Algérie

Otages en Colombie: l´approche humanitaire perturbée par la tension verbale entre Bogota et Caracas



Après l´échec des tentatives entre Noël et le nouvel An, deux otages colombiennes ont finalement retrouvé la liberté après avoir été remises aux représentants du président vénézuélien Hugo Chavez et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Ce fut le 10 janvier dernier, grâce aux hélicoptères vénézuéliens revêtus de l'emblème humanitaire de la Croix-Rouge, qui recueillirent Clara Rojas et l´ex-parlementaire Consuelo Gonzalez de Perdomo. Cette opération fut diffusée en direct par la télévision vénézuélienne permettant à des millions de téléspectateurs à travers le monde d´assister, en pleine jungle, à la libération des deux otages par des rebelles de Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) en tenues camouflées et armés, sans intervention de l´armée colombienne. Cet événement et ses prolongements ne cessent de faire la une de la presse latino-américaine qui met en exergue les dessous d´un drame que ne cessent de vivre les Colombiens depuis un demi-siècle. Avant de retrouver Bogota, la capitale de leur pays, les otages avaient transité par Caracas où le président Hugo Chavez leur avait réservé un accueil solennel en présence de leurs familiers et, bien entendu, des autorités vénézuéliennes et de la presse internationale. A l´événement manquait un enfant de trois ans, Emmanuel, fils de Clara, né en captivité d´une relation consentie de la mère avec un guérillero, une relation qui, pour le moment, n´a pas été clarifiée et, sans doute, ne manquera pas de provoquer des discussions sur le fameux «syndrome de Stockholm» qui rapprocherait victime et persécuteur. On finit par savoir qu´Emmanuel avait été éloigné de sa mère à l´âge de huit mois et confié à une famille de paysans par les rebelles pour lui épargner les conditions inhumaines de l´emprisonnement de sa mère. De guerre lasse, les parents adoptifs le confièrent à un orphelinat gouvernemental de Bogota où les autorités colombiennes finirent par l´identifier. Des tests ADN confirmèrent la parenté de cet enfant avec Clara. Avec l´aide de psychologues, Clara récupéra son enfant à son retour à Bogota. Sollicitée ça et là pour témoigner sur ses six années passées en otage chez les FARC, elle commença par dévoiler ce que fut sa vie: «je n´ai pas vécu avec les FARC sinon je fus isolée. C´est ce qu´ils font : ils séquestrent des gens innocents et les éloignent de tout. C´est inhumain. C´est un crime de lèse-humanité». C´est ainsi qu´elle s´exprima, sans détour, devant des dizaines de journalistes à son arrivée à Madrid, invitée à participer à un congrès international des victimes du terrorisme auquel assistaient plusieurs centaines de personnes. Qui sont-ils finalement ces rebelles des FARC, se demande l´opinion publique latino-américaine qui, dans sa majorité, les traite de terroristes coupés de la réalité colombienne contemporaine. Au lendemain de la libération de Clara Rojas et de Consuelo Gonzalez de Pedromo, le président Chavez provoqua une tempête médiatique en réclamant un statut politique d´insurgés aux FARC afin d´accélérer le dialogue et faciliter la libération de centaines d´otages qui croupissent dans la jungle entre les mains rebelles. Très rapidement, le président colombien répliqua que les guérilleros sont bel et bien des terroristes pour leurs activités de séquestration d´innocents civils et leur complicité avec les producteurs et les trafiquants de drogue. Aussi bien les Etats-Unis - principale victime de la drogue colombienne - que l´Union européenne considèrent les FARC comme un groupement terroriste et ont fait savoir qu´ils n´ont pas l´intention de changer d´opinion tant que les rebelles n´auront pas libéré les otages. La présence parmi ceux-ci d´Ingrid Betancourt, uns Franco-colombienne qui fut une candidate écologiste à l´élection présidentielle de 2002, donne une dimension internationale au statut des FARC. Face aux pressions de Chavez pour accélérer la libération d´une quarantaine d´otages contre celle d´un demi-millier de rebelles prisonniers de l´armée régulière, le président colombien Alvaro Uribe lança une contre-offensive diplomatique, en commençant le 20 janvier une tournée dans quelques capitales européennes. A Paris, après son entrevue avec le président Nicolas Sarkozy, il constata que «horloges de Colombie et de la France sont parfaitement synchronisées», alors que la France reste solidaire de l´Union européenne pour maintenir les FARC dans la liste des organisations terroristes et ne leur accordera pas le statut de belligérant comme le souhaite Hugo Chavez. Sans doute pour modérer l´influence vénézuélienne, le président Uribe relança l´idée d´une médiation de la France, de l´Espagne et de la Suisse avec la collaboration de l´église catholique très introduite auprès de populations colombiennes qui vivent dans les zones les plus reculées du pays qui compte, rappelons-le, 300.000 km² de forêt vierge sur une superficie totale de 1.141.748 km² avec une population de 45 millions d´habitants. L´église aurait un plan qui prévoit la création d´une zone démilitarisée de 150 km² alors que les FARC en réclament 800 km² pour effectuer l´échange humanitaire. Raul Reyes, le numéro deux des FARC, avait également rejeté l´idée intérimaire d´une mission médicale du CICR destinée à assister certains otages qui ont des problèmes sérieux de santé. Malgré la contre-offensive du président colombien, les partenaires européens sont conscients que le président Chavez jouit de la sympathie de la rébellion colombienne et demeure un atout non négligeable dans le processus de négociation destiné à obtenir la libération des otages. Tout en rejetant sa pression politique ces partenaires le ménagent afin de ne pas envenimer une situation fort complexe et dans l´intérêt de l´opération de sauvetage des otages.


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