Algérie

Où va la Tunisie'



Si l'on en juge par les résultats des dernières élections locales en Tunisie, le grand perdant du scrutin est sans conteste le parti du président Beji Caïd Essebsi, Nidaa Tounès. Durant sa campagne, cette formation aura mobilisé tous les moyens dont elle dispose, y compris ceux qui relèvent des attributs de l'Etat. Et on a vu le chef du gouvernement dit d'union nationale, Youssef Chahed, monter au créneau, porteur de tracts, plusieurs ministres descendre dans les chaumières pour y réchauffer la flamme de la mobilisation et jusqu'au cabinet du président de la République de courir à la rescousse. En vain. Outre une forte abstention qui a résonné comme une claque de l'électorat passablement détaché des enjeux politiciens, il y a eu ce remake de Ennahda encore et toujours à la tête du peloton. Grand prince, son chef, Rached Ghannouchi a aussitôt appelé à reconduire à l'échelle locale le deal qui prévaut au plan national entre les islamistes et les pseudo destouriens. Que nenni, a répliqué Hafedh Caïd Essebsi, de retour de ses pérégrinations aux côtés des blessés de quelques échauffourées où il se faisait fort de barrer la route à l'extrémisme, quitte à bousculer les certitudes de son allié en empruntant, pour les besoins de la cause élective, un référent douteux à ce qui s'est passé en Algérie avec la montée en puissance du FIS dissous.A vrai dire, là où le bât a blessé, c'est que contrairement à son allié et rival islamiste, Nidaa Tounès n'avait ni un programme ni un discours convaincant pour pouvoir faire sortir les gens de leur résignation. De là à prétendre, au lendemain du suffrage, que «l'équilibre politique» a été maintenu, c'est comme si on vendait des vessies en les faisant passer pour des lanternes. On sait bien que, dans la phase actuelle, extrêmement délicate pour l' «équilibre» propre au parti lui-même, l'heure ne saurait être à un examen de conscience méthodique et objectif. Mais se livrer à une fuite en avant telle que celle qui consiste à crier victoire alors que les résultats sont aussi têtus que les faits, représente une aventure dangereuse, une année à peine avant le rendez-vous de la prochaine élection présidentielle. En faisant abstraction du bilan nécessaire, Nidaa Tounès conforte l'opinion des Tunisiennes et des Tunisiens qui sont majoritairement des déçus de la Révolution du jasmin et pensent, à tort ou à raison, que les promesses du gouvernement Chahed n'ont pas été tenues.
D'ailleurs, des voix s'élèvent dans le sérail depuis plusieurs semaines pour réclamer le départ du chef du gouvernement, apparemment en perte de crédit auprès du palais de Carthage et clairement lâché par les alliés d'Ennahda. Chahed est devenu gênant parce qu'il ne sert pas les intérêts du clan, sans doute. Mais il existe une autre raison, sous-jacente. C'est que les islamistes ont pris goût à la direction des évènements sur un plan national et ils voudraient étendre l'expérience de la gestion à l'échelle locale pour mieux capitaliser les fruits du succès, en prévision du rendez-vous de 2019. C'est ainsi que Ennahda entend tirer les dividendes de la cohabitation qui lui permet, peu à peu, de régenter le pays au gré de ses objectifs propres. Et là, on voit bien que le scénario nous rappelle quelque chose de déjà vue!


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