Algérie

Oran et Alain Gabet, le voyageur du vent



Histoire d’amour entre un champion et sa ville «La prochaine fois», le titre du best-seller de Marc Lévy, qui traînait par hasard sur le tableau de bord en bois noble du beau yacht «Le Prestige» de la SNSM (Société française de sauvetage en mer) est un signe de bon augure pour le départ d’Alain Gabet, laissaient entendre tacitement l’équipage et leurs amis de Phénicia. Une fine superstition de marins qui a fait sourire suavement tout le monde. Sébastien, le photographe de l’équipe, diplômé en Histoire de l’Art, qui a choisi d’être photographe freelance et battre le pavé en globe-trotter, avec Alain et les autres, s’attarde sur chaque photo prise lors de la traversée et règle les derniers cadrages et ajustements. Les préparatifs du départ ont dores et déjà commencé. Le doyen de l’équipe, Philippe, le régisseur de l’expédition, ne laisse rien au hasard. Tout est minutieusement préparé. La voile d’aile d’Alain est soigneusement pliée et mise dans son emballage. La stratégie fixée pour l’approvisionnement en carburant est également prête. Les haltes sont programmées dans la Péninsule ibérique. Le départ est prévu demain matin. Alain Gabet, le héros de ce Raid 2008, n’a pas fermé l’œil depuis son arrivée à Oran, malgré la fatigue des 1.200 kilomètres franchis, à la force des bras. Un assortiment de sensations fortes qui le taraudent: les retrouvailles avec le pays natal et les amis, la réussite du challenge Raid 2008, l’image de la maison de son enfance à Saint Eugène qui n’a pas changée d’un iota, ce vieillard rencontré à la Place Sainte Eugène qui a reconnu et nommé la tante regrettée et tant aimée, les belles images de la baie d’Oran qui se dessinaient à l’horizon… tourbillonnent dans l’esprit d’Alain. Le maelstrom du Paradis Perdu puis retrouvé qui a chassé les messagers de Morphée, durant trois nuits consécutives. Philippe, le gardien du temple du «Prestige», qui connaît bien la sincérité et l’émotivité sans limites d’Alain, l’amadoue et le caresse avec des regards protecteurs. Alain, le voyageur de vent, reste confiné dans ses pensées douces mais chargées d’émotion. Les autres membres de l’équipage savourent, quant à eux, calmement la réussite du Raid 2008 ainsi que l’hospitalité, digne des vrais Méditerranéens, des adhérents de l’association Phénicia et du club de l’aviron. Toujours suspendu à ses images inespérées, Alain parlera du moment crucial de son arrivée à Oran, après 15 jours de dur labeur. «J’étais vidé de ma substance. Les crampes alourdissaient mes membres et serraient abruptement ma poitrine. Je ne voulais qu’une seule chose: m’arrêter. Et voilà que la pointe de la montagne d’Oran apparaît comme une pointe d’aiguille à l’horizon. J’ai cru à un mirage mais voilà que l’équipage du Prestige s’égosillait avec joie: enfin, la terre d’Oran. Une centaine de mètres, plus loin, puis mes bras me lâchent. Je tombe dans l’eau glaciale. Cet environnement aquatique sans pitié, qui devient subitement aqueux et vous triture les viscères, me vidait les dernières reliques de ma substance vitale. Mais, à la vue de ma ville qui se dessinait à l’horizon, des forces inespérées surgissent en moi et font accélérer mon rythme cardiaque. Je me relève et je tire brutalement ma voile qui cabre dans une houle de plus de quatre mètres. A ce moment, j’étais conscient que ce que je viens d’accomplir n’a rien d’égal à mes antécédentes aventures. C’était viscéralement émotionnelles ces retrouvailles avec mon pays natal. Oran, depuis la mer est magnifique». Quant au sage Philippe, il décrit les durs moments de la traversée, au large des côtes espagnoles où, soudain, le ciel s’est abattu comme par malédiction sur eux. «Les cumulus chargés de férocité descendaient sur nous à une vitesse vertigineuse et transformaient le plein jour en ténèbres. Les rares rayons de lumières fébriles, qui ont pu traverser ces cumuls d’enfer, dessinaient, à à peine un mètre de la surface de l’eau, des arcs-en-ciel curves, obtus et obvies… Les souffles d’Eole devenaient saccadés et n’obéissaient à aucune norme et échappaient à tout commentaire scientifique. Mais Alain tenait bon sur sa planche. Il fallait qu’on ne le perde pas de vue.» En fait, Alain et l’équipage du Prestige ont fui les anti-cyclones qui aplatissaient les côtes espagnoles, bannissant le moindre frémissement d’air. Cependant, au large, ils ont été accueillis par un déchaînement inédit des éléments. Une perte de temps considérable a été enregistrée alors, au débouché de la Costa Brava espagnole. «Les efforts prodigués par Alain ont été incommensurables, continue à raconter Philippe le vaillant, il fallait qu’il reprennent des forces car le chemin est encore long.» Philipe préparait des pâtes à toutes les sauces et obligeait Alain à en manger à tire-larigot. Dieu soit loué! Les recettes culinaires, diététiques et de coaching de Philippe réussissaient merveilleusement sur Alain qui reprenait la mer avec fougue, depuis Carthagène… droit sur Oran. Le séjour d’Alain et ses coéquipiers à Oran a été le sacre de cette traversée, selon leurs aveux. «Il arrive que deux âmes se rencontrent pour n’en former plus qu’une. Elles dépendent alors à jamais l’une de l’autre. Elles sont indissociables et n’auront de cesse de se retrouver, de vie en vie. Si au cours d’une de ces existences terrestres une moitié venait à se dissocier de l’autre, à rompre le serment qui les lie, les deux âmes s’éteindraient aussitôt. L’une ne peut continuer son voyage sans l’autre», écrit Marc Lévy dans on roman, La prochaine fois. Une vraie histoire d’amour entre un champion et une ville.   Benachour Med


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