Algérie

Ouyahia entre la semoule et «les réformes»



Ahmed Ouyahia ne se rend pas compte que des murs s’effondrent autour de lui et qu’une tempête se forme en haute mer. Face aux journalistes, dimanche 29 mai, il a donné l’impression d’avoir la haute main sur tous les sujets. A l’écouter, l’Algérie est devenue une île au trésor où le peuple n’a qu’à faire un geste pour vivre heureux sans regarder l’horizon. «On fera tout pour que notre peuple ne manque pas de semoule», a-t-il dit confiant. Tant que le pain est chaud et croquant, le peuple restera calme ! Il y a quelque temps déjà, le même Premier ministre avait invité les Algériens à faire la distinction entre «lentilles et haricots secs».
C’est un état d’esprit fort présent dans les sphères de la décision en Algérie. A l’éclatement des émeutes en janvier dernier, les porte-voix du gouvernement ont vite conclu que la colère des jeunes était liée à la hausse des prix de l’huile et du sucre. Des mesures ont été prises pour «renforcer» la nébuleuse informelle. Secteur informel auquel Ouyahia accorde curieusement un pouvoir hors normes et reconnaît, dans la foulée, son incapacité, aujourd’hui définitive, à y mettre fin. Des semaines après la colère de janvier, le président Bouteflika annonçait des réformes politiques prises après des pressions internationales évidentes. Pourquoi le chef de l’Etat veut-il amender la Constitution alors qu’il avait consommé deux mandats et il ne l’a pas fait ' Aucune raison donc de croire au discours d’Ouyahia sur l’Algérie qui aurait décidé en «toute souveraineté» de ces réformes, alors que tout le monde sait que les révoltes arabes, toujours en phase active, ont bousculé règles, lois et principes. Comme il n’y a aucune raison de donner crédit aux propos de Ouyahia lorsqu’il dit que l’Algérie «n’est pas en crise». Si le pays n’était pas en crise pourquoi engager tant de réformes et prendre tant de mesures ' Ouyahia, qui visiblement a oublié de démissionner après l’échec largement constaté à gérer l’économie et rétablir la confiance des citoyens, s’est permis de torpiller le travail de la commission Abdelkader Bensalah qui mène les consultations politiques à la demande de Bouteflika. Au-delà de la crédibilité et au nom de l’action de cette commission, Ouyahia, qui est chef du RND, parti de «la majorité», s’est autorisé des commentaires sur l’attitude de l’opposition.
Il a invité ceux qui ont annoncé le boycott du cérémonial d’El Mouradia à se joindre au mouvement. «De toute façon, le processus continuera son chemin», a-t-il dit avec un ton presque méprisant. Sûr de lui, Ouyahia a déclaré que le général à la retraite Khaled Nezzar n’engage que sa personne dans les propositions qu’il a faites à la commission Bensalah relatives notamment à l’alternance au pouvoir et au respect de «la légitimité constitutionnelle». Nezzar a-t-il confié quelque chose à Ouyahia ' Les décideurs militaires consultent-ils le Premier ministre sur ce qu’ils entreprennent ' «Pourquoi veulent-ils que l’institution militaire soit la garante de la Constitution. Quel paysage politique si les politiques sont incapables de protéger leur démocratie et la Constitution de leur pays et quelle liberté politique qui repose sur les chars '», s’est interrogé avec fausse naïveté Ahmed Ouyahia.
L’Algérie est-elle un pays démocratique ' Les politiques de l’opposition ont-ils les moyens de «protéger» la Constitution ' En seize ans, Ahmed Ouyahia a assisté à deux amendements de la Constitution en tant que chef de gouvernement. Les politiques, dont il parle, n’ont rien pu faire pour empêcher le président Bouteflika de «revoir» partiellement cette même Constitution en vue de rester au pouvoir à travers l’ouverture des mandats.
Enfin, et sans attendre les conclusions de la commission Bensalah, le Premier ministre a déjà annoncé ce que sera la future loi organique sur la représentation féminine. «Le gouvernement soumettra bientôt un projet de loi organique comprenant une représentation féminine de 30% dans les assemblées élues», a-t-il indiqué. Cela ressemble à une torpille ! Si le gouvernement a tout préparé, pourquoi alors faire perdre le temps aux partis et aux personnalités dans des consultations sans lendemain. Au fait, que dira Ouyahia lorsqu’il sera reçu par la commission Bensalah en tant que patron du RND '

 


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