Algérie

Ouverture de la Biennale du design algéro-française à Alger Une belle affluence du public!



Publié le 15.05.2024 dans le Quotidien l’Expression
Placée sous le thème «Pour un monde réel», la deuxième édition de cet événement s'est ouverte le 08 mai dernier, à Dar Abdeltif, dans une ambiance de liesse et se tiendra dans cinq villes et ce, jusqu' au 09 juin 2024.

A Alger, la grande exposition s'est ouverte jeudi dernier, à Dar Abdeltif et a eu un succès fantastique tel que plus de 500 visiteurs ont été enregistrés pour les deux premiers jours d'inauguration et ce, dans une ambiance des plus chaleureuses. Dans son allocution d'ouverture, la Directrice générale de l'Institut français d'Algérie, Mme Ahlam Gharbi, rappellera que le fil rouge de cette biennale est «le réel et l'éco-responsabilité.», c'est-à-dire, «comment peut-on faire, aujourd'hui, du design, tout en préservant la nature?
En écoutant aussi le vivant?». Vous allez découvrir, aujourd'hui, qu'on peut le faire et avec des concepteurs cent pour cent dz. C'est un bonheur de découvrir ces concepteurs algériens. L'institut français a fait un appel à candidature, il y a des jeunes créateurs qui exposent, je ne peux que souhaiter à tous de fructueux échanges durant tout ce mois».

Pour sa part, la commissaire de la biennale, Feryel Gasmi, qui rappellera que cette biennale est née en 2019, fera remarquer à nouveau que «l'idée de cette biennale était ancrée sur l'éco-responsabilité, sur la durabilité et comment un designer ou un concepteur pouvait agir de manière concrète sur le futur, ce qu'on appelle dans notre métier, les actions systémiques, c'est-à-dire de la conception à la consommation». Aussi, le visiteur est d'emblée invité à vivre des expériences inoubliables grâce à des concepteurs qui n'ont pas lésiné sur les moyens technique et surtout intellectuels pour faire passer le message, certains de façon concrète et d'autres plutôt philosophique comme c'est le cas de Yamo le sculpteur de lumière, qui, dans cette grotte, complètement rénovée et métamorphosée, est transformé en sanctuaire de l'espoir.

Des lumières inattendues surgissent, en effet, grâce au placement de miroirs, de part et d'autre de cet espace qui invite à la réflexion et au renouveau de l'âme, qui se trouve ébloui par ce travail tellement fascinant qui souligne encore une fois l'extraordinaire talent de cet artiste qui n'est plus à présenter.
De son côté Mouna Boumaza des ateliers Kutch, nous invite, pour sa part, à découvrir des totems luminaires, faits de matière première qu'est la terre pour souligner le thème du design durable. C'est esthétiquement beau, décoratif et ultra fonctionnel et puis éco-responsable.

Pour sa part, Amira Louadah nous plonge de plein-pied dans son projet baptisé «Machari3 7ouma». Ce dernier consiste à dire qu' «avec une économie de moyens on peut faire un maximum de choses et transformer les contraintes en opportunités d'action». Et d'estimer: «C'est une performance réalisée, vue par le regard du designer parce que l'objectif c'était que les gens s'arrêtent et qu'on se mette à discuter du quartier.. Je les invitais après à venir aux ateliers. Ça a permis de mobiliser les gens. Parler du quartier de Ouled Fayet, là où j'avais implanté au départ cette installation car l'idée consistait à importuner les passants avec ces obstacles, qu'ils devaient franchir tout en les amenant à réfléchir sur leur rapport à leur environnement.»

Des rideaux à écarter, des pots à enjamber et des tapis par lesquels il faut sauter, autant d'objets qui paraissent ludiques mais qui, pour la designer servent à questionner notre rapport avec notre espace urbain. Rappelons que «Machari3 7ouma», est un projet qui s'inscrit dans le cadre du mémoire de fin d'études de Amira, qui prépare actuellement un diplôme en design industriel à L'École Nationale Supérieure de Création Industrielle, «Ensci - Les ateliers» à Paris. «C'est un projet de recherche en cours. C'est une première version, l'idée est de la développer par la suite et d'avoir des retours des gens» soutient l'artiste.

Du mobilier à la mode ou la mémoire de la durabilité

Pour Menouba qui nous donne à voir tout un tapis de tissus, rehaussé d'un mannequin vêtu d'une très belle robe, «Le challenge était qu'à partir de chutes de tissus, destinées à être jetées, de créer une belle oeuvre spectaculaire qu'on a envie de porter». Et de poursuivre: «Ce sont 17 ans de tissus, de perles, de broderies, de choses qui traînaient dans les tiroirs. Je n'aime pas jeter parce que j'ai une valeur sentimentale pour chaque tissu, même la veste est rapiécée avec plusieurs velours de différentes teintes. Je suis restée dans le thème du karakou que j'affectionne particulièrement.

Pour la jupe, je voulais quelque chose de majestueux et de féerique. Chaque étoffe te donne la possibilité de créer un mouvement, on a trié par taille, par couleurs, on les a repassées...ce tas de tissu est une montagne de chutes de tissus emmagasinés, c'est pour cela que cela s'appelle ‘'La robe mémoire de mon atelier''.».

Pour Fouad Yahiaoui, auteur de «Smarsit», sa chaise pliable se veut d'abord un objet de design intelligent. «conçu dans le cadre d'une technologue toujours en développement, le siège possède des capteurs sur ses pieds, il s'agit en fait d'un conducteur d'électricité qui va jusqu'au bout des repose- mains qui sont inclinables et sur lesquels tu peux mettre la tablette écritoire, qui, une fois posée, elle se transforme en surcharge sans fil, tu poses ton téléphone ou ton pc et tu recharges». Le design à la biennale se veut aussi un prétexte pour le jeu grâce à l'architecte et designer Narimane Boucena et Mohamed Saddek Mekahlia, doctorant et critique de cinéma. En effet, tous deux, ils ont conçus un jeu novateur qui combine l'apprentissage ludique de l'architecture et du patrimoine, en se basant sur l'histoire et la mythologie. Un jeu qui vous permettra de vous instruire tout en passant du bon temps grâce à des cartes qui comprendront plusieurs indices. «La finalité est de monter la trois D de l'édifice, pour le moment on a choisi Dar Abdeltif pour être avec la biennale, mais on aimerait bien aller au-delà..», nous fera remarquer Narimane. Pour sa part, Djaâfar Zizi a choisi de concevoir une banquette en partant d'un petit motif de tapis berbère qui devient la forme générale de la banquette. Pour le rembourrage il a choisi des chutes de vêtements, environ 18 kilos de chute tissus recyclés. Nouria Benkritly nous invite, pour sa part à une expérience immersive et culturelle dont l'élément central est le son, accompagné d'un élément visuel. «Ce que vous voyez là, est ma consommation de déchets ces derniers jours. Ce qui m'intéressait était de connaitre les différentes prises de conscience au niveau de la société, et ce, via un micro trottoir qui a été fait sur différentes parties d'Alger pour voir, aujourd'hui, où en est-on exactement par rapport à la question d'écologie. Parler de design durable avec les gens, dans la rue, n'est pas encore à l'ordre du jour, parlons déjà de mettre une bouteille en plastique dans une poubelle. Commençons déjà par ne pas jeter du papier par terre ou par la fenêtre d'une voiture...» En effet, la jeune participante nous propose visuellement un grand filet, dans lequel sont amassés de nombreux déchets, à côté duquel, des écouteurs audios sont accrochés, afin de sonder les avis des gens de la rue sur cette question et savoir ainsi comment se comportent-ils avec cette idée dans la rue.

Des propositions innovatrices et artistiques

L'artiste visuelle, Rima Djahnine, qui prend part à cette biennale, nous parle de son travail collectif: «On est parti à la recherche de plusieurs jeunes qui ont entre 20 et 27 ans, des artistes, parmi eux des tagueurs, une illustratrice, un photographe de rue, un rappeur, des jeunes artistes qui ont un lien avec la rue. On les a suivi, filmé, enregistré, discuté beaucoup avec eux, pris des photos de leur parcours dans les rues d'Alger. On a questionné leur rapport à la rue.
À partir de tout ça, on a recréé une fresque murale qui raconte leur univers et leur parcours, tout en y rajoutant du sonore. On s'est inspiré aussi des jeunes qui s'assoient dans la rue pour jouer au domino.
Ainsi, on a créé des objets insolites qu'on a customisé comme ces cartons d'oeufs qu'on a récupéré dans les marchés pour en faire des assises.... Cela fait trois mois qu'on travaille. Ca été une expérience extraordinaire, de recherche et d'enquête». Notons que Rima Djahnine a exploité la piscine vide de Dar Abdeltif qui est devenue un lieu d'expression artistique par excellence. Dans un autre compartiment de Dar Abdeltif se trouve la création vertigineuse du créateur de mode Amor Guellil. Baptisé «;Je ne descends pas de mon nuage et c'est mon désir!», l'artiste qui a su penser sa scénographie, donne à voir plein de morceaux de coton, disposés, ça et la pour illustrer l'idée du nuage, de la douceur et du rêve. «Aujourd'hui, on célèbre la première parure de drap, signée Amor Guellil.
Je célèbre aussi le caftan à ma manière, ce vêtement qui m'a toujours inspiré, que j'ai toujours trouvé très beau. Aujourd'hui, il est devenu un vêtement très désiré, politisé même. C'est un clin d'oeil à ce combat de l'Algérie que j'aime, et c'est ma mission aussi. J'invite tout le monde à embarquer dans ce nuage, on célèbre une naissance! J'ai toujours été dans une optique rock' and''roll. La femme Amor Guellil a toujours été une femme guerrière, métallique, robuste, elle n'a jamais montré sa douceur, je me suis dit pourquoi pas! Pour une fois on partage ces moments intimes. C'est l'enfant en moi que j'ai toujours refoulé qui est aujourd'hui célébré sur ce nuage, sur cette douceur. Mon installation est un peu un rêve que j'ai imagé. (...)Le concept de la chemise caftan vient de la chemise d'homme, portée à la fois par l'homme que par la femme. Sa base vient de la chemise blanche.
Aujourd'hui, elle revêt une allure de chemise caftan, avec cette longueur et puis cette légèreté qui rappelle l'arrivée de l'été, les couleurs et les imprimés qu'on a choisis. C'est devenu une des pièces emblématiques de la marque».
Le designer Reda Ighil quant à lui, nous dévoile une belle proposition qui se veut une ôde à la farniente et à la paresse. Il s'agit d'un long «lounge chair» sur lequel sont greffés deux éléments amovibles, à savoir des poufs encastrables. À cela, s'ajoute une paire de pantoufles customisées à partir de chutes de tissus de l'objet, le tout de couleur vert qui rappelle le gazon, la nature et le bien- être. Une tapisserie en textile tissu Chanel vert. Un objet qui inspire au calme et au repos. Bref! On ne peut parler de tout ce beau monde, tant ils sont nombreux.
L'idée de Feryel Gasmi était de faire cohabiter les artistes, les concepteurs avec les artisans, et ce, dans un esprit d'échange et de partage et c'est pari gagné!
Aussi, Dar Abdeltif n'aura jamais été aussi animée, attirant une foule de gens, entre spécialistes et curieux, avides de savoir et de découvertes afin de connaître le b.a.-ba du design, du plus élémentaire au plus académique et c'est cela la particularité de cette exposition qui a permis d'ancrer le design dans le réel et autour de sa véritable fonction et vocation, et ce, de façon tangible et pragmatique.
À voir donc absolument!

O. HIND



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