A quoi sert une lumière qu’on ne partage pas ?
Ce n’était pas la grande affluence, celle du temps où Abdelkader Djeghloul animait le lieu. Ça, c’était dans une autre vie. Il y avait juste un bon parterre, cet après-midi-là, au CRIDDISH (quel sigle rébarbatif), rue Ben-Mhidi, lorsque le philosophe Georges Labica est venu donner sa conférence sur le thème «philosophie et mondialisation». Georges Labica est, grosso modo, une référence de la pensée philosophique contemporaine, inscrit dans une tradition d’engagement qui plonge ses racines dans la Grèce antique: celle du philosophe dans la cité et non dans une tour d’ivoire. Il a avancé, pas seulement des idées, mais des convictions. Et cet homme, devant qui l’âge semble avoir abdiqué, a fait planer une drôle d’atmosphère dans cette salle; comme s’il guidait les leviers d’une machine à faire remonter le temps, tout en collant parfaitement à la réalité présente. Avec une personnalité métissée de franco-algérien, en quelque sorte. Cet après-midi, en marge de l’air du temps, du vent, néo-libéral, Georges Labica a fustigé l’Oncle Sam, a sorti des armes conceptuelles oubliées par le parterre présent: impérialisme, néocolonialisme. Des causes rangées dans le grenier de l’histoire: Cuba, le Chili d’Allende, la Palestine, la conférence de Bandoeng et les leaders de l’époque: Gandhi, Nehru, Nasser, Ben Barka, Lumumba. Il a parlé des alter mondialistes et des Forums sociaux, de la montée en puissance d’une Amérique latine alternative, défiant l’Amérique de Bush. Que des choses rappelant, juste un moment, à des pairs présents, un passé où eux-mêmes prêtaient leur âme aux idées portées par l’orateur, où il voyageait dans le même train que lui -plus ou moins, selon-, avant de prendre une correspondance dans le sens inverse. Drôle de réapparition pour cette figure intellectuelle qui était de l’Algérie de juillet 62, de cette vague militante qui portait «l’utopie» d’une Algérie nouvelle, avec une vie nouvelle et un avenir radieux. Quelques années avant de déchanter et de devoir partir. Sauf que l’utopie ne s’est pas entièrement éteinte chez lui. Une utopie sincère, on meurt avec. Georges Labica a été invité par son ami et confrère Mohamed Moulfi, enseignant-chercheur à Oran. Mais d’autres philosophes oranais, il n’y en avait point dans la salle. Même pas les plus éclairés, les proches en questionnements et en valeur spirituelles. A quoi sert une lumière qu’on ne partage pas, en la matière?
Brahim Hadj Slimane
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Posté Le : 09/06/2007
Posté par : sofiane
Source : www.voix-oranie.com