OVNIS

«Où commence le mystère finit la justice.» Edmund Burke
Le passage de l'astéroïde à proximité de la Terre avait poussé les responsables des deux puissances spatiales à organiser, dans le secret le plus total, un vol de reconnaissance pour identifier le bolide cosmique...
Tout semble aller comme sur des roulettes, l'arrimage s'était effectué sans encombre, le programme d'expériences s'était déroulé comme prévu. Tout était réglé comme sur du papier à musique. Une amitié chaleureuse née de la réunion de ces exilés dans une boule de métal suspendue dans l'espace avait facilité la cohabitation de ces techniciens et scientifiques de diverses nationalités. La vision magique de cette boule bleue, belle et fragile à la fois, avait permis de surmonter plus facilement toutes les difficultés que présentaient les opérations très complexes d'entretien et de recherche. Mais toutes les bonnes choses ont une fin et quand vient le jour de se dire au revoir, les astronautes de l'ISS, après avoir échangé quelques blagues en anglais, en russe et en yiddish, se sont séparés amicalement en se promettant toutefois de se retrouver un de ces quatre matins au bord de la mer Morte, le seul endroit où l'on peut flotter sans nager. Après avoir revêtu leurs scaphandres et rejoint leurs sièges dans la navette, les astronautes qui avaient commencé à régler leurs appareils de mesure, ont eu la surprise de voir la lampe rouge située au-dessus de l'écran principal clignoter en émettant des vibrations désagréables qui provoquèrent des décharges d'adrénaline chez les exilés de l'espace. «Cela ne pourrait être qu'une chose très importante» pensa tout haut le chef de mission. «Peut-être une alerte de sécurité, un défaut dans le système de pressurisation...» A cette évocation, il eut des sueurs froides en pensant à la tragédie des Komarov ou des passagers de Challenger, mais le cadran indiquant la pressurisation était au beau fixe. Rien à craindre donc, de ce côté-là. Enfin, un visage rougeaud bien familier apparut sur le petit écran: le chef des opérations de cap Canaveral commença à débiter des banalités ennuyeuses sur les précautions à prendre avant d'entrer dans l'atmosphère polluée de la planète mère. Il conclut avec un bémol: «Un objet volant non identifié se trouve collé à l'arrière de la navette, et ni les caméras de la navette, ni celles de l'ISS et encore moins le télescope Hubble qui était braqué sur un grand trou noir, n'ont pu identifier l'objet suspect.» Cette annonce jeta un froid sur l'équipage. Qu'était donc ce mystérieux objet' Certainement une sonde espion envoyée par une puissance concurrente qui voulait créer un Watergate à 400 km au-dessus du golfe du Mexique, à moins que ce ne soit une roquette du type «Kassam» que des conditions météorologiques extraordinaires auraient dérouté du kibboutz Eretz et envoyé dans l'espace ou peut-être une fusée nord-coréenne ou iranienne... Qui sait' Peut-être est-ce la fameuse «Mère de toutes les batailles» promise jadis par Saddam et qui arrive avec une décennie de retard. Impossible de vérifier par les hublots qui sont tous orientés latéralement. Quelle forme a-t-il' Est-il rond comme une boîte de chique sortie des ateliers Bentchicou ou carré comme une boîte d'allumettes de chez Caussemille' Quelle consistance a-t-il: métal, chiffon ou papier' Peut-être est-ce un paquet de bons de caisse largués dans l'espace' La somme de toutes les Constitutions tombées en désuétude et ficelées comme un paquet de linge sale envoyé dans la grande poubelle universelle' Certains n'hésitent pas à dire que c'est une demande d'extradition bien ficelée qui s'est égarée dans le continum espace-temps. A moins que ce ne soit tout simplement les dossiers judiciaires concernant toutes les enquêtes contre les détourneurs de tous poils qui ont laminé l'économie algérienne.