Algérie

Par-delà DeepSeek et la guerre sino-américaine de l'intelligence: Le choc DeepSeek



Lundi 27 janvier 2025 restera une date historique à plus d'un titre.

Dès l'annonce qu'une Start-Up chinoise est capable de proposer une IA (LLM) meilleure que celle de Nvidia (plus bas on verra en quoi), le Nasdaq a subi une dépression violente.

En l'espace d'une séance à Wall Street, l'entreprise Nvi    dia, le nec plus ultra de l'intelligence américaine perd près de 600 Md$ de capitalisation boursière, soit 16.97% de sa valeur (environ toutes les hausses accumulées en trois mois). Jamais une société cotée n'a perdu autant en une journée de bourse.

600 Md$, c'est l'équivalent de LVMH (la première capitalisation sur la place de Paris) plus L'Oréal qui s'est évaporé. Le secteur des hautes technologies IA a lui perdu, par contagion, plus de 1 500 Md$. Pour bien se rendre compte de ces chiffres, toutes les valeurs additionnées du Cac 40 valent de 2 465 Md€ le 28 janvier 2025.

En un premier temps, cela ne réduit en rien les liquidités ou la valeur réelle des entreprises, mais tous les acteurs financiers, y compris les entreprises non financières et ménages qui placent leurs économies en bourse qui y sont par leurs placements ainsi rétribués (« effet de richesses »), vont accuser des pertes plus ou moins importantes.

Une remarque immédiate : il ne faut pas oublier que Wall Street bat record sur record depuis plus d'un an, précisément grâce au secteur des hautes technologies liées à l'IA. Le choc Deepseek a servi de prétexte à une prise de bénéfices sur un marché qui a beaucoup progressé.

Ainsi, en un an, malgré la perte du 27 janvier, le titre Nvidia accuse encore une hausse de 93%. Et il en est de même de la plupart des autres sociétés du secteur.

La chute est provoquée par l'arrivée sur le marché d'une IA chinoise, Deepseek R1 plus performante, avec des puces moins sophistiquées et surtout moins chère. La start-up chinoise affirme que le coût de développement du logiciel librement téléchargeable, le premier sur Apple Store, open source (ce qui n'est pas le cas des IA américaines), est de 5,6 millions de dollars, face aux dizaines de milliards investis par ses homologues américains.

Faire bien plus avec peu, la leçon porte un coup terrible à ses concurrents nord-américains. Avec un impact, une contagion sur le marché des cryptomonnaies (qui a perdu 5% le 27 janvier).

DeepSeek affirme avoir développé son modèle avec seulement 2 000 puces Nvidia, de générations précédentes, contre des dizaines de milliers utilisées par ses concurrents, et cela, en deux mois, ce qui remet en question les investissements massifs des géants technologiques américains dans les centres de données spécialisées en intelligence artificielle.

Questions :

1.- Comment Nvidia peut continuer de vendre des puces à 40 000 dollars si un concurrent chinois peut faire mieux avec moins de processeurs et surtout moins chers ?

2.- Qu'aurait réalisé Deepseek si elle avait disposé des puces de dernière génération qu'utilise Nvidia ? Processeurs que la Chine, du fait même des sanctions tente à marches forcées à mettre au point ?

L'exploit chinois, dans un cadre soumis à stricte sanctions américaine est rude, au moment même où D. Trump lance avec fracas le projet « Stargate » de 500 Mds de dollars pour achever de réaliser la prééminence technologique américaine sur le reste du monde, ennemis et « alliés » confondus.

En assurant répliquer bientôt au défi lancé par la Chine, les Américains hésitent entre deux positions :

- La suffisance. Minorer la prouesse chinoise. C'est la réaction préférée par Marc Andreessen, un investisseur dans la tech, qui l'a qualifiée de « le moment Spoutnik de l'IA ». Sous-entendu qu'il serait similaire au lancement en 1957 du premier satellite artificiel de la Terre par l'Union soviétique, qui avait stupéfié le monde occidental, mais qui allait être peu à peu dépassé par les Etats-Unis, consacrés par leur débarquement sur la Lune en juillet 1969.

- Le fair-play. Saluer l'avènement d'un concurrent pour les stimuler : « C'est très stimulant d'avoir un nouveau concurrent », déclare Sam Altman, patron de OpenAI dont le produit ChatGPT est directement concerné. Sous-entendu : ce n'est que partie remise. L'Américain annonce déjà une réplique pour dans quelques semaines qui « remettra de l'ordre » dans une hiérarchie brièvement bousculée.

Au reste, Microsoft et OpenAI, avant de contre-attaquer sur le plan technologique ont, selon Bloomberg ; lancé une enquête contre Deepseek l'accusant d'avoir dérobé des « données non autorisées » à partir de l'interface d'OpenAI, via un groupe « liés » à la start-up chinoise.

L'accusation traditionnelle portée naguère contre les entreprises japonaises concurrentes.

Ce qui vient d'être réalisé par une entreprise chinoise est dans le droit-fil d'une évolution géo-économique générale qui place la Chine et tout le « sud global » dans une dynamique qui établit un équilibre dont les pays occidentaux ne veulent pas entendre dans le domaine politique et diplomatique (cf. plus bas).

La réussite de Deepseek est la partie apparente d'un iceberg infiniment plus vaste que cela.

Au lendemain de la surprise de DeepSeek, des images d'un robot d'une autre entreprise chinoise (Unitree, parmi d'autres), ont été diffusées en concurrence des américains de Boston Dynamics ou de Tesla (et son robot Optimus).

Le robot de Unitree exposé au CES de Las Vegas (07-11 janvier 2025) présente des capacités hors normes de fluidité des gestes et de la rapidité dans leur exécution. A cela, il ajoute une différence de plus par rapport aux robots américains, un prix défiant toute concurrence : 1 600$ pour Unitree G1 alors que l'Atlas de Boston Dynamics est proposé à 75 000$.

Cette annonce, après celle de Deepseek n'est pas fortuite : il y a une intime association entre IA et robotique avec tous les développements imaginables dans le reste des domaines : social, industriels, économiques et... militaires.

Par-delà DeepSeek :

De la « compétitivité-prix » à la compétitivité totale.

Longtemps, l'image d'une « Chine-usine du monde » investie par des entreprises occidentales servait à expliquer ses excédents commerciaux. C'est d'ailleurs sous cette approche que son entrée dans l'OMC, il y a de cela un quart de siècle, avait été décidée.

Pascal Lamy, ex-commissaire européen, ex-directeur général de cette organisation créée à Casablanca en 1995, décrivait le commerce international en termes de valeur ajoutée et expliquait, tout en s'en félicitant, combien les IDE occidentaux en Chine profitaient essentiellement aux entreprises occidentales, en ce que les producteurs chinois n'avaient pas accès aux bas de filières en contact avec les consommateurs qui achètent cher les biens qui coûtent peu.

La Chine faisait partie de ces pays qui offrent des conditions de production à compétitivité-prix très attractives pour les entreprises occidentale : bas salaires, normes sociales environnementales, juridiques, commerciales peu contraignantes...

Les échanges commerciaux chinois sont désormais structurellement excédentaires.

La Chine cumule ses excédents avec les Etats-Unis et avec l'Europe.

Le commerce entre la Chine et les Etats-Unis (AFP, V. 24/01/2025)

La Chine a pris son autonomie technologique stratégique, son marché intérieur et le marché mondial qu'elle s'est donnée n'est plus à la portée des pressions occidentales, en réalité exclusivement américaines.

La question soulevée ici est celle de la productivité, c'est-à-dire du rapport entre les moyens mobilisés (de tous ordres) et les résultats obtenus.

Quand la Chine se limitait à la production de biens bas de gamme, dont les procédés de production sont obsolètes et récoltent un profit limité, cela ne faisait pas problème. Il en est ainsi aussi du travail lorsque les travailleurs étrangers ne visent que des travaux dangereux, pénibles et mal payés. Mais cela n'est plus le cas lorsque les produits fabriqués sont au moins aussi bons -si ce n'est davantage- et surtout bien moins chers que leurs concurrents occidentaux. Et lorsque la Chine dépasse ses concurrents, le premier réflexe de ces derniers est la guerre, le boycott assorti de campagnes de désinformation. Exemple : « La norme 5G vise à menacer et à mettre en péril la souveraineté des pays occidentaux ». « Les produits chinois sont dangereux pour la santé des enfants, ils sont fragiles, de mauvaise qualité... ».

Cela n'est pas, n'est plus conforme aux faits.

Montée en gamme des industries chinoises.

La Chine a deux entreprises productrices de technologie 5G, dont le leader mondial des équipements de télécommunications, Huawei. Les Etats-Unis n'en ont plus aucune et cherchent à mettre la main sur des entreprises européennes.

Quelques données chiffrées récentes permettent de bien circonscrire et illustrer. La Chine est devenue première dans les domaines suivants (LCI, L. 15 juillet 2024) :

- Production industrielle

- Exportations 3 380 Md$ (Banque Mondiale)

- Energies vertes : 2/3 des nouvelles capacités solaires et éoliennes construites en 2024 dans le monde sont chinoises (Global Energy Monitor)

- Nouvelles technologies (défense, espace, robotique, biotechnologies, IA) 37 sur 44 technologies critiques pour l'avenir (ASPI)

La Chine compte plus de 5,8 millions de bornes de recharge. Selon Bloomberg, la province de Guangdong compte à elle seule environ trois fois plus de bornes que l'ensemble des États-Unis.1

Aujourd'hui, le marché chinois compte plus de 94 marques qui proposent plus de 300 modèles différents. A l'évidence, les occidentaux ne participent pas à la même compétition et ne boxent pas dans la même catégorie.

Les réactions américaines au « choc » Deepseek font oublier que la Chine allait rapidement rattraper et dépasser les Etats-Unis dans le domaine des micro-processeurs, précisément à cause des restrictions imposées par Washington à l'importation de ces produits par Pékin. « Près des deux tiers des produits américains contiennent des puces provenant de Chine » s'inquiétait fin 2024 la secrétaire américaine au Commerce, Gina Raimondo, (AFP, L. 23 décembre 2024)

« Les contraintes pesant sur la Chine en matière d'accès aux puces ont forcé l'équipe de DeepSeek à concevoir des modèles plus efficaces, toujours compétitifs, mais à moindre coût d'entraînement », explique Jeffrey Ding, de l'Université George Washington (AFP, mercredi 29 janvier 2025).

Cela signifie la faillite de la politique de sanctions qui s'avère complètement contre-productive en ce qu'elle pousse les pays qui la subissent, à l'investissement (matériel et humain) destiné à s'en affranchir.

Le même résultat est observé avec la Russie. Ce qui explique sa résistance à toutes les sanctions qui lui sont infligées depuis 2014 et encore plus sévèrement depuis 2022. Un simple constat que beaucoup d'observateurs impartiaux ont dressé.

Plus on tente d'enfermer, d'isoler ces pays, plus ils substituent aux importations une production nationale qui leur épargne de coûteuses dépenses et irrigue le reste de l'économie.

Cela ruine une vieille accusation persistante, naguère adressée au Japon de la fin des années soixante, un siècle après le début de l'ère Meiji2. Seules, l'Europe et l'Amérique se proclament innovateurs et créateurs. Les pays non-occidentaux ne sauraient être au mieux que des imitateurs, des fabricants de pacotilles de qualité inférieure. Des pays « en retard » auxquels sont destinées des « Technologies appropriées ».

Certes, l'histoire montre combien les nations s'enrichissent de leurs échanges et de leurs contacts. L'Occident (concept flou, géographiquement et historiquement insaisissable, nous nous limiterons aux pays d'Europe et d'Amérique actuels), n'a pas toujours été prospère et à la pointe du progrès. Avant d'arriver en Europe, les Lumières ont éclairé l'Asie, le Proche-Orient, la Méditerranée méridionale et l'Andalousie.3

Certes, les scientifiques et ingénieurs du « sud global » étudient et se forment dans les universités occidentales. C'est le cas des Chinois aux Etats-Unis qui reviennent chez eux.

Mais c'est à leur génie propre (individuel et collectif) que ces pays (la Chine, le Japon, l'Inde, le Brésil...) doivent les innovations que les Occidentaux se pressent de reprendre chez eux. Les exemples sont innombrables dans toutes les disciplines académiques et ingénieries.

Avec au moins deux différences essentielles entre Chine et Japon. Démographique : le Japon et la Chine ne pèsent pas le même poids. Stratégique : La Chine est une puissance nucléaire qui ne subit pas l'occupation de 50 000 GI's américains, dans une dizaine de bases. « Protection » pour laquelle Tokyo paie des milliards de dollars depuis 1945.

Derrière l'intelligence technologique (à supposer qu'on ait une connaissance précise de ce que recouvre la notion d'« intelligence »), il y a l'intelligence géostratégique, c'est-à-dire l'optimisation d'une politique, destinée pour la meilleure des conceptions, à pacifier les relations internationales et non à entreprendre dans tous les domaines des actions guerrières portées par une volonté de puissance que quelques-uns imposeraient à tous.

Les Etats-Unis utilisent les armes à sa disposition (Wall Street, le dollar, la langue, la langue, son droit et sa justice extraterritorialisée, le Pentagone...) pour faire prévaloir ses intérêts, peu importe sa productivité ou ses avantages comparatifs économiques.

Le libre-échange ou la démocratie ne sont acceptés par les puissants que lorsque celui qui les respecte et en garantit le respect est le plus fort ou lorsque le parti dominant est consacré par les urnes. Hors de cela, c'est le jeu de la canonnière et de l'arbitraire qui font office de règles du jeu, c'est-à-dire celles abusivement attribuées à la jungle (naturellement, mieux organisée).

Ne serait-il pas temps que les règles s'appliquent et que les lois (y compris en leur « esprit ») soient respectées même lorsque cela ne convient pas à ceux qui se posent en maîtres du monde ?

Quand on compare la Chine, la Russie ou l'Inde aux Etats-Unis qu'on prenne garde de se doter des « critères de protocolarité » adéquats.

Derrière les réalisations incontestables des Etats-Unis, il y a une machine mondiale qui pille toutes les ressources des pays qui leur sont soumis. Les Etats-Unis pompent l'épargne mondiale, attirent les compétences, les entreprises et les flux de capitaux d'une multitude de pays. L'Europe tient une place majeure dans ce dépouillement des richesses.4

Les Etats-Unis subventionnent à coups de centaines, voire de milliers de milliards de dollars les entreprises situées sur son territoire en violant publiquement, outrageusement la plupart des lois commerciales internationales auxquelles elles ont pourtant souscrit.

IRA (Inflation Reduction Act). La loi sur la réduction de l'inflation en août 2022 est en fait un dispositif protectionniste contraire à la liberté du commerce destiné à obliger les entreprises étrangères à investir aux Etats-Unis et pour ce qui concerne l'automobile, uniquement dans les entreprises fortement syndiquées.

La loi CHIPS Act, prévoit d'allouer jusqu'à 52 milliards de dollars de subventions pour soutenir des projets d'implantation d'usines pour relancer la production de semiconducteurs aux Etats-Unis. (AFP, L. 23 décembre 2024)5

Comment cela peut-il être possible ?

L'Amérique déficitaire.

Le pays connaît un endettement considérable6. Les Etats-Unis cumulent près de 40% de l'endettement mondial (alors qu'ils ne représentent qu'un cinquième de la production mondiale) et pratiquent un déficit budgétaire (record) que D. Trump va aggraver sans avoir de comptes à rendre à quiconque, à une Commission bruxelloise par exemple.

Déficit extérieur structurellement déficitaire : commercial (-776 Md€ en 2023), balance des paiements courants (-1000 Md$ environ)

Secrétariat d'Etat au Trésor

« Le dollar est notre monnaie, mais c'est votre problème ». (Août 1971)

Telle est la réponse que le secrétaire d'Etat au trésor de Richard Nixon, John Connelly, avait donné aux Européens inquiets, venus s'enquérir de la décision américaine de laisser flotter le dollar (dévaluant ainsi leur dette) et, plus grave que cela, privatiser les marchés de change, dessaisissant les autorités étatiques d'un pouvoir de régulation essentiel et laissant aux plus forts le soin d'agir librement sur la valeur de leurs monnaies, selon leurs seuls intérêts.

La fin des Accords de Bretton Woods, devient alors le début de leurs problèmes.

Ce n'est pas nouveau.7

Les Européens, avaient-ils alors tiré la leçon de leur subordination ? Loin de se doter des instruments nécessaires à l'exercice de leur souveraineté, loin de se défaire des chaînes qui asservissaient leur économie, leur prospérité, leur sécurité et leur liberté de décision, ils ont collaboré à leur consolidation.

Démonstration.

Mardi 28 janvier 2025. Benoîtement, B. Arnault, PDG de LVMH, annonçant les résultats 2024 de son entreprise en baisse de 17%, se plaint des différences de conditions fiscales et réglementaires entre la France et les Etats-Unis.

« Je reviens des USA et j'ai pu voir le vent d'optimisme qui régnait dans ce pays. Et quand on revient en France, c'est un peu la douche froide », a déclaré celui qui a été aperçu avec ses enfants parmi les dizaines d'invités les plus proches de Donald Trump lors de la cérémonie d'investiture du président américain.8

« Aux USA, les impôts vont descendre à 15%, les ateliers sont subventionnés dans une série d'Etats et le président (Trump) encourage ça ».

« Quand on revient en France et qu'on voit qu'on s'apprête à augmenter de 40% les impôts des entreprises qui fabriquent en France, c'est incroyable. Pour pousser à la délocalisation, c'est idéal ! », a-t-il dénoncé. « C'est la taxation du made in France. » (AFP, mardi 28 janvier 2025)

De la guerre de l'opium au sac du Palais d'été.

La Chine n'est sûrement pas dirigée par des enfants de chÅ“ur. Mais il serait bien plus équitable de mesurer les sacrifices consentis par ce pays et sa population pour s'affranchir d'une dépendance et d'une exploitation qui remonte loin dans le passé.

Le XIXème siècle a été celui des massacres et des abominations commises par les Occidentaux un peu partout sur la planète, y compris en Europe, qui se sont prolongées au cours du siècle suivant (et aussi sur d'autres continents) par deux mortifères guerres mondiales.

Victor Hugo, résident à Hauteville House pendant près de 15 ans (de 1856 à 1870), en un exil qui dura 19 ans, a décrit et dénoncé le saccage du Palais d'été dans le 25 novembre 1861

« Il y avait, dans un coin du monde, une merveille du monde ; cette merveille s'appelait le Palais d'été. (...) On disait : le Parthénon en Grèce, les Pyramides en Egypte, le Colisée à Rome, Notre-Dame à Paris, le Palais d'été en Orient. (...)

« Cette merveille a disparu.

« Un jour, deux bandits sont entrés dans le Palais d'été. L'un a pillé, l'autre a incendié. (...) Ce qu'on avait fait au Parthénon, on l'a fait au Palais d'été, plus complètement et mieux, de manière à ne rien laisser. Tous les trésors de toutes nos cathédrales réunies n'égaleraient pas ce splendide et formidable musée de l'orient. Il n'y avait pas seulement là des chefs-d'Å“uvre d'art, il y avait un entassement d'orfèvreries. (...)

« L'un des deux vainqueurs a empli ses poches, ce que voyant, l'autre a empli ses coffres ; et l'on est revenu en Europe, bras dessus, bras dessous, en riant. Telle est l'histoire des deux bandits.

« Nous, Européens, nous sommes les civilisés, et pour nous, les Chinois sont les barbares. Voilà ce que la civilisation a fait à la barbarie.

« Devant l'histoire, l'un des deux bandits s'appellera la France, l'autre s'appellera l'Angleterre. (...) L'empire français a empoché la moitié de cette victoire et il étale aujourd'hui avec une sorte de naïveté de propriétaire, le splendide bric-à-brac du Palais d'été. J'espère qu'un jour viendra où la France, délivrée et nettoyée, renverra ce butin à la Chine spoliée. »

Cette lettre est publiée dans Nora Wang, Ye Xin, Wang Lou, Victor Hugo et le sac du Palais d'été, Les Indes savantes/You Feng, 2003. On peut la trouver in extenso dans Le Monde Diplomatique d'octobre 2004.

On peut mesurer et apprécier l'évolution d'un pays qui est passé, en moins de 40 ans, de l'état de pays sous-développé, de pays pauvre où le communisme n'a fait qu'administrer sa misère, ainsi raillé (au mieux) par tous ceux qui le donnaient en exemple de ce qu'il ne fallait surtout pas faire, au rang virtuel de première puissance mondiale, sans avoir eu besoin de constituer un empire colonial, de s'adonner à un pillage en règle du reste de la planète, hommes et natures confondus.

Effort, rigueur, équité, sobriété, respect de soi... sont sans doute quelques-unes des clés de ce qui n'est ailleurs un « miracle » que pour ceux qui croit au Père Noël et qui gaspillent les ressources de leur nation en paroles creuses et promesses sans lendemains.

C'est peut-être cela que représente la Chine aujourd'hui en ce qu'il peut servir de chemin à emprunter pour l'autre versant du monde, toujours « en retard » courant derrière un éternel, irrattrapable et illusoire développement à venir.

Notes

1- Publications. Les centres de recherche chinois sur les batteries ont publié 65% des articles à fort impact sur le sujet en 2023, contre 12% pour les Etats-Unis et 2.8% pour l'Allemagne.

Véhicules à moteurs : Les entreprises chinoises ont augmenté de 700% leur R&D de 2013 à 2023.

Moteurs électriques. Elles ont multiplié par 10 leurs dépôts de brevets en 10 ans (31 en 2013, 660 en 2023). L'Allemagne 2ème pays au monde en la matière, n'a déposé que 400 brevets en 2023.

La Chine : produit 75% des batteries produites dans le monde. (Les Echos, J. 08 août 2024) Et l'on sait par ailleurs que la batterie représente près 50% de la valeur d'une voiture électrique.

2- Cf. «Liste des inventions et découvertes japonaises » (Wikipedia).

Lire. Morishima Michio (1982) : « Capitalisme et confucianisme. Technologie occidentale et éthique japonaise. » Flammarion, trad. 1987. 315 p.

Souyri Pierre-François (2016) : « Moderne sans être occidental. Aux origines du Japon d'aujourd'hui. » Gallimard, 488 p.

3- C'est à Bejaia, à la moitié du XIIIème siècle que Fibonacci a étudié les mathématiques (en arabe) et mis au point ses « suites » qui serviront de pont entre le monde mathématique arabe et européen alors très en retard scientifiquement et technologiquement (et cependant moins que ne le laisse penser l'expression « nuit médiévale »).

4- Sur un autre terrain : l'armée russe ne fait pas face à l'armée ukrainienne. Elle affronte, tous les observateurs se gardent bien de le signaler ainsi, toutes les armées de l'OTAN.

5- Début décembre, la Chine a répliqué, en adoptant des restrictions sur les exportations vers les Etats-Unis de plusieurs métaux rares, tels le gallium et le germanium, nécessaires à la fabrication des semiconducteurs.

6- La dette privée des États-Unis a atteint 216,50% du PIB en 2023. (https://fr.tradingeconomics.com/)

7- L'american Selling Price. Le tarif douanier américain était calculé en vertu de la loi Fordney-McCumber de 1922. Autrement dit, le tarif appliqué à une importation aux États- Unis serait calculé en fonction du prix d'un produit similaire qui y est fabriqué plutôt que sur le prix du produit importé.

8- Cf. Abdelhak Benelhadj : « Dieu dirige le monde à partir de Washington ». Le Quotidien d'Oran, 23 janvier 2025.


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