Algérie

Oran-Festival du film arabe :Voyage à Alger, étoffe d'un beau mélodrame


L'intention exprimée par le cinéaste Abdelkrim Behloul en faveur d' « un regard d'adulte » sur une histoire vécue durant son enfance ne se retrouve pas forcément dans son Voyage à Alger.Premier film à être projeté, vendredi 24 juillet, à la salle Es-Saada (ex-Colisée) dans le cadre du Festival international du Film arabe. En creusant davantage les caractères des personnages, on aurait eu droit à un beau mélodrame, les ingrédients de l'intrigue, avec en prime une bonne part d'autobiographie, étant là pour entretenir la charge émotionnelle : une femme victime d'une injustice (le terme actuel de hogra s'adapte mieux) décide de faire le voyage de Saïda à Alger pour porter son cas à un plus haut niveau de l'Etat. Nul ne peut rester insensible devant la maltraitance d'un enfant orphelin ni devant la tentative de spoliation d'une veuve, de surcroit une veuve de chahid avec six enfants à charge qui, vivant dans un dénuement total dans la campagne, venait de bénéficier légalement d'un logement cédé par un « bon » pied-noir qui a quitté la ville, six mois après l'indépendance, mais qu'un officier de police cupide, convoite. Nous sommes juste au lendemain de l'Indépendance et l'histoire est d'autant plus touchante que les événements racontés vont à contre-courant de l'euphorie qui devait suivre la libération et l'élan de solidarité non encore estompé, issu des liens de fraternité sans lesquels le combat contre le colonialisme aurait été vain. Samia Meziane qu'on aura déjà vue dans la peau de ce qui se rapprocherait d'une « militante féministe citadine » campe merveilleusement bien le rôle de cette humble femme paysanne, débordante d'énergie qui refuse de céder à la fatalité et qui, par sa force de persuasion, hors du commun, a réussi à franchir plusieurs portes, théoriquement fermées devant le citoyen ordinaire, et convaincre le ministre de la défense de l'époque (Houari Boumediène, ndlr) dans le bureau duquel on l'avait introduite, de réagir en sa faveur. Chose faite, et la justice a fini par triompher. Dans la vie réelle, la mère du réalisateur aurait un jour dit à son fils, qui avait tendance à critiquer la politique de Houari Boumediène, devenu président : « Sans cet homme-là, tu n'habiterais pas cette maison aujourd'hui. »Dans le film, la stricte linéarité du récit empêche cependant toute lecture politique et la nature des dialogues, dégarnis, ne laisse aucune place à un quelconque symbolisme. Si le cinéaste déclare ne pas avoir de message particulier à véhiculer dans le film, comme il devait l'expliquer lors du débat, certaines digressions, comme le passage vers l'Indépendance ou alors le déplacement de la campagne vers la ville ne sont pas bien clairs et un spectateur non initié à l'histoire de l'Algérie, aurait du mal à en saisir la portée. On comprend aisément que le manque de moyens financiers empêche une reconstitution d'époque ou l'engagement de figurants, d'où tous les plans serrés qui ne permettent pas, par exemple, de faire la différence entre Saïda et Alger (excepté une vue sur la mer). Des images d'archives auraient pu combler cette lacune. A défaut, cet aspect renforce l'idée d'un recadrage vers la vision naïve d'un enfant-témoin, traumatisé par la mort de son père et qui n'a pas la capacité d'expliquer les jonctions qui ont pu s'opérer au sein du pouvoir local pour en subir cette injustice dont le dénouement l'aidera à faire son deuil.
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