Oran/Lieux mythiques d’El Bahia Racontez-moi M’dina J’dida et la Bastille

Publié le 26.03.2024 dans le Quotidien l’Expression

La Bastille sert de tribune qui permet de prendre position ou encore des distances vis-à-vis d’un quelconque fait.
Se rendre dans le marché de la rue des Aurès ne serait-ce qu'une fois par jour est d'autant plus sacralisé que les Oranais, notamment ceux du centre-ville, ne dérogent jamais à cette règle coutumière. Et pour cause: cette très commerçante rue de l'ex-Bastille, rues des Aurès actuellement, est intimement liée aux coutumes et habitudes des Oranais. Bien mieux, elle représente un pan entier de l'histoire de cette ville. Ce marché est bien plus qu'une histoire de commerce. Il s'agit en fait d'une valeur sociale à honorer. Le marché de la Bastille rassemble chaque jour les Oranais venant des différents quartiers pour converser de toute leur vie quotidienne, du fait divers banal et de la vie des quartiers jusqu'à l'actualité nationale, politique, économique, sportive et culturelle, en plus de deviser à même de la vie individuelle des individus, des hommes et des femmes qui ont osé attenter à l'ordre social établi. Dans tous les recoins du marché de la Bastille, le moindre évènement est commenté et passé au crible. Il constitue en fait le point incontournable qui permet de prendre connaissance des dernières nouvelles de la cité. Il sert également de tribune qui permet de prendre position, des distances et se faire une opinion vis-à-vis d'un quelconque fait.
La tradition à honorer
Nombreuses sont en fait ces familles qui ont déménagé dans la banlieue d'Oran, installées à Canastel, Belgaïd, Sidi El Bachir, Bir El Djir, Usto, Cité Djamel, Es Senia, El Karma etc. D'aucuns de ses installés ailleurs n'osent tourner le dos à la cité mère, les ayant enfantés et les ayant vu grandir. Ils pointent à la tombée du soleil dans ce mythique quartier pour s'acquitter de la traditionnelle habitude: faire ses achats dans le même marché habituel qui domine le centre-ville, car il est situé entre la rue Larbi Ben M'hidi et la rue Mohamed Khemisti. En plus des retrouvailles, ces amis d'enfance saisissent cette opportunité pour ressusciter des faits lointains en discutant de leur particularité et de la particularité de cette cité méditerranéenne animée par des habitants qui ornent très souvent les histoires qu'ils se racontent par un trait ironique facile leur appartenant. Le marché de la Bastille est également recommandé aux pouvoirs publics appelés à exercer leurs fonctions dans l'administration locale. Quel que soit son statut, le commis de l'État opère une descente, si petite soit-elle, dans ce marché pour sonder le terrain et relever de sa propre personne le niveau de la vie sociale des Oranais. Mais également pour décider du sort à réserver à ce marché composé d'une seule ruelle exiguë à la crasse visqueuse. Nombreux sont les walis, les maires et autres autorités locales qui ont été «bénis» par ce marché, ses marchands et ses habitués en leur rendant visite ne serait-ce que laconique. L'ambiance du marché de la Bastille est caractéristique et un attribut purement local. Dès l'avoir franchi depuis la place de la Grande Poste, le visiteur est attiré par d'incroyables cris à gorge déployée des vendeurs qui se mêlent au vacarme de la cité, créant une tonalité exceptionnelle. Le client n'est aucunement égaré en réalisant une bonne affaire en déboursant peu de dinars en contrepartie des produits qu'il recherche. Cependant, il ne risque toutefois pas d'afficher sa totale satisfaction en défaisant sa sacoche pour vanter son shopping une fois rentré. Dans plus d'un cas, il est appelé à se débarrasser rapidement de la marchandise au bord de la péremption qu'il a acquis dans l'antre du périmé, le marché de la Bastille. Il s'agit très souvent des laitages comme les fromages, des différentes qualités de beurre, des yaourts, etc.

M'dina J'dida n'est pas en reste
À moins de 10 minutes, du centre-ville, se dresse un autre gigantesque marché qui nécessite une journée entière pour visiter ses différentes cités abritant chacune une activité commerciale bien précise. Il s'agit irréfutablement du très ancien marché de M'dina J'dida. Se rendre en visite ou encore séjourner à Oran exige de faire un tour dans ce marché, ne serait- ce que pour assouvir cette appétence de découverte. Séparant le vieux quartier de Sidi El Bachir (ex- Plateau Saint Michel) et les mythiques quartiers de Mediouni et d'El Hamri, le marché de M'dina J'dida est d'autant plus d'une incroyable notoriété que sa réputation est internationale. Pourquoi donc cette célébrité? Touristes et autres visiteurs de la circonstance ciblent «avidement» ce marché le lendemain qui suit leur arrivée. La cause est toute simple et connue de tout le monde, ils sont convaincus d'avance qu'ils peuvent aisément acquérir des produits de différentes qualités et à des prix défiant toute concurrence. Le marché de M'dina J'dida s'étend de Dar El Hayat à la somptueuse prairie de Tahtaha. Dans ce marché, le vocable du dialecte local «Makache qui veut dire y en a pas» constitue le grand péché à ne jamais perpétrer. Le marché de M'dina J'dida n'a aucunement été secoué par une quelconque disette des produits recherchés y compris durant la période des grandes pénuries. Multiples et variés sont les produits proposés à longueur de journées et de surcroît à des prix compétitifs. Le gigantesque marché de M'dina J'dida compte des bouchers, des vendeurs d'épices, des marchands de légumes et fruits, une poissonnière, des petites boutiques proposant plusieurs autres spécialités de gâteaux et spécialités culinaires propres à la région comme le msemen, des galettes de semoule feuilletées appelées rougags etc. Et ce n'est pas tout! C'est en se rendant à M'dina J'dida que l'on peut aisément garnir la popote du mois de Ramadhan, en plus de réaliser de bonnes affaires en se préparant pour la fête de l'Aïd, et ce à des prix compétitifs, en plus des autres achats à effectuer dans le cadre des préparatifs pour les autres cérémonies de mariage, fiançailles et circoncisions.
Wahib AÏT OUAKLI