Algérie

Ouverture du 6e Festival du film engagé



Ouverture du 6e Festival du film engagé
La 6e édition du Festival d'Alger du film engagé s'est ouverte samedi soir à la salle El-Mouggar avec la projection du docufiction palestinien Les 18 fugitives. Cette œuvre burlesque et non moins percutante revient sur un épisode à peine croyable de la première Intifada de 1987.Réalisé par l'artiste palestinien Amer Shomali et le réalisateur canadien Paul Cowan, le film raconte l'épopée héroà'que de la ville de Beit Sahour en Cisjordanie qui, dès le début de l'Intifada, a choisi la désobéissance civile et l'autosuffisance alimentaire comme mode de résistance. Ville multiconfessionnelle où musulmans et chrétiens partagent le rêve d'un Etat palestinien indépendant, elle vivra durant quatre ans au rythme d'une lutte atypique contre l'Occupation, menée non pas avec des pierres ou des cocktails Molotov mais avec des vaches !Achetées chez un Israélien pacifiste, ces dix-huit femelles bovines vont devenir l'objet d'une traque dont on peinerait à croire à la véracité si ce n'est les témoignages des habitants mais aussi des responsables de l'Etat hébreu de l'époque. Voici le pitch : la campagne de boycott des produits israéliens vient de voir le jour en Cisjordanie. Décidés à amorcer le processus de l'autosuffisance, un groupe d'individus trouve le moyen de déjouer le monopole sur le lait exercé par l'Occupant : l'achat d'un troupeau de vaches dont Rivka, la pacifiste, Ruth la meneuse, Lola la plus sexy et Goldy la «fouteuse de merde» ! Bien sûr, c'est ici qu'intervient l'imagination débordante de Amer Shomali qui hisse ces bêtes au rang de personnages centraux à travers la technique de l'animation en trois dimensions.Ces quatre vaches discutent, s'émeuvent, commentent les événements et deviennent véritablement le centre névralgique de cette folle histoire et ce n'est pas tout à fait fantaisiste que de leur avoir donné une telle consistance. Les rapports qu'entretiennent les habitants de Beit Sahour avec Rivka et les autres vont très vite se muer en sentiment quasi-filial tant elles recouvriront à leurs yeux une valeur à la fois militante et affective. Parallèlement à cette mini-filière clandestine du lait, l'agriculture et les travaux d'intérêt général fleurissent en dehors des circuits officiels grâce à un système remarquable d'entraide et d'autogestion. Mais, comme dans une fiction, les ennuis arrivent bientôt : l'administration israélienne et le commandement militaire de la région prennent conscience du danger que représente cette indépendance économique et vont tout faire pour tuer dans l'œuf ce petit germe d'autonomie.Les 18 vaches laitières deviennent alors l'ennemi public numéro 1 et l'armée la plus puissante du Moyen-Orient n'hésitera pas à se couvrir de ridicule en les qualifiant de «menace contre la sécurité de l'Etat d'Israël» et en les recherchant sans répit avec photos à la main et hélicoptère au ciel ! Fugitives, Goldy et ses amies changent régulièrement de «planque» mais la répression coloniale est de plus en plus féroce : arrestations, saisie des biens et harcèlements en tous genres commencent à décourager les habitants qui finissent par perdre définitivement espoir avec la signature des accords d'Oslo entre Yasser Arafat et Isaac Rabin, un compromis que d'aucuns considèrent comme une trahison.L'intifada s'essouffle et la résistance par le boycott semble perdre son sens : les vaches finiront à l'abattoir. Comme beaucoup de films palestiniens de ces dernières années, Les 18 fugitives peut se targuer d'un traitement intelligent et subtil du combat héroà'que de toute une nation. Loin de tout pathos ou manichéisme, ce docufiction mêlant habilement forme classique, bande dessinée et haute technicité ne se contente pas de célébrer une noble cause ; il se donne aussi les moyens de la sublimer à travers un dispositif artistique ultra-efficace qui interpelle et émeut le spectateur sans jamais lui imposer un point de vue, encore moins l'enfermer dans la sémantique desséchée des discours directs et des slogans.




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