Algérie

Oranitudes


L’étonnant phénomène Mihoubi Dans le paysage local du théâtre, il y a un phénomène théâtral; celui de Mohamed Mihoubi et il est symptomatique de l’état de cet art, aujourd’hui, avec ses paradoxes et ses particularités oranaises. Pour ceux qui ne le savent pas, Mohamed Mihoubi est l’un de ceux qui ont le plus de succès sur scène à Oran, auquel on peut ajouter celui du duo Mourad Senouci - Samir Bouanani avec le One Man Show Moutazaouej fi ‘outla, mais pas avec les mêmes sujets, ni le même public. Durant ce mois de Ramadan, deux soirées de suite, au Palais de la Culture et au Théâtre Abdelkader Alloula, le spectacle de Mihoubi «Allô Président» a fait salle comble. Lundi dernier, quelle surprise par rapport aux soirs précédents où, parfois, il fallait étirer le temps, à l’orientale, pour constituer un parterre de public. Ce lundi-là, c’était la ruée et, presque en un clin d’œil, le théâtre était bondé. Beaucoup de jeunes de milieu manifestement populaire, très excités et bruyants. Soudainement, ça a démarré sur les chapeaux de roue avec un générique projeté sur écran vidéo et musique tonitruante, puis Mihoubi a déboulé sur scène sous les cris et les applaudissements. C’était à se demander si on n’était pas dans un concert de Rock. En fait, Mihoubi étalait son label, ce qu’il appelle son théâtre technologique ou expérimental. Le sujet de la pièce ou de ce show (on ne sait comment définir ce spectacle), c’est un groupe de SDF dont Mihoubi campe le personnage du chef leader et qui, un beau jour, se réveille surpris par les préparatifs de la visite imminente du Président de la République. D’où le titre politiquement aguichant du spectacle que l’on pouvait penser sulfureux. Mais il n’en est rien et, sous l’emballage, le contenu est maigre et fade. On pourrait penser, comme le laissent penser les thèmes abordés par l’auteur, que c’est un théâtre social. Mais ce n’en est pas un ou alors superficiel, vaudevillesque, dans lequel, pour Allô Président, le SDF est tourné en dérision, avec des caricatures insistant sur sa situation pour laquelle, d’ailleurs, l’ordre social n’est nullement incriminé. En un mot, on est inondé par un misérabilisme qui fait l’effet d’un repoussoir, lorsqu’on est bien installé dans son fauteuil à digérer son repas. On est loin, très loin d’un Alloula. Mais alors d’où vient le succès de Mihoubi et comment mobilise-t-il ce public? Là est l’énigme. A cela, plusieurs raisons. D’abord, c’est un artiste très actif, qui a grandi avec une passion pour le théâtre dans l’ancien TTO dont il a hérité et qu’il a transformé en l’association Amel; ce qui est un mérite. Au fil de ces dernières années, il a brassé beaucoup de talents qui affluent vers lui pour se lancer dans l’art de la scène. C’est la pépinière de ce public de proximité qui le suit et le soutient, comme une nuée de fans chez qui, malheureusement, on ne sent pas les dispositions d’un public de théâtre. Parce que justement celui de Mihoubi est ambigu dans le fond et la forme. A partir d’un canevas, il improvise souvent, remplit des cases avec un patchwork de tirades puisées dans l’actualité de la vie quotidienne. Il interpelle le public, comme dans un gala de musique, déchirant le voile magique de la scène, ôtant la dramaturgie inhérente du théâtre et l’on a la sensation d’être dans la rue. Il banalise le théâtre, comme si celui-ci est à la portée de n’importe qui. Hélas non, le théâtre ne peut pas être à la portée du premier venu et du jour au lendemain. Par ailleurs, ce genre de théâtre, si on peut dire, a aussi montré que le public a besoin de voir évoquées ses conditions de vie et ses préoccupations existentielles. Il va vers là où il sent un effet de miroir. A sa manière, Mihoubi en a eu l’intuition et c’est une piste perdue à retrouver en revisitant les Anciens. Par Brahim Hadj Slimane
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)