Algérie

PAN A. F. : Le temps attendra



Le proverbe africain proposé dans l'édition d'aujourd'hui ' issu en fait du Sénégal ' a quelque chose de savoureux : « Tous les Blancs ont une montre, mais ils n'ont jamais le temps. » Faut-il préciser que les « Blancs » désignés ici sont ceux que l'on nomme « Occidentaux », ce qui exclut évidemment les Maghrébins qui sont africains, bien que par une coïncidence bien amusante de l'étymologie, le terme de « maghrébin » signifie en arabe littéralement « occidental » ! « Blanc » au Sénégal, « roumi » ou « gaouri » en Algérie, bref tous ceux venus un jour dans le sillage du colonialisme.Ceci étant établi, au-delà de l'humour merveilleux de ce proverbe, il reste ce rapport au temps que les Africains partagent admirablement, si l'on ose dire, sur l'ensemble du continent, et ce, quels que soient leur couleur de peau, leur religion, leur mode de vie... En effet, s'il est une coutume complètement et parfaitement panafricaine, c'est bien cette espèce d'insouciance chronologique. Ne répète-t-on pas ici cet autre proverbe : « Il y a quelque part un bienfait dans chaque retard », étant bien entendu que l'on a peut-être ainsi échappé à une fatalité.Rien n'est plus culturel que la notion de temps et, en Afrique, le temps, avant d'être appréhendé comme un instrument pragmatique de régulation des actes, demeure encore perçu comme une dimension spirituelle échappant plus ou moins à l'initiative humaine. D'où cet autre proverbe venu du c'ur de l'Afrique et qui fait écho au premier : « L'homme a inventé la montre, mais Dieu a inventé le temps. » Notre temps est avant tout une représentation de notre affect, ce qui nous permet aujourd'hui de dire avec aisance « deuxième » festival panafricain alors que quatre décennies quand même le séparent du premier. Le comptage reprend comme si de rien n'était, comme si c'était hier' De la même façon, nous nous sommes trouvés tout étonnés de découvrir dans les archives de presse que le premier justement n'avait duré que dix jours quand, dans nos mémoires, il paraissait avoir duré au moins trente !Les publics et les confrères des médias qui s'offusquent du manque de ponctualité des manifestations du Panaf' 2009 ont pleinement raison de le faire. Mais, dans cette course contre la montre pour rattraper le temps perdu, ils font preuve d'une étonnante candeur. Car si le temps se divise en secondes, minutes, heures, jours, etc. le rapport au temps, lui, est on ne peut plus indivisible. C'est un noyau dur et dense de notre substrat socioculturel. Nous n'avons déjà pas pu maîtriser le temps dans des fonctions comme le travail, l'enseignement, la santé, l'administration' Pourquoi donc y aurait-il un temps spécifiquement Panaf' quand celui-ci, de plus, s'inscrit dans la sphère culturelle qui est toujours économiquement déconsidérée, située plus du côté des loisirs, sinon du farniente, que du domaine de la construction sociale 'Après-demain, le deuxième Festival panafricain d'Alger se clôturera. Cela paraît bizarre de le dire car dans notre poésie très libre du temps, l'attachement est une donnée subjective fondamentale. Et faute de proverbe pour le dire, il y a ces vers du célèbre chant de Cheikh Zerbout : « Comme l'habitude est facile à prendre, autant la séparation m'est insupportable. » C'est pour cela sans doute que le temps nous échappe car sa maîtrise est antinomique à l'attachement.


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