Ouverture du second front le 25 août 1958 Quand l’ALN portait la guerre à Paris

Publié le 20.08.2024 dans le Quotidien l’Expression
Le 20 août 1955 a placé la guerre de Libération nationale au centre des débats. Le 25 août 1958 l’a déplacée en France.

Les deux dates anniversaires que célèbre l'Algérie annuellement que sont l'offensive du Nord-Constantinois et le congrès de la Soummam ne sont évidemment pas étrangères l'une de l'autre. Mais cette coïncidence volontaire renvoie à deux autres dates que la mémoire populaire n'a pas retenues pour des raisons certainement objectives, mais que le moudjahid Mohamed Ghafir, cadre à la Fédération de France du FLN, estime nécessaire de rappeler à l'opinion nationale. «Plusieurs dates repères fondent le roman national. Le 1er Novembre et le 5 Juillet en sont les plus importants», dira-t-il. Il reste cependant que «l'offensive du Nord-Constantinois et le congrès de la Soummam ont également été déterminants dans la marche vers la victoire finale», précisera-t-il, non sans ajouter deux autres évènements qui s'étaient produits un mois d'août, dont l'un a constitué un levier essentiel dans l'accélération du processus de l'indépendance. Le premier est directement lié à l'offensive du Nord-Constantinois et en est même l'inspiration. Il s'agit de l'exil forcé imposé par le colonisateur français au roi du Maroc Mohammed V, un certain 20 août 1953. Pour Mohamed Ghafir, alias Moh Clichy, le choix de la date renvoyait à l'humiliation subie par le roi que la révolution algérienne se devait de réparer. Le second évènement, également lié à la journée du 20 août, n'est autre que l'ouverture du second front de la guerre de Libération nationale. Il était question de porter les hostilités armées sur le territoire du colonisateur. Dans son livre Droit d'évocation et de souvenance, Mohamed Ghafir évoque cette page peu connue de l'histoire de la guerre d'indépendance. Soulignant qu'à l'origine, l'offensive était probablement programmée pour le 20 août 1958, le petit décalage de quelques jours, l'a peut-être sortie quelque peu des dates symboles de la révolution, mais cela n'enlève rien à la bravoure des moudjahidine de la Fédération du FLN de France. Aujourd'hui, parce qu'elle n'est pas célébrée, officiellement, la date du 25 août 1958 est presque tombée dans l'oubli. Mais Moh Clichy a, dans son ouvrage, détaillé les circonstances qui ont mené à l'ouverture du «Second front». Il écrit que tout a commencé plus d'une année avant le jour J. «Courant du mois de juin 1957, Ferhat Abbas, membre du Comité de coordination et d'exécution (CCE), déclare au Caire: ‘‘Si le général de Gaulle poursuit la politique de ses prédécesseurs sur le problème algérien, le FLN portera la lutte sur le sol français''.» Les militants étaient prêts et attendaient le feu vert de la direction de la révolution. «Le frère Omar Boudaoud, coordinateur du comité fédéral, rappelle à ses compagnons qu'il est arrivé en France, venant du Maroc, investi d'une mission bien précise qui inclut parmi les directives données par Abane Ramdane, au nom du CCE, celle d'ouvrir en France, au moment opportun, un second front», écrit Mohamed Ghafir dans ses Mémoires. Le 25 août à zéro heure, d'importantes opérations militaires sont venues rappeler à la France qu'elle était bel et bien en guerre. Une véritable offensive sur un front grand comme la France. Moh Clichy comptabilise dans son livre pas moins de 242 attaques qui ont ciblé 181 objectifs économiques, 56 actions de sabotage. Tout cela entre le 25 août et le 30 septembre 1958. Il serait plus juste d'évoquer ce haut fait d'armes en même temps que celui mené par Zighoud Youcef et ses hommes, ainsi que le congrès décisif piloté par Larbi Ben M'hidi et Abane Ramdane.

Saïd BOUCETTA