«Aujourd'hui, c'est le cancer urbain. [Oran comme Alger] est malade, non
pas urbanisée mais scrofulée, chancrée, parasitée, sans qu'aucun ordre, aucune
hiérarchie, aucune structure ne donnent un minimum d'urbanité à ces milliers de
constructions». En effet, tout le monde constate le laisser-aller et la très
mauvaise gestion auxquels est livrée notre ville.
Une pluie de deux heures, à peine forte, a paralysé Oran.Les banques ne
fonctionnaient plus, les trémies ont été inondées, les routes ont offert un
paysage macabre et les trottoirs ! Les trottoirs, n'en parlons pas. Aucun coin
d'Oran n'échappe à l'état instauré, celui de l'anarchie, de l'abandon et de la
saleté.
Les architectes ainsi qu'une
bonne partie de la population locale ont confirmé la règle, il n'y a pas
d'urbanisme à Oran, et que la ville a entériné son statut de grand douar
d'Oran, livré à lui-même à la manière des bidonvilles.
Des projets d'envergure ont
succombé. D'anciens quartiers comme Les Castors ont connu le spectre du
chavirement des eaux. Mais ce qui s'est produit de plus grave, en espérant que
les pluies ne reviennent pas de sitôt, est le fait général que les Oranais ont
constaté que tous les projets d'Etat réalisés, des infrastructures aux
équipements ne sont pas fiables. Cela confirme ce que nous avons toujours dit :
nos responsables n'assument pas leurs responsabilités. Et que cela a mené à des
situations qui sont devenues insupportables pour les citoyens.
Oran, prête ou pas pour le GNL16
Dès lors, une grande question
s'impose : est-ce que notre douar d'Oran sera prêt pour l'événement fatal ? Le
GNL16 au cours duquel, semble-t-il, selon un député de l'APW, notre ville doit
accueillir plus de 5.000 invités. C'est-à-dire l'occasion de provoquer un
énorme embouteillage de la circulation, un éminent blocage de la vie économique
de la ville et, surtout, de montrer aux étrangers l'état honteux auquel Oran a
été réduite.
Bien sûr, nous nous sommes
habitués à nos responsables qui nous disent «nous ne sommes pas responsables de
cette situation, nous ne faisons qu'appliquer ce que nos hauts responsables
nous imposent».
Ce qui est certain, c'est qu'il
nous a fallu un demi-siècle d'indépendance pour gâcher le prestige de notre
ville. Alors que faut-il faire : regretter notre indépendance qui a produit cet
échec flagrant, ou regretter le temps d'une ville que nous, les moins de
cinquante ans, n'avons pas connu ? Hier encore, Oran était l'une des plus
belles villes du monde, aujourd'hui, elle est l'une des plus crasseuses.
Mais c'est la faute à qui ? A
tout le monde, pour ne désigner personne. Parce que chez nous, l'on ne veut pas
être responsable même si l'on est responsable dans le système qui nous monte
dans la tête.
L'anarchie fait bien sa route dans notre ville, et malgré cela, on veut
exposer ses tares devant les responsables du monde, dans un Palais des Congrès
qui fait déjà polémique et que les Oranais n'aiment pas. Parce qu'il leur
rappelle un mensonge qu'on veut faire à leur nom. « Que nous apporte-t-il ce
GNL16 ? Un meilleur prix de l'or noir, pour un niveau de vie qui ne fait que se
détériorer... ». C'est ce constat que tous les citoyens font tous les jours et
que nos députés qui ont multiplié leurs salaires ne veulent pas entendre.
L'urbanisme, ce sont toutes ces
questions, il doit tenir compte de toutes les conditions, sociales,
culturelles, politiques, artistiques devant permettre à une ville de se
développer harmonieusement. Il ne faut pas sortir de Saint-Cyr pour se rendre
compte qu'un projet de la ville n'existe pas à Oran, que tous les projets mis
en place ne sont pas remarquables, ou que leur réalisation est globalement mal
ou pas du tout gérée. Beaucoup d'Oranais ont honte de ce qu'Oran est devenue,
nous avons même entendu certains qui n'hésitent pas à dire qu'ils regrettent
carrément d'être Algériens. Faut-il taire par la force cette réalité devant nos
dirigeants et faire semblant comme si de rien n'était pour faire plaisir à leur
égo autoritaire jusqu'au temps de la grande implosion sociale ?
Si nous pouvons éviter à notre
ville, à nos villes ce type de schéma, nous avons tout intérêt à agir, mais
surtout à bien agir le plus rapidement possible.
Résolutions à prendre
Ainsi donc, parmi les premières résolutions à prendre, est celle de déplacer
l'événement du GNL16 à Alger. Ce n'est pas parce qu'Alger est dans un meilleur
état, mais parce qu'Oran, vu l'état gravissime dans lequel elle est, ne mérite
même pas son statut de ville, et nous ne voudrions pas montrer cette situation
d'abandon, d'inaptitude à gérer l'urbain qu'elle connait aux responsables du
monde. Evitons-nous donc les scandales et implorons Dieu pour qu'ils n'y aient
pas d'autres pluies qui détruiraient le reste de ce que l'Etat a édifié
récemment. La deuxième résolution à prendre est celle de cesser d'agir par la
logique de la priorité. Il faut trouver le moyen d'équilibrer le développement
de la ville, de manière à ce qu'aucune partie ne soit plus importante ou moins
importante que ces voisines. Cela signifie l'acceptation de l'idée que chaque
partie de la ville a son histoire, donc elle est importante, et qu'elle mérite
un plan d'action. Celui-ci doit être accompagné par des politiques de
concertation, de consultation intensive auprès des spécialistes de la ville, et
établi dans la transparence totale. Dans ce type de démarche, le travail de
publicité, comme d'établir des affichages partout qui montre ce que les acteurs
politico-administratifs comptent faire, est vital. Nos autorités censées être
compétentes en la matière ne font jamais ce type de démarche. Troisième
résolution est plutôt politico-politique. Il s'agit de mettre nos responsables
devant leurs responsabilités à l'échelle nationale et locale. C'est-à-dire
qu'ils doivent les assumer en démissionnant par exemple, notamment lorsque le
terrain d'action ne s'améliore pas. Nous savons tous que la logique des réseaux
d'amitié et des intérêts arrangés prend le dessus sur la logique des
compétences et de la sensibilité au faire. Il est certain que tant que nous
n'avons pas interrompu ce mode de dysfonctionnement dans l'appareil
politico-administratif pour le remplacer par un mode de fonctionnement qui
impulse les individualités créatives, nous ne pourrons pas mettre un pied dans
la sphère du véritable développement.
* Architecte - Docteur en urbanisme, Maître de conférences B
Nous reprenons ces paroles de DELLUZ (Jean-Jacques), Alger chronique
urbaine,
Editions Bouchene, Paris, 2001, p.7. (architecte-docteur en urbanisme, maître
de conférences B)
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Posté Le : 26/09/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Benkoula Sidi Mohamed El Habib *
Source : www.lequotidien-oran.com