Algérie

Parcours d'un ordre sanitaire souffrant



À chaque président ses réformes en matière d'amélioration des prestations de santé, mais force est de constater que les résultats n'ont pas toujours été à la hauteur des attentes.Le système de santé a toujours constitué un terrain de prédilection pour les chefs d'Etat pour tenter de faire montre de leur talent en matière de gouvernance. Même si cela n'a pas toujours eu l'effet escompté. Le premier président de l'Algérie, Ahmed Ben Bella, n'a pas eu suffisamment de temps pour exprimer sa façon de voir en termes de politique sanitaire et pour marquer de son empreinte le système sanitaire hérité de la colonisation.
Ainsi, le 8e chef de l'Etat de l'Algérie indépendante, Abdelmadjid Tebboune, a eu le malheur ou la chance, c'est selon, d'entamer son mandat dans un contexte sanitaire marqué par une crise pandémique exceptionnelle qui a ébranlé la planète entière.
Le successeur du président déchu n'a pas le choix. Il est tenu d'affronter cette situation inédite "de guerre sanitaire", en mettant en branle le chantier de la "refonte" du système hospitalier qui a été mis à rude épreuve bien avant l'invasion de la Covid-19. Le président Tebboune a commencé par mettre un nouvel "ordre sanitaire administratif et technique" devant mener le chantier de la réforme hospitalière.
L'Agence de sécurité sanitaire placée sous l'autorité de l'éminent Pr Kamel Senhadji s'attellera à mettre fin à l'"errance" sanitaire qui a marqué les 20 ans de règne de Bouteflika, en proposant une nouvelle stratégie des soins. Un sous-département ministériel pour une gestion déléguée de la réforme hospitalière a été aussi créé.
Une cellule "opérationnelle" de suivi des enquêtes épidémiologique a été également mise de la partie. Quatre institutions pour une même finalité : "moderniser et améliorer l'accès aux soins aux Algériens". Force est de rappeler que le système national de soins hérité au lendemain du recouvrement de la souveraineté se distinguait par une insuffisance criante aussi bien en infrastructures qu'en encadrement médical et paramédical.
Ce qu'il faudra retenir durant cette période marquant les premières années de l'indépendance, c'est que la médecine n'était pas gratuite. Elle était payante. Il fallait attendre le début des années 1970 pour découvrir les premiers changements en matière de santé. Le président Houari Boumediene décrète, au même titre que pour les autres domaines socioéconomiques, une révolution dans le secteur de la santé.
Après les révolutions agraire, industrielle et culturelle ainsi que scolaire avec l'arabisation tous azimuts, les premiers changements en matière de santé sont la "démocratisation" de la gratuité des soins et le lancement des chantiers de construction des salles de consultations et de soins dans les villages agricoles.
Pour enrayer les maladies moyenâgeuses à transmission hydrique notamment qui étaient en "vogue" à cette époque-là, il a été décrété un programme national de prévention et d'éducation sanitaire.
Après le décès de Boumediene, une nouvelle ère sanitaire débute. Tout en poursuivant l'"idéologie politique" héritée, l'Algérie de Chadli Bendjedid opère un léger "lifting" au socialisme, en s'inspirant d'un nouveau slogan, "Pour une vie meilleure". Au lendemain de son arrivée au pouvoir en janvier 1979, le président Chadli Bendjedid saute le verrou bloquant le secteur privé, en encourageant la création de cliniques privées.
Le "business sanitaire"
Le mandat de Chadli a été également marqué par l'adoption de la première loi sanitaire, 85-05, qui était d'un grand apport pour le système de santé, c'est le premier outil juridique qui gère le système des soins, ce qui a d'ailleurs permis d'officialiser l'apport du privé au système national des soins.
Cependant, la crise économique de 1985 a cassé quelque part l'"élan" des programmes de construction des établissements de santé. Malgré cela, quelques hôpitaux ont été réceptionnés, à l'exemple de l'EPH de Kouba, de Baïnem et de Zemirli (El-Harrach) qui étaient venus renforcer le parc hospitalier d'Alger qui commençait déjà à "suffoquer" en raison de l'exode rural. Néanmoins, beaucoup de praticiens de santé publique ont relevé l'apport des réformes de Chadli Bendjedid au développement de la santé.
"On ne peut parler d'amélioration d'un système de soins sans l'existence d'un dispositif juridique, sans la construction d'infrastructures et sans la création d'un système de formation efficient", précisera Pr Belhadj Rachid, chef de service de médecine légale au CHU Mustapha-Pacha.
Pour lui, les réformes "sociales" de Chadli Bendjedid ont permis aux enfants du peuple d'embrasser une carrière de toubib. "Sans la réforme sociale de Chadli, je ne serais jamais devenu professeur en médecine. Chadli a démocratisé le système de formation pour permettre aux enfants du peuple d'aspirer être médecin", se rappellera Belhadj.
Cependant, l'"ossature" du système des soins commençait à "se fissurer" dans les années 1990 durant la période de terrorisme. "Par le passé, le maillon fort du secteur privé était le médecin généraliste. De par sa formation de haut niveau, le généraliste était au premier rang du système de soins. Il faisait tout. Le diagnostic du généraliste était rarement démenti par le spécialiste. Tout a été détruit durant la période de terrorisme", regrettera Belhadj.
Le court "intermède" politique de Mohamed Boudiaf, de Ali Kafi et même de Zeroual n'a pas vraiment marqué l'"ordre" sanitaire de l'époque. Ce que retiennent néanmoins nos interlocuteurs des années 1990 est la dégradation de la qualité de formation médicale, notamment en graduation. Le président Bouteflika a cependant débuté son mandat par l'annonce en grande pompe d'un immense chantier de réforme hospitalière qui n'a pas été mené jusqu'au bout pour mettre fin à la gabegie héritée des années 1990.
L'embellie financière à partir de 2003 conjuguée à la crise politique liée à la candidature de Ali Benflis à la présidentielle de 2004 a totalement "remis en cause" le chantier en question. Alors qu'un ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière en la personne du Pr Abdelhamid Aberkane (2001-2003) avait finalisé le diagnostic et affiné la nouvelle stratégie sanitaire à adopter.
Le président déchu Bouteflika a préféré donner une autre dimension au système national des soins, mais selon la logique libérale de bazar. Les trois premiers mandats du 7e président de l'Algérie étaient marqués par l'apparition du "business sanitaire".
Ce "business sanitaire" était visible dans l'"exportation" des malades à l'étranger et l'explosion de la facture d'importation de médicaments. "Le président Bouteflika avait donné l'exemple en se soignant au Val-de-Grâce. C'est durant les 20 ans de Bouteflika que le record de malades transférés à l'étranger se pulvérisait d'année en année. La recette import-import inventée ces 20 dernières années a été également imposée au secteur de santé", déplorera Pr Belhadj.

H. H.


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