Où va la Tunisie '

L'apparition-surprise de la première speakerine voilée sur la télévision tunisienne n'est pas un fait anodin.
Idem pour la réaction violente des salafistes à la suite de la diffusion du film iranien Persépolis et l'inculpation du patron de Nessma TV par le parquet de Tunis. Ce sont là des évènements qui sont loin d'être anecdotiques pour la simple raison qu'ils se produisent dans l'un des derniers bastions laïcs du monde arabo-musulman, un pays qui s'appelle la Tunisie et dont les habitants ont toujours été présentés comme des citoyens tolérants, modérés, ouverts sur l'Occident, attachés à la tradition laïque, voire même judaïque. On semble assister aujourd'hui à un retour «fracassant» aux tabous et même à l'omerta. Ainsi, dans l'affaire Nessma, personne dans le monde intellectuel tunisois ne s'est avisé à défendre le principe de la laïcité, cher au père fondateur de la nation, le défunt Habiba Bourguiba. Il est vrai qu'au sortir d'une dictature impitoyable, la Tunisie ne peut que se chercher une nouvelle fois. Quelques mois seulement après la «révolution du Jasmin» - le mot «révolution» a tendance à être galvaudé depuis quelque temps -, c'est à peine s'il y est encore évoqué la liberté d'expression pour s'opposer à l'obscurantisme qu'on cherche à imposer de gré ou de force à nos voisins. Comme chez nous, les haines se cristallisent essentiellement autour de questions religieuses. C'est comme si on voulait remplacer, là aussi, un totalitarisme par un autre ; une dictature par un extrémisme. Et voilà déjà que la chaîne satellitaire France 24 annonce le parti islamiste Ennahda comme «le grand favori des élections de l'Assemblée constituante» tunisienne du 23 octobre prochain. Difficile à croire dans une Tunisie sécularisée. A moins que ce ne soit qu'un rêve !