat d'évidence fait, il restera au parquet
français à expliquer pourquoi des mandats d'arrêts signés en octobre 2007 n'ont
pas été formalisés au plan technique. Il est clair que ce n'est pas le manque
de temps qui a empêché la confection dans les normes d'un dossier judiciaire
constamment entravé par l'intrusion du pouvoir politique en France.
Les explications sur les
«précisions» à donner sont en tout cas perçues par la famille Ben Barka - qui,
tout en restant prudente à l'égard des ««fausses bonnes annonces», est passée
en moins de 24 heures de la satisfaction à l'indignation - comme des
échappatoires du pouvoir politique français.
Le parquet étant directement
dépendant du ministre de la Justice, son intervention dans le dossier Ben Barka
est donc considérée comme celle du gouvernement. Le ministère de la Justice
français, qui avait donné jeudi son «feu vert» à l'émission des mandats par
Interpol, revient ainsi sur sa décision à travers le parquet. Autant dire que
c'est lui-même qui a annulé ou «suspendu» sa propre décision. Impossible donc
de ne pas soupçonner une intrusion politique.
Le très persévérant Me Maurice
Buttin, qui représente depuis 1965 la famille du militant de gauche assassiné,
ne croit pas à la thèse «technique» mise en avant par la justice française.
Pour lui, on essaye, une énième fois de plus, de bloquer la démarche judiciaire
pour éviter des problèmes diplomatiques entre Paris et Rabat.
«Le parquet bloque de nouveau la
situation. Cela prouve comment les choses marchent en France. Alors qu'on veut
supprimer le juge d'instruction au profit du parquet, on peut être très inquiet
pour la justice», a-t-il déclaré à l'agence Reuters.
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Posté Le : 04/10/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : M S
Source : www.lequotidien-oran.com