Algérie

Oran: Peine capitale pour les assassins de Mers El Kébir



? S. Tayeb et S. Mohamed, 23 et 24 ans, viennent d'être condamnés à la peine capitale par le tribunal criminel d'Oran pour s'être rendus coupables du meurtre, avec préméditation de B. Noureddine et de tentative d'assassinat de son frère Smaïl.Agression bestiale
Les événements qui ont conduit les deux jeunes gens au box des accusés de la Cur d'assises, remontent à octobre 2014 lorsqu'aux environs de 19h, les consommateurs attablés à un café de Mers El Kebir sont surpris par l'attaque brutale de deux jeunes, armés de couteaux de bouchers (que certains prennent pour des épées) contre B. Smaïl, habitant de la localité qui venait de s'asseoir à une table : «Nous revenions de l'hôpital d'Aïn Türck où Smaïl s'était fait déplâtrer la jambe. Il avait envie de prendre un café avant de rentrer à la maison», témoignera Rokaya, compagne du malade. De fait, Smaïl venait de s'asseoir et de poser ses béquilles quand il s'est fait attaqué par Tayeb et Mohamed, deux voisins et anciens amis, qu'un différend opposait : «Il a tenté de se défendre avec ses béquilles mais devant l'hystérie et la violence des assaillants, il s'est réfugié à l'intérieur du café et essayé de s'abriter derrière le réfrigérateur», témoignera le gérant du café que le jeune homme ne doit sa vie qu'à son intervention et celle de certains consommateurs qui ont réagi en utilisant des chaises. Rokaya affirmera, également, avoir pénétré dans le café et assisté à une scène d'une rare violence : « C'était horrible !», dira-t-elle.
Alors que les deux agresseurs s'acharnent sur Smaïl, Nourredine, le frère de la victime, surgit et voyant son frère à terre prend une chaise et l'abat sur le dos de Tayeb. Celui-ci se retourne et essaie de frapper Noureddine qui s'élance dehors pour éviter les coups de couteau. Tayeb et Mohamed le poursuivront jusqu'au parking situé à quelques mètres où ils lui portent plusieurs coups fatals, dont l'un lui sectionne le bras au niveau du coude : «Quelques minutes après l'évacuation de Smaïl vers les urgences, j'ai aperçu Noureddine qui revenait du parking. Il était en sang, couvert de blessures et du sang jaillissait de son bras. Il venait s'enquérir de l'état de son frère, s'est allongé et a prononcé la chahada», continuera le gérant du café. Noureddine rendra l'âme à peine arrivé à l'hôpital. L'autopsie effectuée sur sa dépouille révèlera six plaies vitales, dont celle du coude qui a provoqué une hémorragie massive et conduit à la mort.
Règlement de compte
Alertés, les services de police se rendront à l'hôpital où Smaïl et Rokaya les dirigeront vers le café où le drame a eu lieu : «C'était une attaque d'une rare violence, bestiale», témoigneront les consommateurs en identifiant S. Tayeb et S. Mohamed comme étant les auteurs de l'agression mortelle : «Ils étaient hystériques, comme sous l'effet de psychotropes», ajouteront-ils. Après des recherches, les policiers finiront par dénicher les suspects, à Ras El Aïn, chez la s?ur de Tayeb où ils s'étaient réfugiés. Sur leurs indications, les armes du crime, deux couteaux de bouchers, seront retrouvés sur le toit de la tante de Tayeb, dans le même quartier.
Dans son témoignage, le rescapé B. Smaïl rapportera avoir été attaqué par les deux jeunes hommes alors qu'il était attablé dans le café : «J'ai essayé, tant bien que mal, de me défendre avec la béquille et puis une chaise mais les coups de couteau que j'ai reçus étaient nombreux et violents… Ils ont entendu le cri de mon frère et l'ont poursuivi dehors», dira-t-il en estimant que les deux agresseurs s'étaient, sans doute, vengés de la correction que son frère et lui leur avaient infligés quelques mois plus tôt quand ils ont découvert qu'ils étaient les auteurs du cambriolage de leur domicile. Interrogés, les suspects ne nieront pas s'en être pris aux frères. Tayeb dira qu'il était sous l'effet de l'alcool et du kif qu'il avait consommés, quelque temps plus tôt, et qu'après l'agression, un moment séparés, Mohamed et lui s'étaient retrouvés, à la sortie de Mers El Kebir et avaient pris un taxi clandestin pour fuir à Oran. Mohamed, lui, justifiera leurs actes par le fait que Smaïl les avaient provoqués et que les deux frères les avaient agressés quelques mois plus tôt. S. Tayeb et S. Mohamed seront inculpés d'homicide volontaire avec préméditation et tentative de meurtre.
Nouvelles versions
A la barre, les in inculpés livreront une nouvelle version. Tayeb dira que le jour en question, son acolyte Mohamed l'avait appelé au téléphone pour l'avertir que les frères B. les recherchaient : «C'est pour cela que je me suis armé en sortant de chez moi. Je suis allé dans un endroit désert de la montagne où j'ai bu et quand je suis redescendu en ville, je suis tombé sur Mohamed. Une voiture s'est arrêté devant nous, elle était conduite par Noureddine et Smaïl était sur le siège passager». «C'est une nouvelle version que vous nous servez là !», s'étonne la présidente d'audience : «Non, je vous dis la vérité pour libérer ma conscience», répondra-t-il en ajoutant que Mohamed et lui ont suivi Smaïl à l'intérieur du café où ils se sont acharnés sur lui. «Noureddine est entré, m'a frappé avec une chaise. Je l'ai poursuivi jusqu'au parking où je l'ai poignardé avant de fuir. Mais je ne savais pas qu'il était mort», soutiendra-t-il en, affirmant, ne pas avoir eu l'intention de tuer. Ce qui a provoqué le courroux de la présidente qui lui a montré les photos des blessures infligées au défunt : «Le médecin a compté 6 plaies de 25 cm», soulignera-t-elle notamment. De son côté, Mohamed racontera que des voisins l'avaient appelé pour l'avertir que Smaïl et son frère le recherchaient : «J'étais devant le café quand une voiture conduite par Rokaya s'est arrêtée, Smaïl et trois individus en sont descendus et se sont mis à nous insulter avant de repartir. Smaïl, lui, a continué à nous provoquer alors je l'ai suivi dans le café et je l'ai frappé. Personne n'est intervenu et je n'ai jamais frappé Noureddine», affirmera-t-il.
Deux dépositions que les témoignages de Rokaya et du gérant de café (absents à l'audience) contredisent. Même s'ils ont admis ne pas avoir vu qui a frappé Noureddine, dans le parking, les deux ont témoigné, sous serment, avoir aperçu Tayeb et Mohamed courir après le défunt jusqu'à l'aire de stationnement. Mais ils étaient pris par l'évacuation de Smaïl pour se préoccuper de la suite.
Pas d'intention criminelle, selon la défense
Après avoir rappelé les faits et établi le rapport de cause à effet, entre les coups portés à Noureddine et la mort, le représentant du ministère public s'appuiera sur les premiers aveux des accusés et les témoignages accablants des témoins pour requérir la peine de mort contre les accusés qui, affirmera-t-il, ont prémédité leur crime contrairement à leurs dénégations.
Très embarrassés par un dossier accablant pour leurs clients, les avocats de la défense tenteront de jeter le doute sur l'auteur du crime : «Personne n'a vu qui a frappé Noureddine, dans le parking», relèvera un des avocats de S. Mohamed, en tentant de mettre en doute le témoignage de Rokaya, en sa qualité de compagne de Smail. Ils essaieront, également, de défendre la thèse de la bagarre qui a dégénéré pour demander la requalification des faits, en coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort, sans intention de la donner «parce que notre clients a toujours soutenu qu'il n'avait pas l'intention de tuer». Mais, très procédurière, la présidente d'audience objectera que la requête aurait dû être introduite avant le début du procès. L'avocat de S. Tayeb plaidera, également, l'absence de la volonté de donner la mort et mettra en avant l'état d'ébriété dans lequel se trouvait son client (les tests effectués sur les accusés ont révélé que Tayeb avait consommé de la drogue et de l'alcool alors que Mohamed était sobre) : «C'est cet état d'ébriété et les encouragements de Mohamed qui ont conduit mon client à commettre l'agression», affirmera-t-il en tentant de susciter la compassion du tribunal à l'endroit de son client, enfant adoptif pas très gâté par la vie. Mais au final, le Tribunal criminel estimera que les lourdes charges qui pèsent sur les accusés sont suffisamment étayées par les témoignages et les preuves matérielles pour prononcer la peine suprême, première du genre à Oran, depuis la mise en application des nouvelles dispositions du code de procédure pénale qui porte notamment le nombre des jurés à quatre.


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