Algérie

Oser des réformes possibles



«L'homme se découvre quand il se mesure avec l'obstacle». Saint-Exupéry

La fin de cette année qui a été riche en déclarations dénuées du bon sens élémentaire, contradictoires au sein d'une même majorité, à l'intérieur du FLN, tantôt atomisé tantôt rassemblé, excessives ou à l'emporte-pièce... Il y en a eu pour tous les goûts, comme les autres années. Et comme le pays est à la veille d'un important rendez-vous politique, toutes les salves ont été tirées. Chacun a planté son drapeau sur sa crête avec les soucis premiers de n'écouter que son propre écho, et surtout de ne se rapprocher de personne. De fait, beaucoup d'appareils, d'acteurs politiques, d'administrateur de rentes entendent reconduire le système en l'état, bouger quelques meubles et «tripoter» la périphérie. Les orientations réformatrices de M. Bouteflika, les propositions des élites, de la société civile, les séismes au Maghreb, les points de vue des opposants crédibles sont balayés d'un revers de main levée depuis des lustres, malgré toutes les intempéries. La classe politique officielle n'éclaire aucunement le paysage, figée sur ses rentes et privilèges car elle estime que l'Algérie et le reste du monde commencent et se terminent aux frontières de son seul monde, protégé pour l'éternité de tous et de tout.

Clairement affichées, les perspectives d'avenir selon la majorité seront les mêmes que l'année dernière et celles d'avant. Les mêmes directions seront suivies et le quantitatif grâce aux hydrocarbures remplira les courbes et les statistiques. Les cacophonies à venir risquent donc, s'il n'y a pas de ruptures aussi fracassantes que celle de 2011.

La continuité dans l'immobilisme est la bible d'une gouvernance tatillonne et surtout conservatrice. Le FLN et le RND entendent et feront tout pour que la configuration parlementaire et gouvernementale de 2011 soit reconduite. Le MSP, replacé dans l'opposition soft, rêve que des millions de voix dites islamistes et les «barbefelenes» déçus du belkadémisme et ses rivaux le rejoignent par vagues. Les autres dispersés, concurrents, ennemis, chercheurs assidus de subventions et de strapontins crient déjà à la fraude, la mainmise du DRS, la patte molle du wali, aux «ruses» des appareils, au rétrécissement drastique des droits de réunion et de manifestation et expriment leur impatience pour avoir «leur» TV, et attendent les observateurs étrangers, etc. Dans un paysage tellement familier et des discours si vieux, si archaïques malgré des «titrailles» sensationnelles, on s‘agite dans le vide. Des associations de jeunes d'où la femme est exclue sont dirigées par des hommes-transfuges aux portes du 3ème âge, veulent avoir « leur» parti et leurs députés. Leurs chances sont sérieuses peur avoir gain de cause. Des «familles recomposées» nationalistes et islamistes font les mêmes calculs avec, elles aussi, de fortes chances de participer à la fête foraine si la même architecture est reconduite dans ses fondements pour atomiser ce qui est déjà une mosaïque surréaliste.

Les seules «fausses notes» qui se font entendre là ou dominent les artisans méticuleux du suicidaire «rien ne doit changer» (RNDC) sont venues du président de la République qui frappe aux portes de l'histoire et de la légende. Sachant l'importance accordée par les Algériens et le monde extérieur aux législatives de 2012, le chef de l'Etat a voulu les encadrer par tous les soins et toutes les garanties possibles qui crédibiliseront ses réformes, réhabiliteront l'acte électoral et donneront une plus-value de crédibilité et de sérieux au régime et à un système qui ne sont pas la Corée ou Cuba et qui ne sont pas «seuls au monde». On prête au président Bouteflika la volonté d'opérer des réformes et des ruptures au niveau des potentialités nationales et du rôle qui doit revenir au pays sur la scène internationale.

En amont de nombreuses décisions politiques, le premier magistrat a saisi le Conseil national économique et social pour une large concertation nationale, étalée sur des mois et couvrant tout le pays pour écouter les acteurs «naturels» et décisifs du développement à la base, dans les collectivités territoriales. Les élus, les directions exécutives, le wali en tête et les associations de la société civile agréées ou non ont été écoutés, souvent dans des séances marathon, regroupés dans des assises régionales et des ateliers qui ont abouti à des recommandations nombreuses destinées in finie à M. Bouteflika. A travers une saisine au plus haut niveau, singularisée et marquée du sceau de l'importance accordée pour deux interventions successives de M. Bouteflika. La première lors du Conseil des ministres du 2 mai et la seconde le 28 août 2011 durant laquelle le chef de l'Etat annonce que «les conclusions et les recommandations de ces assises seront intégrées dans le programme national des réformes, et le gouvernement sera comptable de leur mise en oeuvre. Le déroulement de la concertation en question a été, pour un journaliste, un stage pratique in situ d'une grande richesse en informations diverses et une immersion dans le pays profond dont les soucis sont aux antipodes des appareils des microsomes algérois mûs par «la course à l'échalote». Et c'est aujourd'hui la dernière étape de la concertation menée par le CNES qui verra les participants aux assises nationales finaliser, après débats, la quintessence de tout ce qui a été récolté depuis des mois. Le destinataire-décideur, M. Bouteflika validera ce qu'il aura estimé être réformateur, novateur à inscrire dans les réformes globales. Avant les législatives prochaines qui peuvent être une grande étape pour les réformes.

Ces dernières, déjà précédées par des atteintes aux libertés, des lois ringardes, avec en arrière-fond toutes les manipulations d'élections antérieures, nombreuses depuis 1962 qui ont reconduit la pensée unique, les «tuteurs» et les «tutelles», l'hégémonie d'un conglomérat et de l'administration, seront une rupture fertile ou un autre acte castrateur. Tous les partis, traditionnellement partie prenante des législatives, la longue liste d'attende (aussi longue que celle des quotidiens bidon portés par le Trésor public) sont sur le départ. Seul le FFS attend de tenir sa conférence nationale fin janvier 2012, pour acter sa participation ou non aux élections prochaines. Le «contrat national» que prône le FFS pour aller à «une véritable démocratie et à une deuxième république» qui est l'expression politique d'un large consensus est à la portée de l'Algérie en cette phase particulière pour le pays et le Maghreb. La participation du FFS, si elle se construit avec le pouvoir, sera assurément un déclic et une séquence majeure. Cette dernière mettra fin à l'hégémonie à plusieurs têtes, comme une hydre qui étouffe la société, en crédibilisant en Algérie et à l'extérieur un scrutin, une direction et des réformes qui fédèrent. La formation de M. Aït Ahmed ne peut être qu'un atout de plus pour l'avenir du pays. Mais si la sainte alliance sort l'artillerie, tout sera différé pour une autre génération, alors que le changement est possible, si les politiques osent bousculer le statu quo et mettre l'intérêt et l'avenir de l'Algérie au-dessus des quotas et des rentes qui saignent les citoyens, font régresser le pays qui peut vivre un cataclysme contre lequel seules les réformes et la démocratie peuvent l'immuniser.








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