Algérie

Oranitudes



A quand la fin de l’esprit de douar grand format ? Il fut un temps où les réalisateurs oranais de l’ENTV se plaignaient d’être les parents pauvres, les oubliés de leurs confrères de la capitale. Ils seraient à même d’être de malheureuses victimes d’une «censure» qui étoufferait un talent certain et n’attendant que les conditions propices pour éclater au grand jour. C’est ce qui fut même exprimé lors d’une grève parmi cette floraison qui avait suivi l’ouverture qui suivit les émeutes d’octobre 1988. Le temps est passé et l’époque aussi. Le marché de la production cinématographique a été relativement ouvert à la libéralisation et une bonne partie de ces cinéastes a investi, certes timidement, ce marché balbutiant, tout en gardant pieds dans la boîte mère qui reste, à l’instar des autres secteurs étatiques, le principal pourvoyeurs de fonds. Puisque, comme on me l’a si bien précisé (avec ironie même), il y a un hiatus dans le terme de producteur, chez nous; étant donné que l’argent vient toujours de l’Etat: «on devrait plutôt parler de producteur exécutif puisque aucune production n’est fiancée sur fonds propres. Ce qui est extensible à la majeure partie des entrepreneurs de l’économie du pays. A la faveur donc de manifestations culturelles, des cinéastes oranais ont pu tourner des projets tout à fait personnels, ayant eu l’occasion de nous montrer ce dont ils pouvaient être capables en matière de création. Alors, bien sûr, on peut se mettre dans la peau d’un nombrilisme provincial -avoué ou inavoué– et s’étaler dans une pamoison pour applaudir à chaque fois que l’écran nous déroulerait un générique de figures artistiques locales mises en spectacle par le tour de manivelle d’un cinéaste «bien de chez nous». Non! Je ne joue pas à ce jeu-là. Et d’autant plus que, depuis un certain temps, les motivations lucratives (personnelles et probablement légitimes) font interférences avec les considérations artistiques. Je ne suis pas un provincialiste et personne ne devrait l’être en 2008 où il est même de devoir le faire savoir. La dernière production oranaise a été présentée jeudi passé, pour la seconde fois, à la salle Ouarsenis de la Cinémathèque algérienne. C’était «Le Peintre» (fiction de 52’) de Mohamed Houidek que le tout petit Oran culturel connaît bien, évidemment. Ce film était financé par le budget de «Alger, Capitale de la Culture arabe 2007» et la projection fait partie d’une série d’autres programmées dans le cadre du Salon de la communication, actuellement ouvert au Palais des expositions. S’il fallait être sans complaisance, il faudrait dire que ce film ne rend pas service aux peintres algériens et encore moins à ceux qui se trouveraient dans un douar perdu dans l’arrière-pays. Il n’y a aucune vraisemblance avec la réalité et ce peintre-là (s’il en fut) procède d’un raccourci de l’imagination dont tout le reste du film est truffé. Ce dernier, tout entouré et lové par son univers familial féminin, incompris bien sûr (mais ça, c’est banal chez nous), à la fulgurante vision d’une femme, au cours d’un rêve, et s’empresse d’en faire le portrait avec le génie d’un maître que rien ne démontre, par ailleurs. Cette apparition visionnaire sera la femme de sa vie et personne d’autre. Ça tombe à pic avec l’année de la culture arabe et il part à Alger où il expose et fait la rencontre miraculeuse, dans une incroyable pirouette du scénario, avec la femme peinte qui va, bien entendu, concrétiser son coup de foudre virtuel. Cette dulcinée vient des Emirats. Nous y voilà donc… Car là se trouve le fin mot, la philosophie de l’histoire: derrière toute cette construction et ces détours narratifs rocambolesques, ce que le cinéaste a voulu «démontrer», c’est… l’éclatante réussite de cette manifestation culturelle et, au-delà, l’harmonie angélique du monde arabe. Sincèrement, il faut le faire. Alors que ce monde arabe est plus éclaté que jamais. Tant d’investissement humain, financier et matériel, pour ramer à contre courant d’une réalité, pourtant dramatiquement aveuglante. Si c’est ça le génie oranais méconnu, pardon, attendons des jours meilleurs. Brahim Hadj Slimane


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