Algérie

Ould Abbès face à ses actes



Le procès en appel des deux anciens ministres de la Solidarité nationale, Djamel Ould Abbès et Saïd Barkat, s'est ouvert hier en fin de journée à la cour d'Alger. Les deux ministres sont poursuivis pour plusieurs chefs d'inculpation liés à la corruption, à savoir détournement et dilapidation de deniers publics, conclusion de marchés en violation de la législation et abus de fonction lorsqu'ils étaient à la tête du ministère de la Solidarité.Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Le premier à passer à la barre est Djamel Ould Abbès qui est paru très perturbé par les questions de la juge qui voulait savoir où était passé l'argent de la solidarité et comment l'accusé versait sans compter les milliards à des associations qu'il présidait lui-même.
Au départ, il a tenté de donner l'image d'une victime en lançant : « Je ne sais pas pourquoi je suis ici .»
« Vous étiez ministre de la Solidarité nationale et vous avez donné des sommes faramineuses aux associations que vous avez présidées. En plus, ces associations ne sont composées que de deux à trois membres », lui dit la juge.
Ould Abbès, qui avait été condamné en première instance à 8 ans de prison ferme, s'est défendu en affirmant que les aides sont accordées à toutes les associations conformément à la loi.
Et à la juge de lui rappeler que les associations qu'il a présidées ont accaparé les aides avec des sommes faramineuses.
Au tribunal de Sidi-M'hamed, pour rappel, la partie civile avait fait état d'un montant dépassant les 1 850 milliards de centimes, dont ont bénéficié 4 associations présidées par l'ancien ministre de la Solidarité, sachant que le recours à ces associations et organisations en tant qu'intermédiaires pour superviser l'acquisition des outils et les opérations de solidarité avait pour seul objectif d'éviter le recours aux marchés publics.
Face à la juge de la cour d'Alger, l'accusé a justifié les dépenses de son département en disant que « tout ce que nous avons fait était pour préserver la paix sociale ».
« Mais vos associations étaient devenues comme des banques. On y dépose l'argent puis on le dépense et il n'y avait aucune comptabilité », fait observer la présidente de la chambre criminelle.
Djamel Ould Abbès, perturbé, hésite avant de se lancer dans des explications qui survolent la question.
La juge évoque ensuite la question des 157 bus destinés à la wilaya de Ghardaïa, frappée par des inondations, mais qui ne sont pas arrivés à destination, à part 19 bus.
L'accusé explique que le reste a été accordé à d'autres wilayas.
« Les bus de la solidarité ne sont pas arrivés à leur destination et ceux qui sont arrivés étaient dans un piètre état », le relance la juge. « Je démens catégoriquement », a répondu l'accusé.
La juge en arrive à l'affaire de l'organisation d'un plan bleu et des colonies de vacances au profit des enfants du Sud par l'une de ses associations qui avait bénéficié de 1 200 milliards de centimes dans ce cadre.
L'accusé répond que les ordonnateurs dans ces opérations étaient les walis des 14 wilayas côtières.
« Un seul problème s'est posé dans la wilaya de Boumerdès où une somme de 1,3 milliard de centimes n'a pas été dépensée », a-t-il dit. Qu'avez-vous fait de cet argent ' interroge la juge. « Nous les avons utilisés pour acheter des véhicules utilitaires », a-t-il répondu. « Mais il n'y a aucun contrat. C'est comme ça que vous dépensez l'argent public ' » s'offusque la juge qui passe directement à l'affaire de l'acquisition des 1200 ordinateurs destinés aux lauréats du bac, session 2008, mais qui ont été détournés pour bénéficier à d'autres catégories.
L'accusé dit assumer sa responsabilité dans cette affaire, en évoquant que les joueurs de l'équipe nationale de football en ont également bénéficié après le match d'Oum Dorman contre l'Egypte.
« Mais vous donnez l'argent à qui vous voulez comme si c'était le vôtre », lui reproche la présidente. Ould Abbès observe un silence puis demande à boire. « Tout ce qu'on a fait était pour la paix sociale », a-t-il repris. « Mais où est donc parti l'argent du ministère '» insiste encore la juge, sans obtenir une réponse satisfaisante de l'accusé qui a cité, en guise de réponse, les catastrophes naturelles et d'autres actions de solidarité.
Prenant la parole, le procureur général a souligné que tous les dépassements et la manière dont l'argent a été dépensé sont consignés dans le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) sur la base duquel les poursuites sont engagées.
La juge demande, par la suite, à Ould Abbès de regagner sa place dans le box des accusés, avant d'entamer l'audition de Saïd Barkat, condamné en première instance à 4 ans de prison ferme.
K. A.
COUR D'ALGER
Sept ans de prison pour Baha-Eddine Tliba et Djamel Ould Abbès
La Cour d'Alger a rendu hier son verdict dans le procès en appel de Baha-Eddine Tliba. L'ancien homme d'affaires et député annabi a vu sa première peine réduite d'une année. Il écope ainsi de sept ans au lieu des huit ans prononcés en première instance par le tribunal de Sidi-M'hamed. L'ex-ministre de la Solidarité, Djamel Ould Abbès, et son fils Skander, jugés dans la même affaire, ont vu eux aussi leur première peine, huit ans, réduite à sept ans. Le tribunal a maintenu l'amende, huit millions de DA, et la décision de confiscation des biens prononcée à l'encontre de Tliba.
En fuite, Wafi Ould Abbès demeure naturellement sous le coup de la première condamnation, vingt ans de prison. Tliba et les fils Ould Abbès ont été jugés dans le cadre de l'affaire de vente des places à la députation durant les législatives de 2017. L'ancien député s'est dit « victime d'une opération » dont était informé le général Tartag, ex-coordonnateur des services de sécurité au niveau de la présidence de la République.
À l'issue du procès, le ministère public représenté en la personne du procureur de la République avait demandé l'aggravation des peines à l'encontre des prévenus.
A. C.


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