Fernando Lugo a été investi dans la fonction présidentielle le 15 août, à Asuncion, la capitale du Paraguay. Son mandat durera cinq ans. C´est là un événement historique, car Lugo est un évêque catholique au parcours sans faille, qui renonça à ses responsabilités sacerdotales pour mieux s´impliquer dans l´action socio-politique dans son pays confronté à la pauvreté et à la corruption. Après avoir annoncé dans un premier temps sa suspension «a divinis», le Saint-Siège, qui s´oppose à l´engagement politique de ses religieux dans les pays où ils exercent, se résigna le 30 juillet à accorder à Lugo une dispense le mettant à l´abri d´une rupture avec l´église catholique à laquelle il est fort attaché, et qui lui avait permis de découvrir le degré de pauvreté qui affecte 42 % de la population paraguayenne. Lui-même d´origine modeste, né le 30 mai 1951, il est ordonné prêtre en 1977. Missionnaire en Equateur pendant cinq ans, son cheminement religieux et social le mènera à la théologie de la libération, un courant progressiste apparu dans les années 60 et prôné par de jeunes prêtres latino-américains impressionnés par le dénuement des masses et l´égoïsme des pouvoirs politiques. A 42 ans, il est élevé à la dignité d´évêque et envoyé dans le diocèse de sa ville natale, San Pedro de Ycuandiyu, dans la région la plus deshéritée du Paraguay. «Evêque des pauvres», Lugo glissera peu à peu vers le militantisme politique afin de mieux partager avec ses compatriotes les défis socio-économiques et pour critiquer le pouvoir en place, celui des «colorados». Ceux-ci avaient régné sur le pays plus de six décennies dont trente-cinq années de dictature du général Alfredo Stroessner, de 1954 à 1989. Stroessner finira par mourir en exil au Brésil. Candidat de l´«Alliance patriotique pour le changement», une coalition regroupant différentes sensibilités de gauche, Lugo est élu le 20 avril à la majorité relative contre la candidate du parti «colorado», Blanca Ovilar, parrainée par le président sortant Nicanor Duarte Frutos.
Le troisième candidat malheureux fut un général d´origine paysanne, Lino Oviedo. Selon le journal paraguayen «ABC color», 76 % de la population de près de sept millions de personnes estiment que le nouveau gouvernement est en mesure d´améliorer le sort du pays. Il est vrai que, malgré la pauvreté structurelle existante, le Paraguay connaît une forte expansion économique due à l´exportation de soja, dont il est le quatrième producteur mondial, et la commercialisation de viande. Reste à faire bénéficier les couches sociales plus défavorisées d´une conjoncture économique exceptionnelle. Ce serait la tâche du gouvernement de Fernando Lugo.
Sur la place du congrès à Asuncion, 50.000 personnes se sont retrouvées ce 15 août pour célébrer l´investiture du nouveau président. Dix chefs d´Etat, presque tous sud-américains, à l´exception du président de Taïwan, étaient présents à la cérémonie ainsi que les délégations d´une soixantaine de pays.. L´Algérie y avait délégué Monsieur Abdelaziz Belkhadem, ministre d´Etat, représentant personnel du chef de l´Etat, accompagné de l´Ambassadeur Ahcene Boukhalfa. Selon une tradition bien établie, la monarchie espagnole avait envoyé le prince héritier Felipe de Borbon. Invité également fut le prix Nobel d´économie Joseph Stiglitz, qui avait accepté de collaborer avec Lugo dans l´élaboration de son programme économique.
«Aujourd´hui se termine le Paraguay exclusif, le Paraguay secret, le Paraguay avec la réputation de corruption. Aujourd´hui débute l´histoire d´un Paraguay, dont les autorités et les habitants seront implacables avec ceux qui dépouillent son peuple», dira le Président Lugo, fort ému, dans son discours d´ascension en lançant un vibrant appel à la lutte contre les inégalités. Le Brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, l´Argentine Cristina Kirchner, le Bolivien Evo Morales, l´Uruguayen Tabare Vasquez, la Chilienne Michelle Bachelet, le Venezuelien Hugo Chavez, entre autres chefs d´Etat, partagèrent l´émotion des milliers de citoyens qui avaient envahi la place du congrès.
Considéré localement comme guerillero marxiste des années 70, Miguel Lopez est le nouveau Secrétaire général de la présidence, assurant ainsi la fonction de coordinateur du gouvernement. Le ministre de l´Economie est Dionisio Borda, un ingénieur agronome formé aux Etats-Unis et qualifié de néo-libéral. Mais la nomination qui a fait couler beaucoup d´encre dans la région est celle du nouveau ministre des Affaires étrangères Alejandro Hamad, d´ascendance syrienne et fervent partisan de la cause palestinienne. Le Président Fernando Lugo n´a pas manqué de rendre un hommage particulier aux populations indigènes «authentiques propriétaires de l´histoire et de la terre». L´Organisation nationale de paysans démunis de terres propose une trève de 100 jours de sa politique d´occupation des sols, afin de donner le temps au nouveau gouvernement de proposer un programme intégral de réformes agraires. Par ailleurs, le nouveau président a confirmé la nécessité de renégocier le prix de l´énergie électrique produite par les deux immenses barrages binationaux d´Itaipu et de Yacireta, respectivement avec le Brésil et l´Argentine. A la veille de son investiture, le Président Lugo fit savoir qu´il donnera son salaire mensuel de 6.000 dollars aux pauvres. Il promit également la transparence dans l´usage de l´allocation annuelle de 500.000 dollars à la présidence de la République au titre des dépenses réservées.
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Posté Le : 18/08/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : Notre Correspondant A Buenos Aires : Mohammed Benamar
Source : www.lequotidien-oran.com