L’Ordre des architectes d’Oran, ainsi que des membres du mouvement associatif, ont critiqué la décision de l’Agence de gestion et de régulation foncière (Agrefor) de lancer un projet de construction de deux tours d’habitation promotionnelles au niveau de la «Calère», dans le secteur sauvegardé de Sidi El Houari.
Des membres de l’Ordre des architectes se sont exprimés lors d’une conférence de presse, organisée samedi dernier, consacrée au projet de construction de deux tours à Sidi El Houari. L’Ordre des architectes s’interroge sur les conditions et les circonstances de ce projet, alors qu’il existe plusieurs lois protégeant le site sauvegardé, comme le décret exécutif numéro 15-13 du 22 janvier 2015 qui délimite le secteur sauvegardé de Sidi El Houari et explicite que toute intervention d’aménagement ne peut se faire en dehors du plan de sauvegarde.
Il s’agit d’un projet de deux tours de 11 étages lancé par une agence de wilaya. Ainsi, un avis d’appel d’offres national ouvert avec exigences de capacités minimales a été lancé par l’agence de gestion et de régulation foncière (Agrefor), le 21 mars 2018, pour l’étude, le suivi et le contrôle des travaux de réalisation de deux tours d’habitations promotionnelles avec locaux commerciaux et bureaux en R 11.
L’Ordre des architectes, en sa qualité de garant des lois et règles de l’architecture dans la ville, a adressé une lettre administrative en évoquant d’abord le cadre juridique protégeant le site de Sidi El Houari. Dans sa lettre interpellant le wali en date du 23 mai 2018, il attire l’attention sur l’EPIC CNIC, qui a été retenu pour ce projet et qui «n’est pas habilité à assurer la maîtrise d’œuvre en architecture», et ce, selon le décret exécutif 14-128 du 5 avril 2014 portant création dudit établissement.
Les architectes soulignent également que la nature de ce projet oblige de passer par la procédure du concours conformément au décret présidentiel 15-247 du 16 septembre 2015 portant code des marchés. L’Ordre des architectes estime qu’aucun projet ne peut être lancé, ni même pensé dans le secteur sauvegardé de Sidi El Houari alors que le plan de sauvegarde n’a pas été lancé.
Karim El Ghazi, vice-président du bureau d’Oran de l’Ordre des architectes algériens explique: «Nous demandons tout simplement que les lois soient respectées, car c’est notre mission en tant qu’Ordre des architectes. Je fais référence à la loi 94-07 dont l’article 26 explicite nos missions, dont celle de veiller à l’application de cette même loi, et aux articles 35 et 36 stipulant la création dans chaque wilaya d’un comité d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement bâti. Ce comité n’existe pas à Oran, ce qui veut dire tout simplement que les architectes sont écartés de la ville, des projets, des visions, etc. Certains choix sans vision se font sans nous consulter.»
Plusieurs associations et collectifs étaient présents à cette conférence de presse, dont l’association Bel Horizon, engagée pour la protection du patrimoine. Son président, Kouider Metaïr, déclare: «C’est une atteinte aux lois et il faut que ce projet cesse.»
Ce dernier exprime son inquiétude quant aux multiples retards qui ajournent le plan de sauvegarde dans le secteur sauvegardé de Sidi El Houari, l’ancienne ville. Il faut savoir à ce propos que ce plan de sauvegarde pour lequel a été allouée une somme de 1,4 milliard de centimes, est bloqué en raison du gel de ce financement justement. D’après M. Metaïr, il y a eu des réactions positives et des lueurs d’espoir mais tout s’est arrêté.
«On se demande pourquoi on arrive à trouver de l’argent pour lancer des projets pareils, mais l’on n’arrive pas à lever le gel sur une modique somme pour étudier un plan de sauvegarde qui, d’ailleurs, ajourne tous les projets prévus à Sidi El Houari, car rien ne peut se faire en dehors de ce plan», a expliqué M. Metaïr, qui a souligné que toutes les pistes sont envisagées pour s’opposer à ce projet de construction de deux tours.
«Nous ne sommes pas là pour dire qu’il ne faut pas construire mais qu’il faut le faire dans le respect du plan de sauvegarde. C’est ce dernier qui décidera», a-t-il fait remarquer.
Pour sa part, Djilali Tahraoui, architecte et directeur de publication de la revue Madinati, s’est interrogé sur la décision du ministère de la Culture de faire une loi pour qu’elle ne soit, finalement, pas respectée, et surtout par l’administration locale.
«Face à cet état de fait, nous demandons que les architectes et les spécialistes du patrimoine soient impliqués dans la prise de décision, concertés, car on ne peut plus continuer à agir ainsi, comme pour le comité d’architecture qui n’existe pas au sein de la wilaya. Il faut se concerter avec l’Ordre des architectes, les associations et le département d’architecture à l’université. Il faut surseoir à toute intervention dans le secteur sauvegardé jusqu’à la relance du plan de sauvegarde et l’élaboration de sa première phase qui comprend un plan d’urgence. Il faut également renforcer la direction de la culture en moyens humains, notamment des architectes, et en matériels pour qu’elle puisse faire face à l’exigence du moment», a résumé M. Tahraoui.
En tout état de cause, les spécialises et militants mobilisés pour la préservation de Sidi El Houari tirent la sonnette d’alarme sur des pratiques qui, selon eux, ne se limitent pas au dit quartier, mais concernent toute la ville d’Oran qui souffre d’une ruée aliénante sur le foncier et une course effrénée vers le béton.
R. Benchikh
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Posté Le : 05/06/2018
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : R. Benchikh
Source : elwatan.com du lundi 4 juin 2018