Algérie

Origines et facteurs explicatifs



L'Algérie vit depuis le début des années 80 une double transition- Une transition démographique, se traduisant par un vieillissement de la population constatée par le prolongement de l'espérance de vie à la naissance, se situant actuellement à 78 ans.
- Une transition épidémiologique, traduite par le passage des maladies transmissibles (dont la plupart guérissables par la vaccination), à des maladies chroniques lourdes, comme le diabète, les cancers, les maladies cardio-vasculaires et les accidents de la route, qui, eux, ne sont pas des maladies, mais dont la prise en charge médicale des personnes accidentées est coûteuse. Ce nouveau profil épidémiologique concerne plus de 10% de la population âgée et cette proportion est en constante évolution.
- Les cancers, le diabète et les maladies cardio-vasculaires deviennent les affections prédominantes dans le profil épidémiologique du pays.
La prévalence, l'incidence et la mortalité de ces trois seules maladies progressent rapidement et leur prise en charge risque de se faire au détriment d'autres affections. L'incidence du cancer est passée de 80/100 000 en 1990, à 130/100 000 en 2010, pour se situer aujourd'hui à 180/100 000.
La prévalence du diabète se situe entre 10 et 12% et a progressé à 15% aujourd'hui. Le Plan national cancer 2015-2019 est évalué à 1,5 milliard d'euros et la prise en charge du diabète coûte au pays 800 millions d'euros environ.
Face à cette évolution tendancielle des maladies chroniques et des coûts de leur prise en charge, le profil des médecins sortants, les généralistes, ne répond plus aux besoins de soins spécialisés, qui sont du ressort des médecins spécialistes, entre autres les médecins-résidents, qui en font partie.
Face à cette évolution rapide de la transition épidémiologique, qui n'a épargné aucune région du pays et aucune maladie chronique/tendancielle, le nombre de médecins spécialistes exerçant dans les secteurs public et privé n'a pas suffi pour répondre à la demande en soins spécialisés de la population algérienne. Cette contrainte en couverture médicale spécialisée a amené les décideurs en charge du secteur de la santé à recourir aux médecins-résidents (qui sont en fait des étudiants finissant leur spécialité) pour répondre à l'urgence des besoins en évolution rapide, notamment dans les agglomérations de l'intérieur du pays (Hauts Plateaux et régions du Sud).
La solution adoptée est de faire appel à ces spécialistes-étudiants-résidents pour couvrir les besoins des régions concernées, évoqués précédemment, en attendant la croissance du nombre de spécialistes à disséminer à travers tout le territoire national. La solution proposée est l'utilisation du mécanisme d'affectation de ces spécialistes étudiants dans les régions où la durée du service civil est modulée en fonction du critère de «déshérité», variant de 1 an, pour les régions les plus déshéritées, à 4 ans, pour celles qui le sont moins. La durée de ce service civil varie de 1 à 4 ans.
Pour cela, les régions (hôpitaux, unités de soins) d'affectation de ces médecins-résidents doivent mettre à la disposition de ce type de personnel un logement et il leur est délivré des billets d'avion annuels. En plus, on leur attribue une indemnité financière, modulée également selon les régions d'affectation.
Mais le problème de fond, d'ailleurs principale revendication de ces spécialistes-étudiants, est l'absence dans les structures sanitaires d'affectation de moyens pour effectuer convenablement leur travail et se situe dans les plateaux techniques (radiologie, équipements, scanners, radios, médicaments, etc.), dans les urgences, manque de tensiomètres et autres moyens de diagnostic, ce qui les tourmente, car ne pouvant pas exercer leur métier convenablement et également ne leur permettant pas de progresser dans le développement de leur métier et venant gêner le développement de leur spécialisation.
Aussi, l'encadrement par des praticiens de niveau doctoral (professeurs, docents, maîtres-assistants) n'est pas disponible dans ces structures des régions déshéritées, d'où le sentiment d'absence d'encadrement dans l'apprentissage de leur spécialité.
Aujourd'hui, constatant que le développement de leurs connaissances médicales et scientifiques ne progresse pas, ils ont le sentiment d'être abandonnés, car considérant que s'ils étaient affectés dans les grands hôpitaux du Nord (CHU, EHS?.), ils auraient les moyens de diagnostic et de traitement pour exercer leur métier et également ils seraient mieux encadrés et pourraient convenablement développer leurs connaissances afin d'être efficaces dans l'exercice futur de leur profession/spécialité.
Aussi, la proposition, mal placée, de l'administration du ministère de la Santé, leur indiquant qu'ils peuvent exercer quelque temps dans des cabinets et cliniques privées de leur lieu d'affectation pour disposer d'un peu d'argent, les a profondément affectés dans leur amour-propre, car ils ont senti que leur dignité a été écorchée.
Ils l'ont fait clairement signifier à l'administration du ministère de la Santé qu'ils ne cherchent pas l'argent et qu'ils ne sont pas à vendre.
Un autre élément les a affectés et à travers lequel ils ont durci leur mouvement de grève se sentant les seuls à subir deux charges, à savoir le service civil et le service militaire (pour les garçons) considérant cette charge lourde pour ceux notamment qui prévoient des fonctions stables, réaliser leur rêve de la vie : se marier, exercer leur métier honnêtement et vivre dans la dignité et la noblesse de leur métier, comme tous les Algériens et aussi aider leurs parents pour ceux qui sont démunis. Leur passage à tabac par les policiers et les blessures qu'on leur a occasionnées les ont touchés dans leur amour-propre et ils s'en sortent fortement affectés.
En conclusion, j'estime que le service civil doit être abrogé et ces futurs médecins-résidents termineront leurs études et seront des spécialistes à part entière pouvant ouvrir leur propre cabinet ou être recrutés comme des spécialistes fonctionnaires dans les CHU/EHS.


Par le professeur Lamri Larbi
Docteur d'Etat en sciences économiques, spécialisé en économie de la santé et de la Sécurité sociale, professeur à l'université d'Alger, faculté des sciences économiques, commerciales et de gestion, enseignant associé à l'Ecole nationale du management de la santé (ENMAS Bordj El Bahri), enseignant vacataire à la faculté de médecine d'Alger pour les 6es années, enseignant vacataire à l'Ecole supérieure de Sécurité sociale (ESSS Ben Aknoun). [email protected]


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