Algérie

«Oui, nous risquons de perdre la liberté d'expression» Yadh Ben Achour. Professeur



Depuis qu'il a présidé la haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, le professeur Ben Achour est resté très impliqué sur la scène politico-médiatique.
-Deux ans après la chute de l'ancien régime et près de 15 mois après les élections, où en est la rédaction de la nouvelle Constitution '
L'Assemblée constituante s'est transformée en Parlement permanent et s'est engagée dans des fonctions périphériques. Tout cela se fait au détriment de l'élaboration rapide de la Constitution. Les promesses non tenues n'ont d'autre effet que de discréditer les gouvernants. Nous avons affaire, aujourd'hui, à une crise énorme de confiance qui se manifeste par une sorte d'agitation sociale permanente et une perte de crédibilité à l'égard de l'Exécutif et encore plus à l'égard de l'Assemblée constituante.
-Mais ils ont rédigé un projet de Constitution' Quelle évaluation faites-vous de ce projet '
Je suis au regret de dire que les commissions constitutionnelles ont travaillé sans aucune méthode, sans véritable expertise, dans la dispersion. Elles ne se sont pas contentées de la référence aux «nobles valeurs de l'islam» dans le préambule ni l'article premier de la Constitution sur lequel tout le monde est pratiquement d'accord. Elles se sont permis, à deux reprises, dans deux articles différents de leur brouillon, d'insister lourdement pour rappeler que l'Etat est le protecteur de la religion et en particulier des «valeurs sacrées», ce qui ouvre la voie à tous les risques possibles, ajoutant, dans un autre article inclus dans le chapitre sur les droits et libertés fondamentaux, que l'Etat garantit la liberté de croyance et d'exercice des cultes et «criminalise toute atteinte aux valeurs sacrées».
Je peux vous dire que dans le contexte qui est le nôtre et avec les menaces qui pèsent aujourd'hui constamment et quotidiennement sur les libertés, nous ouvrons la voie à toutes les dérives possibles et imaginables. Oui, nous risquons dans peu de temps de nous retrouver dans une dictature pire que celle de Ben Ali, une dictature théocratique. Oui, nous risquons de perdre l'un des acquis les plus chers de la révolution : la liberté d'expression. Oui, de telles idées constituent bel et bien des idées antirévolutionnaires.
-Quel conseil donneriez-vous à la classe politique '
Il faut nous aider les uns les autres. Les partis au pouvoir, pardon je veux dire le parti, doit définitivement cesser son harcèlement à l'égard de la société. C'est lui qui provoque le contre-harcèlement d'une partie de la presse, des médias et des forces politiques de l'opposition. Il doit mener une politique plus prudente, plus objective, beaucoup plus ouverte, y compris à l'égard de ses ennemis, moins axée sur les intérêts partisans et les perspectives électorales. Sa responsabilité, en tant que parti de gouvernement, est bien plus lourde que celle des forces de l'opposition. Les erreurs venant de sa part sont plus graves. Et celles qu'il faut éviter, cette imbrication organique entre le parti et l'Etat, sinon, comme l'a rappelé le président de la République, nous revenons aux pratiques du RCD.
Le gouvernement, l'administration, les services de sécurité, la fonction publique, d'une manière générale les services de l'Etat doivent bénéficier d'une autonomie réelle par rapport non pas simplement au parti au pouvoir, mais à l'ensemble des partis politiques. Que le pouvoir travaille en ce sens, nous travaillerons avec lui.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)