L'affaire du présumé espion égyptien débusqué en octobre 2008 dans le
terminal à hydrocarbures du port d'Arzew était hier devant le tribunal criminel
d'Oran. Un retour à la barre de ce dossier, suite à un double pourvoi en
cassation formulé par le parquet, d'un côté, et par le mis en cause égyptien et
sa coaccusée, une femme algérienne, de l'autre. Tous deux avaient été condamnés,
rappelle-t-on, à 15 et 10 ans de réclusion pour «espionnage» et «trahison»
respectivement au premier procès, le 16 novembre 2009. Deux ans après, donc, ils
ont eu à comparaître à nouveau devant la cour d'assises pour répondre des actes
qui leur étaient reprochés. Malgré un débat très fouiné, le mystère qui entoure
certains pans de cette affaire, voire son fond même, demeurait entier à l'issue
d'un procès très serein, dont la tournure présageait, pour les plus pessimistes,
un sort heureux pour l'Alexandrin Mohamed Ahmed Mohamed Ibrahim, 27 ans, et son
ancienne amie et actuelle compagne de geôle, Fayrouz.
Le réquisitoire, plutôt doux, de la procureure générale,
ponctuée par une conclusion vague et nuancée, à savoir «l'application stricte
de la loi», abondait dans le sens d'un allégement de la sentence, voire d'un
acquittement. Parmi les questions restées sans réponse, trois sont
fondamentalement importantes. Pour qui, quel circuit de renseignement, quelle
institution, quel Etat… roulait ce présumé espion? Quelle
est la valeur, la pertinence et l'usage projeté des photos – travail d'amateur
en somme – prises en sa possession, le corps du délit ? Quelle est la relation
exacte de ce collecteur d'informations avec sa présumée complice, une mère au
foyer résidant à Sétif, et en quoi consistait le rôle de celle-ci ? D'après les
faits consignés dans le dossier d'accusation, ce jeune Alexandrin de 24 ans est
entré en Algérie le 2 juillet 2008 pour officialiser un contrat de travail avec
une entreprise égyptienne, dénommée Sub Sea Petrolio Services, un sous-traitant
de la filiale Société de gestion des terminaux d'hydrocarbures (STH), de Sonatrach. Plongeur sous-marin, il est spécialisé dans les
manoeuvres de montage, entretien et réparation en milieux poreux et marin. Au
niveau de la zone pétrochimique du port d'Arzew, il intervenait notamment sur
les pétroliers, les méthaniers et le dock flottant. A peine a-t-il bouclé trois
mois dans ce chantier naval et pétrolier qu'il sera dans le point de mire de la
sécurité portuaire. Deux faits ont éveillé les soupçons autour de cet étranger.
Deux colis postaux qui lui ont été envoyés, portant le nom du destinataire, «Mohamed
El-Askandarani El-Ghaouas» (Mohamed
l'Alexandrin le plongeur), et une valise qu'il devait recevoir de la part d'une
amie. Comme il ne pouvait pas quitter l'enceinte portuaire sauf cas urgent bien
précis, il chargeait tel ou tel collègue de travail d'aller lui ramener les
colis du bureau de poste de la ville et également un porteur de courrier
travaillant comme receveur d'autocar dans la ligne inter-wilayas
Sétif-Oran.
Un agent de sécurité n'a pas hésité à informer ses supérieurs sur le
comportement du technicien égyptien. Mis en filature et sous écoute, une
souricière lui sera tendue. Le 21 octobre 2008, le porteur de courrier sera
arrêté en possession d'un CD qui, après exploration, s'est avéré contenir douze
photos de sites stratégiques du complexe pétrochimique et des infrastructures
portuaires d'Arzew, interdites à la photographie. Le «messager» qui devait
remettre le CD de l'Egyptien à la même femme qui l'avait chargé d'acheminer la
valise à l'expéditeur, dit ignorer complètement le contenu et la nature du CD. Selon
lui, il n'a fait qu'acheminer un colis d'un client à un client, comme le font
beaucoup de chauffeurs de taxi et de receveurs de bus. Grâce au numéro de
téléphone, l'expéditrice de la valise a été identifiée puis arrêtée. C'est une
femme au foyer résidant à Sétif, mère d'un enfant d'un an et demi. Les cadeaux
alléchants que cette femme envoyait à l'Egyptien, dont des parfums de marque, une
valise contenant des habits de luxe pour la dot de la sœur de l'Egyptien, une
somme de 1.000 euros pour que ce dernier puisse réhabiliter son appartement à
Alexandrie, ont conforté les doutes des enquêteurs.
A l'issue des délibérations, les deux prévenus ont été reconnus coupables
et condamnés tous deux à 10 ans de réclusion.
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Posté Le : 28/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Saaïdia Houari
Source : www.lequotidien-oran.com