Algérie

Ouyahia et le labyrinthe...



«Ça y est, aurait dit récemment Ouyahia à l'un de ses proches collaborateurs au palais du gouvernement, j'ai rêvé la veille que j'étais à la porte d'un labyrinthe, un grand labyrinthe ! Ah si tu te rends compte de mon malaise au réveil ! Derrière moi, une meute d'émeutiers dresse des barricades avec deux gros sacs remplis de cailloux, de vrais galets de granit, il y avait des pneus brûlés, du feu, de la fumée, etc. Devant, un précipice creusé, me semble-t-il, par des employés dépêchés spécialement par le FMI. Que choisir ' Problème ! J'en ai déduit que je ne dois pas partir à la présidentielle de 2019, c'est trop risqué pour moi... enfin, si ! Mais je dois assurer d'abord mes arrières quand même ! «Et que s'est-il passé après'» s'interroge le collaborateur, curieux. J'ai avancé prudemment, semant un à un les cailloux des deux sacs derrière moi. Mais il se trouve que ceux-ci sont trop lourds et la voie au palais est totalement bloquée. «Le palais '» «oui, le palais d'El-Mouradia ! Sur le moment, je suis allé droit devant. J'étais sûr que je finirai par trouver une quelconque issue. De toute façon, il n'y a pas lieu de s'égarer pour rien. Une idée géniale de Nicolas Machiavel m'a trotté alors dans l'esprit :» snober tout le monde et n'en faire qu'à sa tête pour vaincre ses adversaires». «Et alors '» «J'ai choisi de marcher malgré tout. Cependant, au-dessus de moi, le ciel est gris, lourd de menaces, sans aucun couvercle. Et puis, à un croisement de routes, j'aperçois un panneau de signalisation sur lequel brille une inscription en caractères gras «1 an de survie» à côté d'un téléphone de secours branché directement à la présidence». «Mais à quoi ça sert celui-là '», reprend le collaborateur, dubitatif. «Déjà, grâce à lui, j'ai pu semer le premier sac de cailloux !» «Tu es soulagé alors '» Là, le silence d'Ouyahia semble comme absolu, ce qui ne l'aurait pas empêché tout de même de poursuivre son récit. «En vérité, sur le coup, je n'étais ni soulagé ni angoissé, je me suis dit qu'il fallait seulement poursuivre le chemin, quoique rien n'indique que ma cible soit là, tout près. Fort aiguisé, mon instinct m'a guidé à travers les multiples possibilités qui me sont offertes : nord, sud, est, ouest. Mon choix est vite tombé : entrée ouest. Là où se trouve une sentinelle plutôt gentille à mon égard». «Et après '» «J'avais attendu droit comme un «I» que le signal résonnât pour rentrer, mon c?ur palpitait fort. Cette porte-là est en effet étroite et glissante, l'accès n'est pas du tout aisé. Toutefois, dans la naïveté totale, les concurrents se poussent les uns les autres. Au début, on a trouvé, tous, marrant de nous bousculer et faire des combinaisons à l'infini pour rentrer dedans. Or, j'ai regardé au coin de chaque angle, à gauche, à droite, personne : il n'y a que le chef assis dans son fauteuil, maladif et taciturne. En dernière année de vie, il compte les jours, les heures, les minutes mais n'est pas toujours d'accord avec les conseils que lui lancèrent les sentinelles (elles sont environ quatre ou cinq à chacune des entrées). Du coup, beaucoup d'entre nous sont déjà éliminés, y compris moi, je pense. Certes, on trouvait tous ça injuste mais c'est inévitable, il paraît qu'en plus de jouer la comédie, notre sacrifice est nécessaire à l'évolution du moral du chef et au développement de sa personnalité ! Un exercice de routine, quoi !


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