Ce peu, énorme et fuyant
Il suffirait de peu -et c’est ce peu qui est énorme et fuyant- pour qu’un renouveau artistique émerge du semi-chaos de la société algérienne. C’est un événement tout à fait marginal, fortuit. Une initiative individuelle et privée: un repas offert par Leïla Ferhat, artiste-peintre marraine de ses confrères, chez elle, auquel elle a convié ses amis plasticiens, dispersés, et les organisateurs du 3e Salon méditerranéen des arts plastiques. Salah Hioun et son épouse, conservatrice du Musée de Bou Saâda, Mohamed Oulhaci et son épouse, Malika Nekkache, Othmane Mersali, Afif Cherfaoui, Noureddine Belhachemi, Mohamed Hankour, Mekki, directeur de l’Ecole des Beaux-Arts d’Oran, Abdelhamid Aroussi, président de l’Union Nationale des Arts et de la Culture (UNAC ), et quelques autres amis de la peinture dont votre serviteur qui crie haut et fort que cet art garde encore entier son mystère thérapeutique pour les initiés. En particulier lorsqu’il explore le monde de l’invisible et se libère du formalisme scolastique.Un grand et simple couscous réunissant tout ce beau monde dans ce salon connu des habitués de la maison où Maître Ferhat était présent par un portrait sur toile, très XIXe siècle, et une petite photo de jeunesse. Maître Ferhat qui est normalement connu mais dont il faut rappeler que ce fut un militant pionnier de la lutte anticolonialiste, homme mesuré, défenseur des droits de l’homme qui eut plein d’autres activités et fonctions étatiques. Sa femme est une figure de la peinture algérienne et d’encouragement pour ses consoeurs. Enfin, elle tient sa maison ouverte. Et c’est là qu’elle suscite une estime unanime pour tout son environnement de plasticiens. Peut-être, sans le savoir, elle a montré cette voie à suivre pour sortir de l’impasse, avec cette rencontre qui casse toutes les barrières, les rivalités et rancoeurs faisant obstacle à un renouveau des arts plastiques, chez nous. Imaginez que durant cet après-midi, sans objet et sans autre enjeu que celui d’être ensemble pour partager un plaisir épicurien, des fils cassés se sont reconnectés, des préjugés dépassés. Des retrouvailles entre artistes perdus de vue depuis des années, à cause de la tragédie des années 90. Car Afif Cherfaoui, Othmane Mersali et Mohamed Hankour, se sont exilés en France, à cette époque-là. Et maintenant, ils reviennent autour de projets artistiques. Leur présence au Salon des Arts plastiques a indéniablement permis de rehausser celui-ci, en lui donnant du métier et du fringant.
La voie, la piste déterrée, dans ce moment fugace -comme un oiseau inconnu qui passe dans le ciel- c’est vers l’air libre des rencontres informelles, conviviales, où ni l’esprit carriériste ni la recherche inavouée des avantages matériels et financiers ne vient s’insinuer en mauvais génie. Comme quoi, il n’y a pas que les cadres officiels et bureaucratiques qui obstruent l’horizon. Et pourtant, cette convivialité-là existait, un certain temps, et des initiatives y avaient éclos.
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Brahim Hadj Slimane
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Posté Le : 25/08/2007
Posté par : sofiane
Source : www.voix-oranie.com