Algérie

Ouyahia, entre temps et horizon


Monsieur Ouyahia, de l'avis général, est en passe de devenir un véritable homme d'Etat. Génération new. Certes, il ne cesse de susciter diatribe et satire, mais il arrive aisément à se déterminer à tous les actes qu'il accomplit. S'il est insidieusement gratifié d'homme impopulaire, c'est parce qu'il s'éloigne dans la prise de décision de cette tentation de vouloir plaire à tout le monde. Il n'a pas à plaire, il est responsable et doit rendre compte, devait-il se dire.

L'homme est donc de retour. Il siégera en tant que chef dans un gouvernement qu'il connaît. Connaissant l'ensemble de sa composition, il présidera le conseil sans difficulté aucune. Il semblait bien savoir attendre les moments propices où la postérité ferait appel à lui pour reprendre du service. Il est connu de tous. Il n'a plus besoin de carte de visite. Les références qu'il arbore continuent à faire de lui un homme craint, craignant et prudent. Il revient à la faveur d'un « remaniement ministériel ». Lequel remaniement était déjà dans l'air depuis fort longtemps. L'opinion publique faisait récemment, des quelques missions accomplies au nom du président de la République, une prénomination aux commandes nationales. La tendance allant vers l'accréditation d'une rumeur publique tient lieu, l'événement le confirme. De source digne de foi, à l'exception que l'effet est resté un peu tardif. Ainsi, ce «remaniement» demeure par principe à percevoir politiquement comme un mouvement de l'appareil gouvernemental. Eu égard que tout mouvement suppose d'une manière physique une mobilité, voire un changement, l'on est en mesure de déchiffrer quelque chose à travers ce remodelage à la chefferie du gouvernement. Le mouvement est et a aussi un effet dynamique. Pour quelle mission a-t-on choisi Monsieur Ouyahia ? Sinon, pourquoi a-t-on opéré ce type de changement ? Limité dans les personnes, très chiche en terme de renouveau structurel, le remaniement en question viserait une fin en soi. En effet, il est clair que le monsieur est rappelé pour donner un coup de boutoir à la machine qui se trouve clairement en panne. Il est là, en fin de mandat présidentiel, pour logiquement faire le décompte de la récolte de tout un programme. Le programme du président de la République. Il a été aussi quelque part, bien avant l'un des artisans, voire des acharnés, défenseur de ce programme. Membre de la coalition gouvernementale, il n'oserait - responsabilité collégiale oblige - dénier les efforts qu'il sera obligé de positiver de l'ensemble gouvernemental. Ses ministres-partisans y siègent.

Sa touche personnelle y est. Cependant, la décision quant à la démarche adoptée pour mener à bien ou à terme les actions inscrites dans ce programme, lui échappait et n'avait pas manqué dans un passé récent de tirer tout amicalement et diplomatiquement, comme il sait savamment le faire contre l'inertie du staff exécutif.

L'histoire et la trame biographique le concernant retiendront qu'il aurait été, en tant que conseiller à la Présidence en 1994, pour beaucoup derrière la victoire remportée par le président Zeroual lors des élections présidentielles de novembre 1995.

Il sera nommé Premier ministre le 31 décembre 1995. Tout en subissant une halte de 20 jours, du 05 au 24 juin 1997, il conservera son poste jusqu'au 15 décembre 1998. Ministre d'Etat, ministre de la Justice (1999/2002) puis... et ainsi de suite. On dit de l'homme, le « Poutine algérien », une autre sournoiserie de mauvais détracteurs, qu'il est là uniquement pour servir l'inavoué, on essaie de continuer à lui coller cette image péjorative de ponctionnaire des salaires (on aurait subi ces retenues sur salaires bien avant lui), des mutineries et des cadres incarcérés. Mais une certaine frange d'observateurs voit en ce personnage un homme acariâtre, au tempérament très persévérant, doué d'une patience imperturbable. En dehors du fait qu'il soit, dit-on, l'élément verbal et visible de la grande muette, il est aguerri aux affres du pouvoir et résiste aux assauts impardonnables que lui assène ce même pouvoir sans broncher ni crier gare. Bon encaisseur, grand orateur, il use de la diplomatie acquise sur les bans de la prestigieuse Ecole nationale, comme userait un imam devant un grabataire repenti. Il l'accroche à son verbe. Il stimule tous ses sens vers une seule issue. L'agrément du prêche. L'acquiescement de l'avis. La nomination de Ouyahia serait liée à un chantier électoral qui se prépare. Avril 2009 est pour demain. Le RND est en phase de dépassement par rapport au FLN qui, à la faveur des dernières joutes électorales, a pris un écart flagrant sur l'espace communal. Ce FLN, qui n'a cessé de héler fort sa détermination à faire élire une troisième fois Bouteflika, semble constituer avec cette détermination au niveau des instances élues locales, charnière axiale, toute opération référendaire ou élective, une force présumée de pouvoir changer les choses.

A la recherche d'un équilibre politique, le pouvoir aurait l'intention de fragiliser ceux qui se sentent forts et d'illusionner d'une certaine force ceux qui sont en réalité faibles. L'inaction des uns devient une dynamique chez les autres.

Si avril 2009 est une certitude, la prétention à l'entame d'un mandat triennal devait passer par un truchement constitutionnel. Référendum ou non, la vérité juridique et la légitimité politique font de ce passage révisionnel une exigence fortement démocratique.

Ouyahia serait-il l'homme idoine pour faire aboutir à échéance et sans fracas tout ce processus de légitimation ? Serait-il un chef de gouvernement chargé de la préparation et de la mise en place de l'assurance quant à un troisième mandat ? De toute façon, l'homme est plus adroit que son prédécesseur à manier aussi bien l'éloquence et les dossiers, que les échéances et les rendez-vous nationaux. Moins impliqué dans les activités de son parti, comme l'est son prédécesseur, eu égard à son cursus scolaire, son manque d'enthousiasme et sa personnalité de dirigeant politico-administratif, il s'est de tout temps défini comme un serviteur de l'Etat. C'est tellement vrai que Ouyahia n'est, semble-t-il, pas né pour diriger un parti, faire des meetings populaires ou vérifier à la loupe des listes électorales. Encore loin de s'immiscer dans les tiroirs du maire du coin. Il est, de l'avis d'anciens cadres énarques comme lui, entre ministres et walis, un bon gestionnaire. Un très haut fonctionnaire destiné à faire de la haute administration, de la bonne gouvernance et de la gestion managériale. Introduira-t-il après ce troisième tour à la chefferie du gouvernement, contrairement aux deux précédents, cette icône angélique qu'ont de lui ses amis, insufflera-t-il un nouveau souffle et une autre manière de gérer ?

On n'a pas à le juger sur plan de la prise en charge économique. Beaucoup d'innovations et de mises à niveau restent à faire. Le plan de relance économique est à l'agonie. En moins d'une année, et s'il est impensable qu'il puisse redresser la barre, il pourra cependant dès à présent jeter de nouveaux ponts devant le relier après l'accomplissement de sa mission postérieure à avril 2009. L'on aura aussi à pouvoir déceler sa griffe pour une éventuelle correction dans les annales de la loi de finances complémentaire ou celle du prochain exercice budgétaire. Dans cette rubrique, le chef du gouvernement dispose dans son entourage immédiat de toutes les compétences de la technicité financière pour entamer à bien son entrée sociale. Sa façon dans le traitement de toute instance publique, de dossiers ouverts ou pendants, de chantiers inachevés, procède par des approches d'étude et de conviction. Ceci a permis à l'homme de pouvoir extraire de sa vision l'attrait populiste. En l'état, l'homme ne s'est jamais prêté à un jeu de rôles. Il n'a point développé publiquement le fondement de ses aspirations pour une quelconque envie d'être président de la République, option qu'on lui attribue précocement, tant que le système s'observe au travers d'un schisme classique quant à l'exercice de l'acte de pouvoir. S'il était chargé d'assurer, par cette nomination, un énième passage au président actuel, il ne pourrait prématurément nourrir, un brin soit-il, d'ambition légitime et méritée à s'asseoir à El-Mouradia. 2014, dites-vous ?






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