Le désormais
Festival d'Oran du Film Arabe (FOFA) se propose, à partir d'aujourd'hui, de
refléter la richesse de la cinématographie arabe, à l'aune des révoltes
tunisienne, égyptienne, libyenne, syrienne, yéménite… Le moins que l'on puisse
dire, est que cette 5e édition se déroule dans un contexte particulier.
Inviter la Tunisie, l'Egypte, ou la Syrie en 2011, n'est pas
seulement accueillir des pays qui ont signalé au monde leur besoin de changer
d'histoire, leur besoin de liberté, leur force collective et leur désir de
démocratie, c'est aussi accueillir de grands pays de cinéma qui tiennent à
défendre les libertés artistiques, morales, professionnelles et économiques de
la création cinématographique et qui souhaitent inventer de nouveaux symboles
en réorganisant le cinéma et l'audiovisuel afin d'accompagner la conscience
collective. La programmation de cette 5e édition se veut être une fenêtre qui
ouvre ou du moins éclaire sur la complexité des situations politiques et
sociales de ces pays. Oran n'est ni Cannes, où ont été proposés 1700 films pour
visionnage et sélection cette année, ni Bollywood,
l'usine à rêves de Bombay qui fonctionne à plein rendement.
Le 7ème art
arabe, un cinéma en quête de repères
Compte-tenu de la disette actuelle dans le domaine de la production
filmique dans le monde arabe, aligner 12 longs métrages en compétition et
réunir les artistes et cinéastes de 18 pays, est une gageure Le travail réalisé
par les équipes de programmation et d'organisation du FOFA doit être salué.
Quels que soient les couacs enregistrés, on ne peut qu'être satisfait de ce
panorama exigeant et singulier, qui compte aussi de nombreux films courts et
des documentaires (exceptionnellement cette année). Trois jurys, composés de
personnalités des arts et de la culture, décerneront les prix aux lauréats. Les
cinéastes arabes ont toujours été à l'écoute des soubresauts de l'histoire.
Leurs films évoluent au rythme des mutations des sociétés qu'il reflète. Qu'il soit
égyptien, libanais, syrien, marocain ou tunisien, chaque cinéma développe ses
problématiques particulières.
Durant ces
dernières décades, quelques Å“uvres de qualité ont été produites : Beyrouth :
Vérités, Mensonges et Vidéos de Mai
Masri (Plestine-Liban-2006), Les
Bottes du général de Akram Agha (Syrie-2008), Déluge
au pays du Bass, de Omar Amiralay (Syrie-2003), Sans
plomb de Sami Tlili (Tunisie-2006), Domia de Reem Al Bayat (Arabie saoudite-2010), Yousri
Nasrallah ou encore Mercedes (1993), l'Aquarium
(2008), la Porte
du soleil (2004), et Femmes du Caire (2009)… Ces productions n'ont rien à
envier aux films récents des pays arabes, réalisés cette année, en pleine
effervescence, tels 18 jours, film collectif de 10 réalisateurs égyptiens, Plus
jamais peur, du Tunisien Mourad Bencheikh, Tala'eh d'un collectif syrien, Sur la planche, de la
marocaine Leïla Kilani, Amina, de la Yeménite Khadidja
Al Salami, film réalisés dans l'urgence qui, outre de donner une vision des
révoltes égyptienne, tunisienne, marocaine ou yéménite, montrent les hommes et
les femmes qui font le monde arabe d'aujourd'hui.
Le monde arabe ne
manque ni de créateurs de talent, ni de compétences, ni de savoir-faire
technique. Ceci-dit, malgré tous ces atouts, la
vitalité des cinématographies arabes fait défaut. Parmi les deux ou trois cents
films produits dans le monde arabe ces dernières années, les bons films font
cruellement défaut, sauf exception bien sur ! Balbutiantes et fragiles, en
comparaison à celles des voisins du Nord, les structures cinématographiques
arabes ne brillent guère par leurs productions. On aurait souhaité programmer à
Oran, des films sur Al Khawarizmi le savant, Ibn Khaldoun
l'historien, Al Farabi, le mathématicien, Al Farazi, le physicien, Al Makdisi,
l'astronome, Al Abbadi, le chimiste, Ibn Sina, le philosophe… Encore faut-il une imagination
fertile, un esprit créateur, et surtout, une liberté d'expression et des moyens
appropriés. Ce qui fait cruellement défaut dans cette contrée.
Il faut,
peut-être, chercher ailleurs les raisons des pesanteurs. Un festival est une
opportunité pour dresser un état des lieux, relever ici et là les capacités à
dire et à se dire, estimer et évaluer sous quelles conditions et pour quels
objectifs, le cinéma, en tant qu'outil de communication, peut être réapproprié
pour des paroles neuves. Le FOFA se propose tout simplement de revisiter les
champs et contre-champs de la cinématographie arabe,
d'analyser les Å“uvres marquantes contemporaines, de célébrer les films et
cinéastes dont les styles, écritures et thématiques sont à même de laisser des
traces dans les mémoires. Le public oranais est invité à visiter ou à
revisiter, à partir de son fauteuil, de nombreux pays : le Liban déchiré par la
guerre avec Et maintenant on va où ? de la Libanaise Nadine Labaki (2011), le Maroc avec Andalous ya
lehbiba, la Tunisie avec Dima
Brando, la Jordanie
avec Transit, la Palestine
avec Habibi Rasak Kharban, l'Egypte avecKaf El Kamari… Il aura également tout le loisir de découvrir les
pays arabes à travers ses courts-métrages et ses documentaires.
LE FOFA, UNE
FENETRE OUVERTE SUR LES CINEMATOGRAPHIES ARABES
Rendons hommage
au cinéma syrien qui en dépit du nombre très restreint de films réalisés ce
pays s'impose par la qualité de ses films. Rendons hommage également aux
cinéastes palestiniens qui, dans des conditions particulièrement pénibles, pour
ne pas dire très risquées, témoignent de la réalité sordide de leur quotidien.
Un regret cependant : la
Tunisie, qui il y a quelques années était très prolifique,
n'a produit qu'un long-métrage cette année. De nombreux films sont cependant en
gestation, la plupart, fictions ou documentaires puisent leurs scénarios dans
ce que l'on a appelé de manière abusive « Le printemps arabe ». Ces films n'ont
pas un dénominateur commun. Chaque cinéaste a ses préoccupations, et sa manière
propre de s'exprimer, de dire ses vérités, de dénoncer les dysfonctionnements
de sa société. La démarche stylistique des uns peut-être aux antipodes de celle
des autres.
Ce festival est
un des rares, sinon le seul, à s'attacher particulièrement au problème de la
cinématographie tel qu'il se manifeste aujourd'hui dans le monde arabe. Des
films sont produits, même dans des pays ne disposant pas d'infrastructures
cinématographiques. Persuadé que la culture peut réussir à cimenter l'unité des
peuples et que le cinéma, la télévision et l'audiovisuel, parce qu'ils
favorisent précisément la création, la diffusion culturelle et la circulation
des idées, peuvent être des instruments à même de construire des rapprochements
entre les peuples et les cultures, les initiateurs du FAFO sont persuadés du
fait que le cinéma, véritable passerelle populaire entre les peuples et les
cultures, peut contribuer à dépasser les incompréhensions. Un festival, ce sont
certes des films en compétition, mais aussi des rencontres autour de multiples
activités connexes : atelier de formation, hommages, tables-rondes…
Ce rendez-vous
d'exception sortira, sans nul doute, Oran de sa morosité et installera la
ville, la région et le pays au croisement des cinématographies arabes. En
établissant une ou plusieurs passerelles en direction de l'histoire
contemporaine, en mettant à jour les aspects complexes qui échappent parfois
aux plus avertis, et enfin, en essayant de comprendre et de faire comprendre ce
que les films disent, font ressentir et transmettent comme émotion aux gens qui
vont les voir et pour lesquels ils ont été réalisés, Oran deviendra à terme,
une véritable Agora du film arabe. Telle est notre espérance.
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Posté Le : 15/12/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mohamed Bensalah
Source : www.lequotidien-oran.com