La saga judiciaire BCIA qui a débuté en 2003 n'en finit pas de livrer de
nouveaux épisodes, au gré des péripéties procédurales. Dernier fait saillant de
ce 2e plus grand scandale bancaire en Algérie après celui de Khalifa Bank: le
procès en appel concernant deux fils du patron de la défunte banque privée BCIA
et deux opérateurs commerciaux, mis en cause dans les fameuses traites
avalisées, artifice fallacieux utilisé à l'apogée de la BCIA (2001-2003) pour
aspirer de l'argent des coffres-forts de la Banque Extérieure d'Algérie. Il
s'agit de Kharoubi Badreddine et Kharoubi Chakib, respectivement DG adjoint
chargé des contentieux de la BCIA et DG adjoint de la compagnie d'assurance
Star El-Hana (entité créée par les fonds propres de BCIA) ainsi que Nebia
Mohamed Amine et Nebia Saïd, associés dans «Fouatih & Nebia», un consortium
qui avait atteint à l'époque une vingtaine d'entreprises commerciales faisant
dans l'import et la grande distribution pour la plupart.
Toutefois, seuls les deux frères
Nebia étaient concernés par le procès d'hier, qui revient devant la cour d'Oran
après cassation. Contestant la sentence de la même cour qui les avait condamnés
pour «complicité de détournement de deniers publics», en vertu des articles 42
et 44 du code pénal et de l'article 29 de la loi 01/06 relative à la prévention
et la lutte contre la corruption, à une peine de 2 ans de prison ferme et une
amende de 200.000 DA assortie de 43,5 millions de DA plus 10 millions de DA
comme dommages et intérêts, pour chacun, les deux Nebia, en liberté provisoire,
s'étaient pourvus en cassation. La Cour suprême ayant approuvé leur recours
dans la forme, leur dossier a été retransmis à la cour d'Oran pour être
réexaminé dans le fond.
Après une brève concertation avec ses deux juges assistants, le président
a déclaré d'un ton neutre le report du procès au 3 mai. Motif de l'ajournement:
l'absence d'un témoin-clé, Fouatih Belkacem, l'ancien homme d'affaires et
associé des deux prévenus, lequel n'a pas été transféré de l'établissement
pénitentiaire où il purge sa lourde peine. Au cÅ“ur de cette affaire, un petit
bout de papier. Mais un petit bout de papier qui vaut 4 milliards et 350
millions de centimes. En fait, il s'agit d'une traite, appelée aussi dans le
jargon bancaire «lettre de change» (un effet de commerce transmissible par
lequel un créancier donne l'ordre à son débiteur de payer à une date déterminée
la somme qu'il lui doit, à l'ordre de lui-même ou à un tiers). Cette traite
avalisée par la BCIA et escomptée par la BEA, au niveau de l'agence Yougoslavie
sise quartier de Medioni à Oran, devait, en principe, financier une transaction
commerciale entre BEFCO, Unial et Norcad, toutes des Eurl de la société-mère
«Fouatih & Nebia». Rien de tel, puisqu'il n'y a eu en réalité aucune
transaction bien que l'argent correspondant ait été bel et bien versé dans le
compte de Norcad.
Les deux Nebia, qui croyaient que le dossier était classé dans leur cas
lorsqu'ils avaient bénéficié d'un non-lieu lors de l'instruction puis d'une
relaxe en première instance, seront rattrapés par cette lettre de change qui
leur vaudra, en novembre 2008, une condamnation à la prison et un dur coup à
leur portefeuille. Pourtant, ils ont de tout temps clamé leur innocence, en
affirmant qu'ils ignoraient l'existence même de cette traite de 43.500.000 DA,
dont ils n'en prirent connaissance que dans le bureau du magistrat instructeur.
Selon eux, c'est Fouatih Belkacem, le gérant de tout le groupe et son
maître-penseur qui avait accompli tous les actes relatifs à cette traite. En un
mot, c'est lui qui a tout manigancé, soutiennent-ils.
L'expertise de la pièce coup par coup par le Laboratoire scientifique
régional de la police d'Oran et une experte agréée en écriture leur donnera
raison, du moins par rapport au faux en écriture: la signature figurant sur la
traite n'est pas celle de Nebia Mohamed Amine). La charge de falsification sera
mécaniquement gommée du dossier d'accusation. Reste que pour la justice (et
ceci est mentionné en gras dans les attendus du jugement de la cour daté du 23
novembre 2008) «Les deux accusés Nebia sont des associés dans plusieurs
sociétés avec Fouatih Belkacem, dont il était le gérant, en plus de la société
Unial gérée par Nebia Mohamed Amine. Il est établi du dossier que les comptes
des sociétés dans lesquelles ils sont des associés ont été utilisés pour le transfert
des fonds et leur dilapidation par le retrait de la traite garantie d'une
manière illégale et celle-ci a été bel et bien escomptée au profit de la Banque
commerciale et industrielle d'Algérie.»
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 06/04/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Houari Saadia
Source : www.lequotidien-oran.com