Algérie

Ovins, bovins et...volailles



Ovins, bovins et...volailles
En débattant durant quatre heures et demie, les sept inculpés dans un dossier de «marchés publics» n'ont parlé que de...viandes!L'exigüe salle d'audience du tribunal de Bouira a fait le plein jeudi dernier lors de la tenue d'un sérieux procès mettant en cause sept inculpés de graves délits tels la conclusion de marchés douteux ou encore l'octroi d'avantages juteux non justifiés.Sur le groupe de vieux inculpés, Brahimi, le fournisseur qui crie d'emblée à la hogra car il n'a pas encore été régularisé au cours de nombreuses livraisons de marchandises durant une longue période, a été l'étoile du jour. Son avocat, Maître Kaddour Hanafi a introduit une question préjudicielle dans laquelle il réclame ni plus ni moins que l'annulation des procédures car son client a eu les foudres depuis qu'il était allé devant le tribunal administratif une soi-disant lettre anonyme étant venue tout basculer. «Madame la présidente, la lettre anonyme ne l'est pas car les rédacteurs sont des employés de l'hôpital Mohamed-Boudiaf.» Messaoud Kennas, le procureur réplique pour contrer la demande de l'avocat d'Hussein Dey. «Il y a des faits délictuels. Il reste au tribunal à tirer au clair ce dossier qui relève du pénal» a dit, le front haut, le procureur. Aucun autre avocat n'avait rien à dire autour de ces deux interventions. Maître Hanafi revient à la charge au sujet de la lettre «anonyme» en expliquant que l'inexactitude plane sur cette affirmation et attire l'attention du tribunal sur une éventuelle déviation.La présidente décide de joindre la question préjudicielle et d'aller au fond. Un à un, les inculpés vont défiler à la barre et donner les explications attendues par le tribunal. Le directeur de l'hôpital Mohamed Boudiaf éclaire la juge sur tout ce qui s'est passé et le comment fonctionne le gré à gré ou l'examen des appels d'offres avec, bien sûr, les devis comparatifs. «Je ne me mêle jamais de ce qu'il y a lieu de faire avec les quatre autres membres de la commission.»La juge sort la convention de 2011, mise à la disposition de Yahia Brahimi, le procureur, qui brille par la qualité de la marchandise, «Il nous est arrivé de refuser la mauvaise qualité des viandes. Brahimi a l'art d'être ponctuel dans les livraisons et surtout j'insiste sur la bonne qualité avec de bons prix loin de ceux pratiqués par les autres offres» ajoute Hammad Madjid, le directeur de l'établissement hospitalier qui semble décidé à très bien renseigner le tribunal. La présidente cherche à être fixée définitivement sur le pourquoi du choix de Brahimi: «Les prix imbattables pratiqués parce monsieur estimé par tous dans la région du centre du pays où il est très bien connu et recherché pour l'excellent travail fourni» a encore martelé le directeur qui est presque surpris que Amarache, la juge du siège, revienne à la charge autour des prix pratiqués et proposés par Brahimi, le fournisseur qui n'a cessé de crier à l'innocence. Kennas, le procureur, pour ne pas changer de tactique purement parquetière, relève le seul critère retenu lors de l'examen des offres. Le directeur dit: «Monsieur le procureur je voudrais...»«Non, inculpé, répondez à madame la présidente, pas à moi». Puis les débats s'emballent pour entrer entre la chair et l'ongle des inculpations. Très bien informée, la présidente soutient que les membres de la commission n'ont pas respecté les critères dans le choix de Brahimi qui a bénéficié de sa renommée lors de précédentes offres. Les membres de la commission résistent et maintiennent que Brahimi est le meilleur de toute la région et que son choix ne reposait que sur sa valeur intrinsèque dans le respect des clauses signées par les parties. Kennas demande à lire une copie d'un PV soulignant que telle livraison est de mauvaise qualité après le passage du vétérinaire. Maître Hanafi joue la diversion: «La défense cherche à savoir si l'acceptation des marchés se faisait autour d'une meilleure offre sur les prix.»Karima Amarache s'exclame: «Ce que j'ai sous les yeux c'est le bas prix, pas la meilleure offre!». Et puis, voilà encore que les débats sombrent corps et biens dans le jargon propre aux offres d'appels et des membres de la commission des marchés. Et c'est le pauvre inculpé Hammad, le directeur de l'hôpital Mohamed-Boudiaf qui va se farcir les répétitions autour des critères retenus dans le choix de Yahia Brahimi poursuivi au titre du Code des marchés publics, article 6 qui grouille d'alinéas se soutenant les uns et les autres.A titre d'exemple, l'alinéa II de l'article 6 dispose entre autres que «les commandes visées ci-dessus (alinéa I), dûment détaillées, doivent faire l'objet d'une consultation d'au moins trois (3) prestataires qualifiés, pour le choix de la meilleure offre, en termes de qualité et de prix. Dans le cas de commandes de travaux, le service contractant peut consulter des artisans tels que définis par la législation et la réglementation en vigueur». Et pour rester dans la recherche de la vérité, la juge avait passé quarante-huit minutes avec Lamri Hammad et le reste des membres de la commission des choix des fournisseurs pour être réellement convaincue que personne d'entre eux ne connaissait «personnellement» Brahimi celui qui opte pour l'acceptation de son offre. Messaoud Kennas accule Lamri qui déclare que des pressions étaient souvent exercées sur les membres de la commission et pire: «Nous avions à plusieurs reprises des doutes quant aux relations Brahimi-membres de la commission qui refusaient d'être mouillés dans les tours de passe-passe réalisés lors de l'ouverture des plis d'offres. Lamri ira jusqu'à déclarer à la juge qu'il avait rencontré Brahimi chez le juge d'instruction. «Je ne l'ai jamais vu auparavant» ajoutera-t-il. Sur ce, Maître Hanafi demande une prise d'acte... Amarache refuse considérant que dans cette salle, tout est transcrit.Et plus tard, lorsque l'avocat rouquin insistera sur la prise d'acte concernant le fait que ni Kamel Lamri ni aucun autre membre de la commission ne connaissait physiquement Brahimi, elle bat des cils et articule entre les dents: «Maître, vous retrouverez tout ce qui s'est dit ce jeudi dans le jugement!». L'incident est clos et à part que les sept inculpés n'ont pas cessé de crier à la bavure du juge d'instruction qui s'est gouré, aucun avocat ne demandera plus de prises d'acte. En mettant le prononcé du verdict vers la fin mars 2014, Karima Amarache, la juge, venait après 270 minutes de débats de mettre fin à un procès qui pourrait accoucher d'une... souris!




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