OULED H'BABA À SKIKDA L'enclavement frontalier avec Guelma et Constantine

85 km de chemins communaux dégradés, une polyclinique qui ferme à 16 heures, un transport scolaire qui attend le renforcement par deux autres bus, 6 écoles fermées dont quelques-unes occupées par des familles, plus de 1 000 familles nécessiteuses recensées, représentant plus du 10/% de la population globale…
Telles sont, entre autres, les lacunes relevées lors de notre déplacement à Ouled H'baba, commune relevant d'El Harrouche, à une soixantaine de kilomètres du cheflieu de la wilaya. En 2012, on vit encore dans des demeures construites à base de terre consolidée par le roseau et dont la toiture est faite d'osier ! Le seul fait d'y entrer, on se sent déjà désœuvré. Que dire alors du fait d'y habiter toute l'année ! Cette image pourrait, à elle seule, illustrer la précarité caractérisant cette commune, l'une des plus touchées par le terrorisme. Elle a été à juste titre choisie parmi 5 communes de Skikda (Essebt, Laghdir, Kenouaa et Khenak Mayoune) et un total de 129 à l'échelle national, pour bénéficier de l'aide accordée par l'ADS (Agence de développent social). C'est Aïn Dalia, la zone la moins peuplée, qui s'est vu injecter 4 millions de dinars pour l'amélioration du cadre de vie. Classée troisième en termes de superficie (19 907 ha) à l'échelle de wilaya, après Ben Azzouz et Essebt, Ouled H'baba est frontalière avec deux wilayas, Constantine au sudouest et Guelma au sud-est, facteur qui peut contribuer aisément à l'établissement d'échanges commerciaux entre wilayas. La RN33 reliant Skikda à partir de Bordj Sabat, commune d'Ouled H'baba, à la wilaya de Aïn Beïda, via Guelma, est un tronçon d'une grande importance. Il permettra, entre autres, de désengorger un peu la circulation sur la route Constantine- Skikda. Elle dispose d'une surface agricole utile (SAU) de l'ordre de 8 581 hectares, dont 1 326 hectares de terres inexploités. L'élevage du bétail demeure l'activité la plus prisée, deux familles sont devenues les fournisseurs de premier ordre de quelques institutions étatiques au niveau de la wilaya. Les racines ovines, bovines et surtout caprines ont même retenu l'intérêt des étudiants pour le mémoire de fin de cycle. Le patrimoine forestier est estimé, quant à lui, à 10 000 ha, essentiellement composé de chênes-zen et de lièges, représentant plus de 50% de la superficie globale. Le tourisme de montagne a de beaux jours devant lui, pour peu qu'une volonté politique sache mettre à profit ses atouts en la matière (les monts de Bouaarbid et de Bousnib : une chaîne qui s'étend de Djebel El Ouahche, Constantine, à El Houara de Guelma) Quant aux adeptes de la chasse, la perdrix est un oiseau à la chair très bonne. L'abondance des potentialités multiples n'a pas épargné à Ouled H'baba le désenclavement et la paupérisation, accentuées par la vaste superficie et l'emplacement disparate des populations. Le déficit de l'APC, disposant d'un budget de 37 millions de dinars (un peu plus de 1% du budget de l'APC de Skikda), est aussi un facteur handicapant pour les opérations d'intervention, d'amélioration du cadre de vie et même de ramassage des ordures (la commune est devenue relativement salubre, et dire qu'elle a raflé le premier prix en matière d'hygiène à l'échelle de wilaya et le 7e national, dans les années 1980). En parcourant quelques agglomérations, on est frappé par l'amoncellement des immondices sur les verts pâturages. Le rural est un programme qui marche bien, dit-on. De 2005 à nos jours, 901 logements ont été accordés, dont 231 ont été réalisés. Le programme 2012 est au niveau de la Caisse nationale du logement (CNL) pour étude de dossiers. Plus de 1 000 demandes sont toujours en attente de satisfaction. Parallèlement, l'éradication de l'habitat précaire demeure une des priorités de l'APC, l'opération connaît un taux d'avancement de l'ordre de 65%. L'une des entraves à la concrétisation demeure l'état des routes pour l'acheminement des matériaux de construction. Sur 25 km, distance séparant le centre-ville à la zone d'El Karmet (où était implanté jadis le marché hebdomadaire du mardi), en passant par El Afia et Aïn Salamat, le déplacement a duré près d'une heure sur une piste dégradée et serpentée. Les vieilles Mazda et les Renault 4 sont les rares marques, avec le tracteur, pouvant parcourir le tronçon. Les passagers y sont entassés, emmitouflés dans leurs kachabia ou des manteaux de laine pour les femmes. Arrivée à notre destination à 15h30, il fait presque nuit. Dans les deux montagnes qui encerclent les agglomérations, on peut observer l'adret et l'ubac. Les habitants, pas tous, se sentant plus proches de Constantine, via Zighout Youcef, que de Skikda, d'ailleurs on y met 30 minutes pour atteindre la première et 60 pour la seconde. Les gens sont des campagnards de pure souche, ils font même l'apiculture et exploitent les ânes pour les transports divers. Fait insolite, en cette région très conservatrice et où les conditions sociales fixent le seuil à ne pas dépasser en scolarisation, une fille, Benalia Boudouda Nadia, a pu décrocher une licence en anglais. Le réconfort au bout du voyage est la beauté des paysages, l'image du bétail (les races ovine, bovine et caprine) paissant dans les verts pâturages, les familles récoltant l'ail ou le cardon (el khorchef) et l'air non pollué que l'on respire. D'où le choix, pour ce dernier point, de l'implantation du centre de regroupement des équipes nationales, à El Goula. A 8 km du centre-ville, à Aïn Salamat, vous êtes déjà hors champ. En attendant l'installation de l'antenne Mobilis, les habitants doivent se déplacer, selon leurs dires, vers le chef-lieu de la commune pour êtres joints ! Perchée sur une altitude de 1 064 mètres audessus du niveau de la mer, Ouled H'baba est l'une des régions les plus froides. Et elle ne dispose pas pour le moment de gaz ! La récente pénurie de bonbonne de butane a été vivement ressentie. Se réchauffer à l'aide du bois fut l'unique recours. «On ne peut avoir notre bonbonne et en plus les gardes forestiers nous interdisent de tailler les arbres !», nous dira un habitant. Le raccordement pour 600 foyers au gaz via le gazoduc Hassi R'mel-Tamlouka-El Kala (l'étude est finalisée) est vivement attendu. La couverture sanitaire est défaillante, la seule polyclinique ferme à 16 heures. Il est déconseillé de tomber malade au-delà de cette heure ! Pour les accouchements, les familles sont obligées de parcourir 25 km, vers El-Harrouche, pour mettre au monde un enfant ! Fait notable, la bibliothèque communale qui a ouvert ses portes est bien équipée. On y dispense avec l'autorisation de la Direction de l'éducation, des cours particuliers au profit des scolarisés. On envisage même d'étendre les heures de fermeture jusqu'à 20 heures, à la faveur de l'introduction de l'internet. En tous les cas, c'est mieux que les structures culturelles relevant de l'APC de Skikda qui deviennent hermétiques à partir de 16h30. Ouled Hbaba a été aussi un bastion de la révolution, un avion de l'ennemi a été tombé à coups de rafales en 1957, sa carcasse existe toujours au cimetière des martyrs de la région. A souligner que la situation précaire dans laquelle s'empêtre la région, précédée par une vague terroriste d'une rare intensité (deux valeureux moudjahidine y furent abattus), a contribué à un exode massif de la population. On compte seulement 10 000 âmes recensées à la commune de Ben Badis (El Heria), dans la wilaya de Constantine. Parmi les conséquences, la fermeture de six écoles à Zaaroura, El Afia, Aïn Dalia, Ras-El-Ma, Harraga et Ayoun Souk (ancienne appellation d'El Karmet). Douze groupements scolaires, 1 seul CEM et aucun lycée constituent le potentiel éducatif fonctionnel à l'heure actuelle. La dynamique socioéconomique pourrait être concrétisée à la faveur de deux projets : le centre de regroupement des équipes nationales (déjà cité) et le barrage de Ramdane- Djamel (en phase d'avant-projet), d'une capacité de 71,5 millions de mètres cubes et qui sera implantée à Khmekhem. En attendant, la population grelotte de froid et espère que la route entre le centre-ville et El Karmet, menant à Constantine, sera inscrite incessamment.