Algérie

«Ouled bled»!



Les rapports des hommes à l'erreur diffèrent. Il en est qui reconnaissent leur tort et corrigent leur comportement, mais il en est qui, dès qu'on leur montre leur faute, s'enflamment et se mettent à défendre l'indéfendable. Entre les deux, il y a, cependant ceux qui, se sentant incapables de justifier l'erreur, vous déclarent néanmoins la guerre, juste parce que vous avez osé juger erroné un comportement de leur part. Et, pourtant, Dieu sait qu'il l'est! Nous ne sommes que des humains et, de ce fait, nous commettons tous des maladresses, des erreurs et des impairs. A ce propos, il n'y a rien à dire. Mais, parce que nous sommes justement des humains, n'est-ce pas une raison suffisante pour essayer de distinguer entre le vrai et le faux, entre le juste et l'injuste, entre le correct et l'incorrect? Il est donc inutile de chercher à casser le miroir pour la seule raison qu'il nous renvoie une image qui ne nous plaît pas car le miroir continuera à garder de nous l'image qui est nôtre et nous continuerons à vivre dans l'erreur. Dans une société comme la nôtre, où il est devenu difficile pour chacun de retrouver ses repères, l'une des raisons qui ont fait que l'on connaisse la déchéance sociale qui est la nôtre, c'est justement cette attitude (incompréhensible) qui consiste à refuser la réalité lorsqu'elle ne nous convient pas. Nous parlons beaucoup, nous argumentons trop même, nous inventons, lorsque nécessaire, des théories dussent-elles être incohérentes, pour le seul plaisir d'avoir raison comme si la raison pouvait suivre les envies des uns et les caprices des autres. On ne ramène pas le soleil lorsqu'on a froid, et l'on ne peut pas plier le monde à ses désirs, même lorsqu'ils sont justifiés et acceptables. Il est des choses, dans ce monde, qui échappent à l'humeur et qui ne peuvent être soumises à l'appréciation personnelle, surtout lorsqu'elle est incorrecte. Prétendre le contraire, c'est renier le sens de la vie et l'essence même de la raison. Chaque grande chose dans notre vie d'humains a sa place, son rôle et sa mission. Chaque grand repère n'est là que parce qu'il sert une utilité ou une certaine finalité. A chaque moment, le génie des hommes a su apporter les améliorations nécessaires, tant à ces repères qu'à ceux moins importants, et c'est ce qui fait que l'humanité évolue. Lorsqu'on compare ce qui arrive chez nous, par notre faute bien entendu, avec ce qui arrive chez les autres sociétés, il est évident que l'on ressente de la peine pour tous ces repères égratignés, malmenés, voire parfois détruits. Se taire est, dès lors, une caution de la bêtise! Dans notre société, certains ont déployé efforts et temps pour cultiver cette mentalité inacceptable qui consiste à tout rejeter sur l'Etat, sur le gouvernement et sur les institutions du pays et à tout expliquer par la défaillance de tel secteur ou de tel ministère. Non, le problème, car il y a effectivement problème, est en nous et en nous d'abord car jamais, au grand jamais, dans l'histoire des sociétés et des nations, l'Etat ou ses institutions n'ont su, ni pu atteindre le schéma de pensée des individus. Même sous les régimes totalitaires, les individus ont toujours gardé la liberté de penser, de concevoir le monde quand bien même l'expression leur était difficile, voire impossible. Ce qui arrive chez nous, ou plutôt ce qui nous arrive, à nous, c'est que nous avons volontairement porté atteinte à notre manière de penser et de réfléchir. En laissant passer, dans les espaces sacrés du beau, nos laideurs et dans la sphère fragile des normes sociales, nos petites manières individuelles dont aussi bien les incohérences que les incompatibilités découlent du manque de culture et de l'incapacité à saisir la chose commune qui lie les hommes au sein d'une même société, au sein d'une même communauté. Nous changeons de statut, sans le savoir, de citoyen libre à élément soumis d'un «arch» ou à élément embrigadé d'un clan et nous ne nous rendons même pas compte que d'une position à l'autre, nous gardons le même schéma de pensée, le même référentiel et le même comportement, ce qui, naturellement, a pour conséquence de provoquer des décalages entre nous et... nous-mêmes! Dans le monde d'aujourd'hui, tout ne se fait plus au nom de cette structure archaïque qu'est le «arch» et le concept, plus désuet encore, de «ould bled» a cessé de donner envie de rire pour provoquer la nausée. Ce sont seulement des réflexes enfouis dans l'inconscience qui servent d'arguments aux plus faibles et aux moins aptes. Lorsque l'Algérien ne sait plus avec quoi justifier son «auto-disqualification», il se rabat sur des arguments invalides et des termes et des concepts creux. Vous lui dites que la saleté de la rue est intolérable, il vous toise et se dit que c'est parce que vous n'êtes pas «ould bled» que vous osez dire cela de la rue! Vous lui dites que le baroud est une manière dépassée de fêter les évènements, il vous regarde sans rien dire tout en pensant que c'est parce que vous n'êtes pas «ould bled» que vous osez parler ainsi. En réalité, cela n'a rien à voir avec l'origine des hommes ou leur appartenance car, en suivant leur propre mode de réflexion, ces gens-là se trouveront loin d'être eux-mêmes des «ouled bled» comme ils disent. Il est simplement question de rapport à l'erreur. Certains acceptent de se remettre en cause pour avancer, d'autres s'amusent, pour le plaisir d'avoir raison, de justifier l'injustifiable et d'autres, enfin, tentent de trouver la tare dans le miroir. C'est triste comme comportement, bien sûr, mais ce qu'il y a de plus triste encore, c'est que... mais à quoi bon? Ailleurs, la fierté des hommes et leur orgueil se mesurent au degré de développement de leur société. Chez nous, c'est à l'appartenance clanique. Comme quoi, il est toujours des lests qui nous lient quelque part à quelque chose, rendant difficile nos mouvements et, quand c'est possible, même nos paroles.


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