Algérie

Palabres à fric


On ne parle jamais autant d'argent que lorsqu'il est question de culture. A croire qu'en Algérie, ce soit le seul secteur qui mérite cette vigilance comptable de premier ordre. Interviewé par la Radio nationale, le directeur de la communication du Panaf', Zouaoui Benhamadi, en vieux mais sémillant briscard de la presse, a aussitôt rebondi sur le service, citant à titre d'exemple ces nombreux bateaux en rade qui, chaque jour que Dieu fait, coûtent au pays des mille et des cents en surestaries, ces pénalités de non-débarquement de marchandises. Selon certains professionnels, ces surestaries peuvent atteindre jusqu'à 80.000 dollars US par jour ! Et lors de son dernier passage devant les instances parlementaires, le Premier ministre avait cité le chiffre de 250 millions de dollars (2006) qui seraient en quelque sorte partis en fumée dans les eaux.Ce système de combustion maritime dont nous devrions déposer le brevet au Guiness Book, ne semble pas autant émouvoir ceux qui se découvrent des talents de pleureuses quand il s'agit de dépenser pour la culture. Récemment encore, l'affaire BNA versus Achour, passée en justice, avait révélé un détournement de 22 milliards de dinars. Ce serait ainsi près de trois Panaf' qui seraient passés entre les mains d'un seul individu ! On pourrait multiplier les exemples à l'envi, dresser la liste des projets avortés, inventorier le gaspillage public permanent, etc. On pourrait aussi rappeler que nous continuons à vivre en funambules, sur la corde pour l'instant raide des hydrocarbures qui représentent 90% de nos revenus. On pourrait souligner que selon la méthode de calcul de la Banque mondiale, dite résiduelle, 40 % de la masse monétaire du pays est captée par l'informel (exercices 2006-2008) et que donc près de la moitié des richesses du pays seraient underground. On pourrait enfin citer le World Economic Forum qui, en termes de compétitivité internationale, nous déclassait l'an dernier de la 81e à la 99e place sur 131 pays. Et cætera ...
Bien sûr, les pleureuses du Panaf' ne manqueront pas de sauter sur ces arguments pour infliger un « raison de plus ! ». Comme des passionnés du Panaf' pourraient maladroitement rétorquer « raison de moins ! », histoire de dire que le festival n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan du gaspillage. Mais quand donc les uns et les autres commenceront-ils à comprendre que les dépenses pour la culture ne sont pas réductibles à une vision comptable, sinon épicière 'Bien sûr qu'il ne faut pas plus gaspiller ici ou là mais un pays et sa population ne sauraient être réduits à des dépenses biologiques ou fonctionnelles. L'ouverture culturelle est sans doute un investissement indirect dont les effets ne sont pas visibles sur une machine à calculer. De nombreux Etats, bien plus rigoureux que le nôtre en finances, s'ingénient à soutenir les arts, les lettres et la joie de vivre que procurent les spectacles car ils en savent les bienfaits et les bénéfices sur le niveau des individus et sur le développement général. Il reste qu'il faut savoir capitaliser culturellement. Et donc, la seule vraie question serait : quel gain culturel après le Panaf' ' Ou comment transformer un élan en performance durable ' Finalement, la culture est plus proche du triple-saut que de la comptabilité non-analytique.
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