Algérie - Oued Ghir

Oued Ghir (Béjaïa) - ALORS QUE LE DRAME DE LA PRISON N’A PAS ENCORE LIVRÉ TOUS SES SECRETS: RETOUR SUR UNE HORRIBLE TRAGÉDIE



Oued Ghir (Béjaïa) - ALORS QUE LE DRAME DE LA PRISON N’A PAS ENCORE LIVRÉ TOUS SES SECRETS: RETOUR SUR UNE HORRIBLE TRAGÉDIE


De nombreux médias nationaux, mais aussi étrangers, ont fait leurs choux gras de cette tragédie qui a endeuillé les familles des huit victimes.

Le drame qui a secoué, mercredi 31 mars dernier, la région de Béjaïa, a provoqué une véritable onde de choc ressentie bien au-delà de nos frontières. De nombreux médias nationaux, mais aussi étrangers, ont d’ailleurs fait leurs choux gras de cette tragédie qui a endeuillé les familles des huit victimes qui ont trouvé la mort dans la fosse septique du centre pénitentiaire d’Oued Ghir, une localité située à une dizaine de kilomètres au sud-ouest du chef-lieu de la wilaya de Béjaïa.

Retour sur ce nouveau drame qui ébranle toute la région de Basse-Kabylie, deux semaines seulement après le puissant séisme du 18 mars dernier.

Mercredi 31 mars 2012, il était 10h30, lorsque la première ambulance de la Protection civile arrive en trombe devant le fameux centre de détention d’Oued Ghir, longeant la RN12. Alertée, une équipe de sapeurs-pompiers est venue secourir les huit personnes, un détenu et sept gardiens de ladite prison, asphyxiées et évanouies à l’intérieur de la fosse septique, dans laquelle elles étaient descendues pour la nettoyer.

Ce qui s’apparentait à un curage ordinaire s’est vite transformé en une hécatombe dont la première victime n’est autre qu’un jeune détenu, originaire de la commune de Tidjelabine, dans la wilaya de Boumerdès, qui s’apprêtait à purger sa peine de dix ans d’emprisonnement. Appelé à nettoyer la fosse dudit centre pénitentiaire, d’une profondeur de cinq mètres environ, le jeune prisonnier étouffe et finit par s’évanouir.

En voulant le secourir, un gardien de prison suffoque et tombe à son tour.

Ses collègues, qui se sont précipités pour sauver les deux victimes, connaissent le même sort.

L’alerte est vite donnée aux services de la Protection civile, et quelques minutes plus tard, un impressionnant dispositif sécuritaire est déployé tout le long de la clôture du périmètre de la prison.

L’intervention énergique d’une équipe de plongeurs de la Protection civile a finalement permis de repêcher les dépouilles des huit victimes qui seront déposées à la morgue du centre hospitalo-universitaire (CHU) Khellil-Amrane de Béjaïa pour y être autopsiées.

À la mi-journée, une délégation ministérielle, composée des ministres de la Justice, garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati, de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire, Kamel Beldjoud, et des Ressources en eau, Mustapha Kamel Mihoubi, débarque à Béjaïa.

Dans une déclaration aux journalistes présents sur les lieux du drame, le premier responsable du département de la Justice affirme qu’“un prisonnier et sept gardiens sont morts par asphyxie dans une fosse septique se trouvant à l’intérieur de la prison d’Oued Ghir, à l’extrémité de la structure”. Et d’ajouter : “Les circonstances de cet accident seront déterminées à la suite d’une enquête préliminaire ouverte par les services de la Gendarmerie nationale.”

Selon les explications du directeur de la Protection civile de la wilaya de Béjaïa, Nourredine Fedi, les huit victimes, qui s’apprêtaient à curer la fosse septique de la prison d’Oued Ghir, “se sont évanouis puis noyés dans les eaux usées du bassin après avoir inhalé du sulfure d'hydrogène, un gaz toxique”.

L’orateur qui confirme la dangerosité de ces émanations de sulfure d’hydrogène, fortement présentes dans ce genre de fosse septique, tient à préciser que “les agents de la Protection civile ont d’abord nettoyé la fosse puis retiré les dépouilles des victimes”.

M. Fedi a, toutefois, déploré la blessure de trois de ses éléments qui ont dû être hospitalisés au CHU de Béjaïa, tout en rassurant que leur vie est hors de danger.

On apprend de source proche des mêmes services de la Protection civile, que l’un des pompiers blessés aurait fait une chute dans les escaliers métalliques menant à la fosse. Bien que son cas ne soit pas grave, il demeure sous surveillance médicale à l’hôpital Khellil-Amrane.

- Obsèques émouvantes

Au lendemain du drame, deux victimes originaires de la wilaya de Béjaïa ont été enterrées dans leurs villages respectifs. Le jeune Hassan Khaled, un célibataire natif de Darguina, a eu droit, jeudi 1er avril, à des obsèques émouvantes, qui se sont déroulées à la cité Saâdane, en présence d’une importante délégation officielle, conduite par le wali de Béjaïa, Ahmed Maâbed.

Par ailleurs, une foule nombreuse a également accompagné la victime de Béni Maouche, feu Farid Harir, à sa dernière demeure. Le défunt, âgé de 42 ans, père de trois enfants, dont l’aîné est âgé de 10 ans, a été inhumé dans son village natal, Tizekht, aux côtés de son défunt père, Tayeb Harir, décédé une dizaine de jours auparavant, à l’âge de 83 ans.

Parmi l’assistance qui a tenu à rendre un ultime hommage au “martyr du devoir professionnel”, on a remarqué la présence de plusieurs représentants des autorités locales dont le secrétaire général de la wilaya, le directeur du centre pénitentiaire d’Oued Ghir, des directeurs exécutifs, la cheffe de daïra et le P/APC de Béni Maouche. Drapée dans l’emblème national, la dépouille a été inhumée, vers 13h30, en présence d’amis du défunt, de ses collègues et des membres de sa famille, demeurés inconsolables.

- Le débat sur la gestion du secteur pénitentiaire relancé

Le drame qui vient de secouer la prison d’Oued Ghir n’a pas manqué de susciter une polémique sur les réseaux sociaux, relançant ainsi le débat sur la gestion du secteur pénitentiaire, notamment en ce qui concerne les conditions de travail des agents exerçant dans les prisons. Ces derniers, affirment certains observateurs sur la Toile, souffrent d’un manque criant de moyens de protection et autres outillages. Une telle situation amène les fonctionnaires du secteur pénitentiaire à s’exposer aux multiples risques liés à leurs activités professionnelles. En témoigne le cas de ces agents exerçant au centre de détention d’Oued Ghir qui s’attellent à mener régulièrement les travaux de curage de leur fosse septique avec les moyens du bord.

Du côté de la classe politique, seul le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) a, pour le moment, réagi à cet accident tragique, pointant “une négligence des autorités qui a mené à ce qui peut être qualifié d’homicide involontaire”.

“Non, ce n’est pas la fosse qui est à l’origine de l’hécatombe d’Oued Ghir. Il y a bel et bien négligence des autorités qui recourent encore au nettoyage manuel des fosses septiques, égouts et stations d’épuration des eaux usées. C’est cette négligence qui a mené à ce qui peut être qualifié d’homicide involontaire. Laisser des personnes intervenir sans équipements de sécurité adéquats devrait être puni par la loi si l’on veut que de pareilles tragédies ne se reproduisent plus. Paix aux âmes des victimes et courage à leurs familles”, a écrit sur sa page facebook le président du RCD, Mohcine Belabbas.

Pour rappel, lors de l’inauguration de la prison d’Oued Ghir, en octobre 2010, les responsables d’alors avaient annoncé en grande pompe que “cet établissement pénitentiaire dispose de toutes les commodités nécessaires et répond aux normes modernes de détention”. D’une capacité de 1.000 places, ce pénitencier, construit sur un terrain agricole de 10 hectares, a été réalisé par une entreprise chinoise pour un coût de 72 millions de dollars.



Photo: © D. R.

KAMAL OUHNIA


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