En plus de tous
les défauts qu'on lui connaît, le nombrilisme peut-il être aussi nomade ? En
principe non, bien sûr, mais à voir la vitesse et la manière auxquelles se
dégradent les choses dans le monde actuel, il ne fait plus de doute que,
renvoyant l'image de l'instabilité totale qui caractérise les hommes, le
nombrilisme maladif se déplace au gré des lieux nauséabonds, des mares infectes
et des endroits répugnants.
Seule
satisfaction, si l'on peut parler de satisfaction, c'est que cela n'arrive pas aux
uns sans les autres. Cette nouvelle maladie du siècle est commune à tous, sans
exception.
Justifie ton
prénom
Commençons donc
par le cas de cette jeune fille élue Miss France 2009. «Arrivée là tout à fait
par hasard» comme elle le précise elle-même, cette jeune Française s'est vue
d'un coup devenir l'objet d'une campagne médiatique comme seuls savent en faire
ceux qui ne gobent ni l'Arabe, ni musulman ni le Maghrébin. Pressée de
justifier son prénom qui, semble-t-on dire, sonne mal dans les oreilles d'une
fameuse identité française, justement en débat ces jours sur les boulevards
dépravés d'une certaine république sarkosienne, Malika Menard s'est sentie
frustrée et troublée. Elle s'est dépêchée de faire des déclarations et elle
hurle, à qui veut l'entendre, qu'elle est française à 100%. «Non,
ajoute-t-elle, lorsqu'elle a repris ses esprits et compris le jeu et l'enjeu de
la chose, je ne suis pas maghrébine !», comme pour chasser quelques démons.
En fait, les torts de Malika Menard sont
nombreux. Tout d'abord, elle porte un prénom qui sonne faux. D'ailleurs, elle
le reconnaît elle-même presque au bord de l'excuse, «c'est un prénom arabe qui
signifie reine», mais, en poussant l'analyse plus loin comme pour tenter de
justifier l'origine de son prénom, elle ajoute «mon père et ma mère ont vécu au
nord du Maroc et en ont gardé un merveilleux souvenir». D'ailleurs, elle tente
même de faire de l'esprit en déclarant que ce prénom est symbole de l'ouverture
et de la tolérance.
Le second tort de la jeune Malika c'est
d'avoir été élue Miss France à un moment où la France officielle s'interroge
sur son identité et se pose des questions, d'une manière à peine masquée, sur
la diversité des origines des habitants de l'hexagone. D'où nous sort encore
celle là ? semble demander d'un coup ceux qui, faisant des raccourcis trop bas
et trop simplistes, confondent identité et nationalité, origine et culture,
patriotisme et xénophobie... En effet, étourdis par les incohérences d'un
mandat présidentiel particulièrement critiqué, certains n'ont pas hésité à
porter à bras le corps un débat forcément déplacé sur l'identité nationale. Ce
n'est pas parce que les Français n'ont pas d'identité, mais plutôt parce qu'ils
paraissent en perdre les repères. Hier, leur identité pouvait aisément se
rencontrer sur les chemins entrecroisés de la famille, de la langue, de la
religion et de l'histoire. Aujourd'hui, et l'on ne sait pas pourquoi, les
choses semblent autres. Eric Cantona, l'ancien joueur, de foot n'a d'ailleurs
pas tort en se demandant si «être français est-ce que c'est devoir parler
français, chanter la Marseillaise, lire la lettre de Guy Môquet ?» et de
répondre qu'être français c'est «d'abord être révolutionnaire face à un
«système» qui contraint notamment des gens à vivre dans la rue...». Malika, la
Miss, serait ainsi venue à un moment où les repères ont glissé et où le nombril
paraît changer de place. Dans cette nouvelle conception du nombrilisme
glissant, les définitions doivent impérativement changer, y compris celles Miss
et de leurs noms.
Malika a d'autres torts, notamment ceux
d'avoir montré la tête juste après que les voisins suisses aient décidé
d'interdire toute nouvelle construction de minarets. Elle est venue aussi au
moment où Thierry Henry, un Français embarrassant autant sinon plus qu'elle, a
entaché la qualification de la France au mondial avec une main qu'on aurait
bien coupée sur mille plateaux de télévisions. Elle est venue au moment ou
Marine Lepen a demandé un référendum semblable à celui de la Suisse... que Malika
soit française à 100 %, et qu'elle n'ait absolument rien à voir avec les
Arabes, les musulmans, les Maghrébins et les Africains, cela ne change rien à
rien. Elle porte un prénom qui peut réveiller les démons et cela suffit pour
que les sans repères se focalisent en force sur le prétendu nouveau nombril de
l'identité nationale.
Affiche ta
priorité
Chez nous, ce
n'est pas tellement différent bien que sur un autre registre. Il semble, en
effet, que la date du bac 2010 soit l'objet de divergences entre quelques
différentes parties concernées par l'Education nationale.
Si, l'idée de discuter sur la manière de
récupérer le temps perdu à cause de la grève est tout à fait plausible, il y a
lieu tout de même de rappeler que la perte de temps est devenue un refrain du
quotidien de notre école. Les grèves sont devenues trop longues et la
conscience de certains enseignants semble totalement absente. On ne comprend
pas pourquoi les enfants sont pris en otage à chaque fois que l'on décide de
quelque chose. La grève, c'est bien mais quant est-ce que cela va devenir
raisonnable enfin ? Quant à la gestion du secteur, il n'est plus besoin de
revenir sur l'échec total qui en découle et nous avons, ici même, dans ces
mêmes colonnes, déploré à maintes reprises, le manque de sérieux dans la
gestion de ce secteur.
Mais, ce n'est pas tant cela qui nous
inquiète pour l'instant. C'est plutôt l'autre aspect de la chose. Il
semblerait, en effet, qu'il y ait coïncidence de «la date de l'examen du
baccalauréat avec le premier match de la sélection nationale de football dans
le cadre de la phase finale de la Coupe du monde en Afrique du Sud» (Le
Quotidien d'Oran du 07/12/2009). Et cela semble être un problème, plutôt le
problème central du moment. Comment est-ce possible, messieurs, que nos enfants
aillent passer leur examen du bac au moment où leur Equipe nationale de
football joue ? Comment est-ce possible, messieurs, que l'on ose demander à nos
enfants de se concentrer sur un simple examen du bac au moment où leur coeur
bat pour une rencontre de football ? Comment peut-on oser fixer la date du bac
le jour du premier match de foot de cette équipe nationale ? Comment...
comment... comment...
D'ailleurs, là haut, on est conscient du
problème et l'on compte agir «en concertation avec les syndicats nationaux et
la fédération nationale des associations de parents d'élèves, en vue de trouver
des solutions qui évitent aux élèves de vivre cet événement national important
pendant la période d'examens décisifs. Une solution sera trouvée à temps» (Le
Quotidien d'Oran du 07/12/2009).
Comme quoi, lorsque un bac et une rencontre
de football se croisent, c'est le premier qui se met en veilleuse ! Cette
situation résume, à elle toute seule, mieux que toutes les paroles, mieux que
tous les écrits, mieux que toutes les critiques, à quel point notre école est
tombée bas, bas, bas ! Ne nous étonnons point si, un jour, pour une rencontre
de foot du championnat national, des écoles fermeront, des directions de
l'Education nationale donneront jour férié ou que le ministère de l'Education
nationale gracie des élèves puni d'avoir triché dans un examen...
Inutile de nous demander pourquoi l'on est si
bas, tous connaissent la réponse, même ceux qui ne veulent pas le reconnaître.
Interrogeons-nous plutôt comment en sommes-nous arrivés là ?
Les repères ont glissé chez nous depuis
longtemps. Seulement, ils n'ont pas migré vers des points fixes, repérables.
Ils se sont plutôt mis à faire dans l'instable et le changeant. Aussi, le
nombril, repère par excellence de certaines sociétés de ce monde, est devenu
migrant, instable... la nomadisation du nombril est, en plus de toutes les
tares qu'on lui connaît, la dernière invention, ou la dernière maladie c'est
selon, des hommes. C'est triste, c'est désolant... mais ainsi vont les choses
et ainsi doivent-elles être à partir du moment où rien ni personne n'est à sa
place. Qu'on demande à Malika de justifier son prénom ou qu'on demande à
Benbouzid de changer la date du bac à cause d'un match de foot, que Malika
fasse dans l'esprit pour plaire à ceux qui vont dorénavant commercialiser son
image et son corps ou que Benbouzid accepte de considérer la possibilité de
changer la date du bac... tout cela fait encore plus mal que la situation
elle-même. Vive Cantonna !
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Posté Le : 10/12/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Aissa Hirèche
Source : www.lequotidien-oran.com