Algérie

Pari fou'


C'est un entraîneur national manquant visiblement de sérénité et de' tact qui s'est présenté, ce mardi, devant les journalistes pour une conférence de presse centrée particulièrement sur la fameuse liste des joueurs devant prendre part au Mondial sud-africain. Liste qui devait être annoncée en priorité aux journaux algériens, mais dont la chaîne tunisienne Nessma TV a eu l'exclusivité à cause probablement d'une fuite intempestive. Les quelques séquences rapportées par la télévision nationale, et reprises dans une émission sportive spécialisée juste après le JT, ont en effet montré un Saâdane quelque peu déstabilisé par les critiques qui se sont abattues sur lui ces derniers temps en raison du « cafouillage » qui a entouré la préparation de la sélection, qui donnait en tout cas l'impression de venir davantage « s'expliquer » avec les hommes de la presse que de vouloir réellement informer l'opinion publique sur les travers qui se sont étalés sur la route des Verts depuis la Coupe d'Afrique des nations. Il régnait entre les journalistes et le coach une étrange atmosphère de conflit latent qui mettait ce dernier dans tous ses états.On savait Saâdane peu enclin à accepter les commentaires qui ne vont pas dans le sens du poil, mais là, il faisait presque un point d'honneur à afficher ouvertement son mécontentement et parfois son agacement face aux questions pertinentes de fond qui se rapportaient à la stratégie adoptée pour mettre sur pied une équipe compétitive dans un laps de temps aussi court et surtout aux choix des joueurs qui ne font pas tous l'unanimité. « J'assume en toute conscience mes responsabilités », c'est à peu près la réponse du berger à la bergère qui nous montre clairement que Saâdane s'est embarqué seul dans cette galère avec tous les risques qu'elle comporte, dont celui de porter en elle les germes d'une déroute programmée à force de tergiversations et d'improvisation.Car faut-il le souligner, au moment où la plupart des équipes mondialistes sont entrées depuis longtemps dans la phase de perfectionnement, voire du fignolage des effectifs, celle d'Algérie se situe encore au stade de l'exploration en attendant le premier regroupement sérieux de Crans-Montana en Suisse pour voir un peu plus clair sur les intentions personnalisées de l'entraîneur national.On est donc loin du raisonnement qu'il tenait au début de l'aventure qui lui permettait de dire que le travail qui serait effectué ne pouvait être que collectif et dans lequel la presse sportive était étroitement associée. Pourquoi ce changement d'attitude ' Pour les spécialistes de la balle ronde, il est évident que mis sous pression, l'entraîneur national a tendance à paniquer.Plus on se rapproche de la date fatidique du coup d'envoi de la Coupe du monde et plus la fébrilité s'empare du patron des Verts qui a déjà subi une drôle de douche froide avec la défaite inattendue face à la Serbie en match amical joué au stade du 5 Juillet. Au demeurant, c'est depuis cette terrible contre-performance qui a désillusionné et désabusé des millions de supporters algériens qui s'attendaient à retrouver une sélection fringante et irrésistible, mais n'ont vu que l'ombre d'elle-même, que Saâdane a commencé à changer de couleur. Sûr de lui jusque-là, il a eu du mal à admettre que son équipe puisse décliner à ce point, et se posa alors pour lui la question qui tue de savoir comment, en étant le seul représentant maghrébin et du monde arabe, aller honorer le contrat du Mondial en compagnie d'une sélection qui s'est « déglinguée » avant l'heure avec énormément de blessés et de joueurs-clés qui ne sont plus titularisés dans leurs clubs respectifs, et qui s'est fourvoyée en plus dès le début dans un pari totalement fou en jouant à fond la carte des professionnels émigrés au détriment du potentiel local.Pour rappel, le problème s'est posé de manière très cruciale lors des participations de l'Algérie aux Coupes du monde espagnole de 1982 et mexicaine de 1986, mais qui a été vite tranché par une parité intelligente qui évitait d'avoir une trop grosse prédominance des pros sur les amateurs. Le cru de l'époque était, certes, exceptionnel avec les Madjer, Belloumi, Assad, Merzekane pour ne citer que les plus grandes révélations, mais cela a surtout produit un dosage et un équilibre qui ont fait beaucoup de bien au football national.Ce n'est plus le cas aujourd'hui avec cette propension à rejeter d'emblée le niveau des joueurs locaux « incapables, selon Saâdane, à faire des amortis et à se placer sur le terrain » et à miser sur des valeurs importées qui restent malgré tout très aléatoires'En football, les prévisions les plus maîtrisables sont aléatoires de toute façon, alors pourquoi se nourrir d'ambitions démesurées si on n'a pas les moyens de sa politique. Car à ce qu'on sache, personne n'a exigé de Saâdane de remporter le Mondial, alors que le peuple, heureux de se réconcilier avec un événement footballistique qui nous a tourné le dos depuis vingt ans, n'espère qu'une participation honorable, en fonction de ce que vaut notre football au plan international.
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