Algérie

Ouennas, le gardien volant




Ouennas est né en1945, une année charnière en Europe et en Algérie. Les massacres de Sétif et deKherrata sont ancrés dans toutes les mémoires ainsi que la fin de la DeuxièmeGuerre mondiale. Casablanca est une ville «plate», construite sur la plaine dela Chaouia. Plus qu'ailleurs, les terrains vagues étaient légion etfavorisaient l'éclosion des jeunes footballeurs. Au milieu de la décennie 50,le jeune Mohamed était un inconditionnel des grandes surfaces de terre battuede Haï Sebata.  A voir ce joueur de catégorie minime courirderrière le ballon, personne n'aurait pensé que ce serait, quelques années plustard, un gardien promis à un bel avenir. La confirmation ne se fait pasattendre puisque le nouveau club de Mohamed, le WAFA, évoluant en divisiond'honneur, le titularise en senior alors qu'il détenait une licence en cadetdeuxième année. Ses prestations attirent l'attention de l'UMT, un clubcorporatif qui avait la possibilité d'octroyer des emplois. Et si Mohamed aparaphé la licence qu'on lui a présentée, c'est afin que son père obtienne unposte de travail pour subvenir aux besoins de sa famille. L'accès àl'indépendance de l'Algérie permet à la famille Ouennas de rentrer au pays, etc'est à Es-Sénia qu'elle s'installe. La suite coule de source : il prend placedans les bois du CO Sénia alors qu'il était encore junior. Notre interlocuteurse souvient bien de cette époque : «avec le président Benallel - que personnen'a oublié - le COS avait une belle équipe, avec les Ghalem, Arab Habib, Zerga,Ouafi, Douah, Mekki et Dadi et nous nous sommes distingués au cours duCritérium. Malheureusement, le groupe s'est éparpillé. Avec Douah, j'ai signéau SCMO où j'ai connu de grandes joies en championnat national». Après huit anschez les Hammamas, Ouennas traverse l'avenue pour aller chez le club voisin, leMCO, mais après avoir passé une saison blanche, sans jouer. Et là encore, c'estl'effet Ouennas : il s'impose aux dépens des regrettés Larbi et Boudelal, ainsique de Kara, lesquels, sportivement, ont dû reconnaître la supériorité dunouveau n° 1 du MCO. Il jouera même six matches pendant la première saison dela réforme, cédant sa place à l'excellent Sebaâ, digne successeur, dans unautre style, plus sobre et plus classique. A 32 ans, Ouennas a-t-il été atteintpar la limite d'âge, alors que c'est le poste d'où l'on retrouve de solidestrentenaires ? Explications de l'intéressé : «C'est à cause de ma myopie.D'ailleurs, si en diurne, il n'y avait pas de problèmes, en revanche, ennocturne, avec les projecteurs, c'était un handicap pour moi. Je crois que celaa influé sur ma carrière internationale».  Saïd Amara l'a nommé comme préparateur desgardiens de but, ce qui lui a permis d'entamer sa nouvelle carrièred'entraîneur, qui l'a vu travailler, outre au MCO, dans de nombreux clubs où ils'est donné à fond. Il a même été à Skikda, en 2005, comme adjoint del'Egyptien Bekari Mahmoud. Titulaire du deuxième degré et d'un diplôme délivrépar l'école spécialisée de Cavaillon (France), Ouennas entend poursuivre sacarrière, tout en continuant à améliorer ses connaissances. D'ailleurs, il voueune admiration sans borne à Amara et Belayachi, «avec qui, j'ai énormémentappris. Je n'oublie pas non plus le charisme de Mahi, vrai meneur d'hommes. Unjour, irrité par notre première mi-temps face au MCA, à Alger, il a suffi d'unregard. Le «message» est passé. Nous avons réagi et nous avons gagné».Un photographebien inspiré a immortalisé la fameuse envolée de Ouennas qui lui a valu lesurnom de «gardien volant».  A 62 ans, cette image est restée ancrée dansla mémoire des habitués du stade Zabana. Rares sont ceux qui l'interpellent parson nom, la plupart préférant évoquer le «keeper volant». Il est vrai qu'ilfallait être doué d'une détente hors du commun, d'un coup d'oeil infaillible etd'une capacité de réaction extraordinaire pour «aller chercher» ce ballon quiprenait la direction des filets du côté de l'équerre gauche. Eh bien, tel unaigle avec ses serres, il a happé le ballon, à la grande joie de la foule,ravie de ce spectacle. Dans son recueil de la première édition desinternationaux algériens, notre collègue Ahmed Bessol s'est clairement exprimésur ce sujet.  «Ouennas est l'un des derniers gardiensvolants du football algérien. Spectaculaire, ses prises de balles étaientimpeccables, et ses sorties sur les ballons aériens étaient d'une raretémérité».  Dans ce poste de grosse responsabilité où les«fautes» sont sans appel contrairement aux joueurs de champ, Ouennas aura été parmiles plus brillants. Gardien titulaire dans la sélection de l'Ouest, il a euaffaire à une rude concurrence en équipe nationale. Deux capes sous l'ère Leducconstituent une reconnaissance qui a son prix, si l'on admet que les autresgardiens n'étaient autres que Abrouk (CRB), Krimo (JSM Tiaret), Zerga (MCA) etAmar (NAHD), le Tiarétien Krimo se classant en tête de ce groupe en 1968.Depuis belle lurette, on n'a plus vu de «gardiens volants». Cette «race» s'estéteinte malheureusement. Et le spectacle s'en ressent.Les apparencessont souvent trompeuses. Sous un aspect plutôt «rude», Ouennas est sensible.Lors de son jubilé, cette sensibilité est apparue au grand jour. Une annéeaprès, Mohamed sait ce qu'il doit à Bentabet Sid Ahmed, Bourada Hadj, Bekadja,Nourredine, Mehiaoui Tayeb, Gharbi Mohamed, Belkhloufi, Drif et Bendida. «Sansleur aide, mon jubilé ne se serait pas tenu et, ce jour-là, j'ai vu ceux quim'aiment sincèrement... et les autres». Il n'en dit pas plus et oscille de latête. Nous avons toujours connu Ouennas gai luron,à la repartie facile. Lorsqu'un ancien supporter lui dit : «Alors, tu «voles»toujours ?», il répond : «Non, il y a longtemps que j'ai atterri !». Mardidernier, ne le trouvant pas à son domicile, nous avons voulu en savoir plus.«J'étais au stade pour me rendre compte de l'état du moteur !», nous a-t-ilconfié, allusion faite à sa forme physique.  Car il ne s'arrête jamais, en dépit d'unesciatique qui ne l'empêche pas de courir et de s'adonner à ses exercicesd'assouplissement. Lorsque nous avons abordé les primes faramineuses accordéesaux joueurs du temps présent, il se fera plus philosophe. «Nous en avonségalement gagné. Ce n'était pas énorme, mais c'était de l'argent», estimantque, sur ce plan-là, il n'a pas été floué, au même titre que ses coéquipiers duSCMO et du MCO. Son livre de chevet actuel porte un titre significatif «Manuelde psychologie sportive», cela veut dire que Ouennas, après avoir travaillé auxcôtés de Amara, Rouaï, Draoua, Belayachi, Mâatallah et Djeradi, estime avoirencore des choses à apprendre. «Je suis sidéré de voir qu'on fasse appel à destechniciens d'ailleurs, alors que les Djeradi, Athmani Baghdad et Maza sontdisponibles, pour ne citer que ces gens-là. Vraiment, je ne comprends pas».Si tous lesentraîneurs venaient à tester tous leurs joueurs à différents postes, desreprises ne sont pas à écarter. Les exemples foisonnent. Jamais Ouennasn'aurait imaginé se trouver entre deux poteaux, lui qui aimait bien gambadersur les terrains vagues du quartier Sebata de Casablanca. D'ailleurs, si undirigeant du Raja l'a engagé, c'est parce qu'il a remarqué que Ouennas était undemi infatigable, même en catégorie minime. Or, au cours d'une rencontre dechampionnat, voilà que le gardien de but de son équipe se blesse et doitquitter le terrain. Or, à l'époque, les remplacements n'existaient pas dans lesrèglements et, bien que pénalisée, l'équipe concernée devait terminer le matchen infériorité numérique. Il se trouve que l'entraîneur du Raja de Casablanca,Abdelkader Farjaj, au cours des entraînements, avaient remarqué lesprédispositions de Ouennas et qu'il n'était pas du tout maladroit à ce poste.Et c'est tout naturellement qu'il endossa, à son corps défendant, le maillot dekeeper. La prestation fut exemplaire et enthousiasmante. «Tu as trouvé taplace», martela son entraîneur d'un ton péremptoire. Sans le vouloir, Ouennasavait trouvé sa voie et fait une première victime, le goal qu'il avait remplacédevenant... remplaçant. L'avenir allait donner raison à l'entraîneur del'équipe minime du Raja qui s'est basé sur son flair. Lorsqu'il était au MCO,Ouennas nous a affirmé que Benmimoun, s'il l'avait voulu, aurait fait une bonnecarrière au poste de gardien. Avant Benmimoun, Meguenine a remplacé au piedlevé Larbi blessé. Il est vrai ces deux joueurs ont atteint un niveau depolyvalence rarement atteint. Entraîneurs, un conseil : Testez, testez, vousaurez peut-être de bonnes surprises...


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