Algérie

« Ouverture d'un chantier pour maîtriser la corruption » Bachir Mesaitfa, secrétaire d'état auprès du Premier ministre chargé de la Prospective et des Statistiques



« Ouverture d'un chantier pour maîtriser la corruption » Bachir Mesaitfa, secrétaire d'état auprès du Premier ministre chargé de la Prospective et des Statistiques
Quelle est la mission principale de ce nouveau département que vous présidez et quelles sont vos attributions majeures '
Je résume mes missions en cinq points, à savoir proposer des politiques de cohérence sociale au gouvernement et de croissance, présenter aussi des solutions en termes de planifications territoriales, des méthodologies de prévisions et de prospective, et évaluer les politiques du gouvernement. De chaque ligne directrice découlent des actions. Il est de mon devoir de les mettre en application pendant 2013 et 2014. Durant ces deux ans, période restant du programme quinquennal, je dois exécuter mes prérogatives. L'opération statistique occupe une place de choix dans ma feuille de route ce qui se traduira dans le cadre du système national d'information et des statistiques (SNIS). C'est un projet prometteur pour le pays à l'horizon 2030. Pour répondre à la demande interne et cerner les enjeux de l'avenir, on doit détenir le « chiffre ». Celui-ci se doit d'être « fiable » et « disponible ». Ce qui explique l'intérêt porté par le gouvernement à ce domaine, aux plans contenu, méthodologie de calcul et diffusion de l'information statistique « à temps ». On a entamé également une autre opération d'envergure nationale et qui doit être applicable au bout de ces deux ans, sur le système de la veille stratégique, devant exploiter le chiffre à long terme. Ce projet permettra de prévoir des données à travers des signaux exploitables dans divers domaines. Je cite l'exemple du baril de pétrole, dont le prix peut être calculé par le biais de ce nouveau système. Ce qui peut être généralisé à diverses questions, comme l'évolution démographique, la demande interne, l'alimentation, l'éducation, la santé, le chômage, le marché du travail. Cela procurera au gouvernement une certaine assurance pour ce qui a trait aux planifications de l'avenir sur une durée de quinze à vingt ans.
On remarque un manque d'intérêt aux données chiffrées. Celles qui sont communiquées par divers organismes nationaux font souvent l'objet de critiques. A qui incombe la responsabilité et que faire pour réhabiliter ce secteur '
Je pense qu'on ne doit plus s'attarder sur les défaillances du passé. L'heure est à l'action et non pas au constat. On doit réfléchir aux moyens qui nous permettront d'avancer vers un système national des statistiques économiques et sociales. On doit cerner au mieux les outils, les méthodes et les délais pour concrétiser ce projet stratégique. Peu importe qui a été responsable de cet état de fait. J'ai pour mission principale de lancer ce nouveau système pouvant livrer l'information statistique à tout moment. J'ai mis en place des directions spécialisées dans la normalisation des chiffres, en conformité avec les normes internationales. A ce titre, l'information algérienne pourra être dorénavant commercialisée à l'étranger avec une vigueur similaire. Je peux justifier ce doute entourant les chiffres par l'absence d'un système national de statistiques. Ce « vide » engendre « des statistiques éparpillées ». A cela s'ajoute le fait d'avoir plusieurs intervenants dans le marché des statistiques. Ce qui explique l'existence de données différentes sur un même sujet. Chaque secteur a sa méthode de calcul. Donc, en tenant compte de ces paramètres, on comprend que le problème réside dans la différence des chiffres et non dans leur exactitude. Il faut donc unifier les sources en un seul système national pour éviter toute interférence entre les missions.
Le ministre du Tourisme a affirmé récemment que la Comptabilité nationale n'apprécie pas son secteur à sa juste valeur. Qu'avez-vous à dire à ce propos '
Je préfère me contenter de dire qu'on est là pour construire et non pas pour évaluer les anciennes expériences. Je pense que l'ONS a tenté de jouer le rôle qui lui a été assigné et l'existence de différentes sources de statistiques a quelque peu entravé sa démarche. L'ONS n'avait pas les moyens territoriaux qui pouvaient lui épargner « des erreurs ». Je tiens à préciser qu'à l'avenir, nous allons avoir des directions de statistiques et de prospective au niveau de toutes les wilayas afin d'avoir des données globales. Grâce aux efforts de l'Etat, nous entamons une nouvelle stratégie pour sortir justement de ce cercle vicieux concernant la crédibilité des chiffres.
Quelles sont les nouvelles études que vous comptez entreprendre prochainement '
En plus des cinq études élaborées en 2012 déjà achevées ayant porté sur l'économie basée sur la connaissance, la santé, l'éducation, le foncier et le modèle de croissance, j'entame d'autres études en 2013 sur le SNIS, le système de veille qui permettra la mise en place dans chaque ministère d'une cellule de veille, une étude du genre, la pauvreté, le modèle de croissance 2015-2030, les équilibres macro-économiques, l'évaluation des politiques publiques, le secteur monétaire, la gouvernance économique, la diversification des ressources pour s'éloigner graduellement de la dépendance aux hydrocarbures, les équilibres régionaux, la protection sociale, la jeunesse et la femme, la gouvernance économique. A cela s'ajoutent la mise en place d'une banque de données accessible à tout le monde et une étude théorique sur la modélisation qui devra faciliter les prévisions futuristes. Ce qui n'existe toujours pas dans le contexte actuel. Il faudra mettre en place un modèle spécifique à l'Algérie. Je cite l'exemple du phénomène de l'inflation aujourd'hui difficile à cerner. Cependant, pour leur publication, je dois avoir l'aval des autorités concernées. Le gouvernement pourra ainsi les exploiter en traduisant ces études par des décrets ou par des programmes sectoriels. Nos rapports seront annuels et ils contiendront des diagnostics et des recommandations. Je précise que mon ministère n'est pas un département d'exécution mais de réflexion et de proposition.
Par le passé, vous avez plaidé pour la mise en place d'un ministère de l'Economie. Est-ce que vous maintenez cette revendication maintenant que vous faites partie de l'équipe gouvernementale '
On a besoin d'une institution qui accompagne l'Etat dans sa vision lointaine. Ce que peut assumer ce genre de ministère. Certes, on peut faire des études sur beaucoup de questions mais la décision économique ne nous appartient pas. Elle est dispersée entre différents secteurs. Ce qui a causé un certain chevauchement dans la pratique. Il faut donc centraliser la décision économique dans le cadre d'un ministère de l'Economie. Les autorités sont conscientes de l'importance de l'économie en ce XXIe siècle et des enjeux de l'avenir. Assurément, le gouvernement prendra des décisions pertinentes en ce qui concerne la direction de l'économie.
En 2002, vous aviez proposé la mise en place d'une charte de lutte contre la corruption. Actuellement, est-ce que cette charte pourrait réduire ce phénomène qui commence à prendre des proportions alarmantes '
Pour lutter efficacement contre la corruption, il ne suffit pas de légiférer une loi. Il faudrait arriver à un consensus national autour d'une charte d'éthique qui impliquera tout le monde. Elle aura une portée similaire à celle d'une constitution. Dans ce cas, il n'y aura pas de détournement de l'argent public. L'engagement moral va soutenir l'outil judiciaire. On va ouvrir un chantier dans le cadre d'une étude sur la gouvernance économique pour maîtriser au mieux la corruption avec un outil plus efficace. La justice est seule apte à mesurer l'ampleur de ce dossier. Toutefois, je tiens à certifier que l'Algérie est en train d'avancer avec une vision plus « saine » vers la stabilisation de la gestion des deniers publics. Tout le monde parle de la corruption mais personne ne parle des solutions applicables et non pas théoriques. Il ne suffit pas de détecter le mal, il faut le guérir aussi. La presse doit nous aider à changer cette vision pessimiste chez le peuple. Dans l'affaire Sonatrach, c'est à la justice de trancher. Avec une bonne gouvernance, on peut atteindre nos objectifs à l'horizon 2050. Il faudrait seulement impliquer tout le monde dans une vision stratégique afin de sortir définitivement du gouffre.
Où en est-on en termes de prospective '
En Algérie, ce domaine commence à peine à prendre pied. Notre secteur est le seul à mettre en application la prospective. Toutes nos études sont de la prospective. Nous sommes certes en retard dans ce domaine, car nous sommes à nos premiers pas. En 2013, on compte lancer l'institut algérien de développement ADI dont la mission ressemble à celle de Think Thank qui est un laboratoire d'idées. Ce centre de recherche et de prospective devra alimenter la sphère économique en Algérie. On va vers un modèle macro-économétrique. Nos attributions datent d'à peine un mois, alors il faudrait attendre un peu pour tirer des conclusions. Dans le cadre de la coopération avec des partenaires étrangers, on s'est approché de la Corée du Sud, l'Unicef, l'Union europénne. On compte élargir cette coopération, à la demande du président de la République, au Brésil, à la Chine, à la Turquie pour établir un système multipôle. Nous sommes obligés de tirer profit des autres expériences. Le monde avance à une vitesse extraordinaire.
Faut-il amender la loi sur les statistiques '
Je donne aujourd'hui l'avis du gouvernement et non le mien. L'amendement de cette loi relève des prérogatives du conseil national des statistiques. Je précise qu'il n'a pas été bloqué mais son mandat a pris fin et il va falloir renouveler ses instances. Je voudrais lancer un message d'espoir. Je tiens à dire que l'Algérie est très à l'aise dans l'aspect politique sécuritaire et économique. Ce sont là les ingrédients du développement durable. Il nous manque une bonne gouvernance et l'implication de tout un chacun dans le processus de développement. Il faudrait produire pour ce pays et non pas se contenter de consommer les budgets. Nos plans doivent construire l'avenir, car l'avenir crée le présent et non le contraire. Nos politiques doivent tenir compte du futur.Pour y voir clair, il nous faut des systèmes statistiques de veille exactement comme la météo. L'Algérie a encore de beaux jours devant elle, et il suffirait seulement de passer à la vitesse supérieure pour détecter nos faiblesses et nos points forts. Nous avons pris contact avec le ministère du Commerce pour mettre en place un système de veille et on attend l'aval des autres secteurs pour poursuivre ce projet.


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