Algérie

Ouverture ce soir de Dimajazz à Constantine: Qui se souvient d’Aziz Djemame?



Ouverture ce soir de Dimajazz à Constantine:  Qui se souvient d’Aziz Djemame?




De là où il est, le fondateur du festival Dimajazz qui s’ouvre ce soir à Constantine doit se réjouir que sa ville d’adoption ait été choisie officiellement par l’Unesco comme une “ville de jazz”. Ce qui équivaut à une reconnaissance posthume de ses efforts qui n’auront pas été vains.

Décédé à l´âge de 33 ans, le regretté batteur du groupe Sinouj doit également se féliciter que l’agence onusienne ait décrétée, depuis l’année dernière, le 30 avril comme la “Journée internationale du jazz”.

Heureux hasard du calendrier, cette journée consacrée à cet “art majeur” coïncide singulièrement avec la tenue de cette manifestation pour laquelle feu Aziz Djemame s’était dépensé sans compter.

Tout a commencé en Tunisie à quelques kilomètres de la frontière algérienne précisément à Tabarka où se tenait en juillet 2001, le célèbre Festival de jazz au slogan ludique “Ne bronzez pas idiot”. Proximité oblige, les organisateurs ont vite compris l’intérêt d’ouvrir la scène de Tabarka aux musiciens algériens qui, faut-il le noter, avaient beaucoup de mal à se produire en Algérie. Une invitation sera, ainsi, lancée au groupe annabi Forsane Djanoub dirigé par le guitariste Mounir Cheriak et le groupe constantinois Sinouj drivé alors par son talentueux batteur, le défunt Aziz Djemame.

Il faut aussi rappeler que cette année-là, de nombreux musiciens algériens avaient investi la petite ville côtière tunisienne. On peut citer le batteur Karim Ziad, le claviériste Mekki Younès ou encore le bassiste Amar Zahi, tous deux originaires de Skikda.

Les organisateurs tunisiens feront en sorte que nos musiciens se produisent le 5 juillet, Fête de l’indépendance algérienne au port nautique de Tabarka où mouillaient, se souvient-on, ce jour là, un superbe yacht espagnol et un catamaran battant pavillon américain.

Saisissant cette chance unique, nos musiciens profiteront de leur séjour à Tabarka pour côtoyer de grands artistes et participer aux différents “masterclasses”.

Il faut dire qu’Aziz avait été fortement impressionné par le professionnalisme des Tunisiens, à leur tête Mourad Mathari qui, pour l’histoire aura réussi à produire (grâce à Tarek Ben Ammar), un autre grand disparu de la musique noire américaine en l’occurrence Michael Jackson et ce pour son seul et unique concert en Afrique du Nord.

Dès lors, une idée avait commencé à germer dans la tête du bouillonnant musicien algérien qui venait de comprendre qu’en matière de programmation, tout est une histoire de réseaux, de timing…L’Algérie se devait de tirer profit, selon lui, des grands échanges mondiaux.

De retour en Algérie, Aziz, opiniâtre, ne cessera de marteler sur tous les “toms”, la nécessité de monter dans notre pays, et malgré la bureaucratie ambiante, une manifestation d’envergure. Une véritable gageure s’il en est.

C’est pourquoi, les débuts de “Dimajazz” seront, disons-le, plutôt laborieux. Aziz s’était déjà essayé en mai 2001 de lancer le “Limma festival” du nom d’une association culturelle qu’il venait juste de créer. Et c’est semble-t-il, la réussite de cet évènement qui a vu la participation notamment du groupe Litham, Sinoudj et Gnawa Diffusion qui va définitivement le convaincre sur l’opportunité de passer à une étape supérieure.

En mars 2003, il lance enfin “Majazz” qui deviendra l’année suivante Dimajazz.

Aziz qui avait dû renoncer à ses études de médecine en 5e année pour vivre pleinement sa passion a toujours su que le jazz est une musique populaire et non pas l’apanage d’un club fermé. Il savait aussi que le jazz avait inventé la batterie et qui lui fallait trouver, à ce titre, l’heureux “contrepoint”. Sa révolution sur le rocher a tout de même fini par sortir quelque peu l’antique Cirta de sa profonde léthargie et des airs par trop codifiés de son traditionnel malouf. Dès lors, de grandes perspectives s’ouvriront devant lui.

Mais hélas, le destin en décidera autrement. Il décède le 22 juillet 2005 à l’hôpital Ben Badis de Constantine à la suite d’une pneumopathie. Son inhumation à Jijel (autre ville réputée conservatrice) d’où il était originaire a drainé une foule immense de mélomanes reconnaissants.

Malgré ses incommensurables efforts, Aziz ne vivra pas assez longtemps pour voir ses efforts récompensés par l’institutionnalisation de son “bébé” en 2007 par le ministère de la Culture. Tombé dans le giron du département de Khalida Toumi, les moyens ont alors afflué et Dimajazz a pris véritablement son envol.

Aziz Djemame qui voulait mettre l'Algérie au diapason mondial a, pour sa part, définitivement réussi.

Mohamed-Cherif Lachichi



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